Dans ma dernière
contribution, je parlais de mon stage de massages et terminais ainsi
mon propos : « Je n'ai pas su poursuivre l'expérience de
ce stage de manière pratique à l'extérieur. Car j'avais les
préjugés de mon époque, je croyais à l'existence du « sexuel ».
Qu'il existait une zone de la communication entre humains adultes qui
implique automatiquement la recherche du coït. » Qu'est-ce à
dire ?
J'avais eu l'occasion de
vivre un toucher très agréable et pas du tout sexuel. En écrivant
cette phrase je me rends compte que je me mets en désaccord avec
sans doute au moins quatre-vingt pour cent de la population, sinon
plus. La plupart des gens croient que les caresses entre adultes
débouchent sur le coït. Ils trouvent cette situation juste et
positive, ou injuste et horrible, mais y sont attachés. Plus même :
rien que la vue des gens, baptisés « nus » pour la
circonstance, est considérée comme « sexuelle ».
J'étais passé à
travers le miroir et avais vécu autre chose. Comment allais-je
transposer cette expérience dans la vie de tous les jours ? Ce
fut impossible du fait même du matraquage normatif sexuel dominante.
De la « pensée unique sexuelle » régnante qui nous
brame à longueur de journées dans les oreilles : « baisez,
c'est très bien !!! » ou : « ne baisez pas,
résistez, baisez c'est très mal !!! »
J'avais recueilli les
coordonnées de la jeune et très jolie fille de dix-sept ans avec
laquelle j'avais sympathisé durant le stage. Je pris contact avec
elle pour la revoir. Elle habitait pas loin de mon lieu de travail.
Mais déjà ma vision de la situation était déformée par le
matraquage sexuel régnant, qui n'a fait que s'amplifier depuis cette
époque. Ça se passait il y a trente-et-un ans.
L'expression même de ce
matraquage, je m'en souviens très bien, est que j'ai eu un moment
d'appréhension avant de téléphoner à cette jeune fille. Je me
suis dit : « oui, mais il y a le SIDA. » Qu'était-ce
à dire ? Que d'emblée, rencontrant une demoiselle sympathique
je pensais au coït. Alors que je n'avais pas éprouvé le moindre
désir de la chose avec elle. Pourquoi alors penser au coït et
craindre la contagion du SIDA ?
Pour la très simple
raison que la « pensée unique sexuelle » n'arrête pas
de nous bramer dans les oreilles que nous devons baiser à tout va. Quand bien-même nous n'éprouverions aucun désir mais connaîtrions
juste la possibilité « technique » de réaliser l'acte.
Partant sur de telles
bases, nos retrouvailles ne risquaient pas de suivre un cheminement
original. La jeune fille et moi, quand nous nous sommes revus,
n'avions en gros rien à nous dire. Nous ne nous sommes pas revus par
la suite et j'ai même oublié son prénom.
La « pensée unique
sexuelle » a ainsi triomphé de notre relation tactile
possible. Au nom du « mieux » qui serait soi-disant la
recherche du coït, on évite de se lancer dans la recherche et
l'exploration du continent inconnu de la tactilité. L'inconnu fait
toujours peur. D'autant plus qu'il nous rappelle l'impressionnant et
incompréhensible monde de la vie intra-utérine et de notre très
petite enfance où nous avons pleinement vécu notre tactilité.
C'est tellement plus
simple et rassurant de nier tout ça au nom de la baise, que souvent nous ne réussissons pas à réaliser parce « l'autre ne
veut pas ». C'est toujours la faute à l'autre, jamais à
nous-mêmes. C'est très commode de penser ainsi. On n'y est pour
rien, ce sont les autres qui n'ont pas compris ou « ne sont pas
gentils ». Ouf ! Prenons vite la fuite et cachons-nous
pour ne rien voir.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 26 juillet 2017
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