Depuis des siècles en France la société a prétendu nous dicter des impératifs
dans notre vie intime dite « sexuelle ». Encore de nos
jours notre Code civil indique que les époux se doivent
soutien mutuel et « fidélité ». C'est dire que le
législateur met ici son nez dans le slip des autres. Plus anciennement
c'était pire. Julien et Marguerite de Ravalet, frère et sœur,
furent accusés d'adultère et d'inceste. Et pour cela emprisonnés,
torturés et assassinés légalement par décapitation le 2 décembre
1603 devant l'Hôtel de ville de Paris. La sœur venait d'accoucher.
Le roi Henri IV aurait dit, selon le Journal du règne de Henry
IV, Roi de France et de Navarre de Pierre de l'Estoile: « si
la femme n'eût point été mariée il lui eût volontiers donné sa
grâce, mais que l'étant il ne le pouvait ». Si ce propos
rapporté est vrai, c'est une tâche indélébile sur la mémoire
d'Henri IV.
Prétendument à présent
« libérée » notre sexualité est toujours régie par des
contraintes et des obligations à références variables, y compris
« naturelles ». La plus étrange et très patriarcale
prétend que l'homme aurait des « besoins ». Ceux-ci le
conduirait à une sexualité permanente et frénétique. À
la différence des autres espèces animales, de l'âge de la puberté
à la vieillesse il aurait besoin de « faire l'amour »
régulièrement. Ce qui se traduirait par la nécessité pour lui de
trouver une ou plusieurs « partenaires » sexuels. Ce
discours est un ramassis de mensonges.
S'inventer une faim
artificielle est chose aisée. Les obèses ont faim, c'est connu.
Alors ils bouffent trop, trop souvent et trop riche. Certains se
lèvent même la nuit pour bouffer. Avec le sexe c'est pareil. On
développe une boulimie sexuelle masculine et plus rarement féminine.
On baise, ou on cherche à baiser. C'est-à-dire qu'on cherche non
pas à « faire l'amour », mais on cherche à se
masturber dans un orifice naturel de quelqu'un d'autre en croyant
« faire l'amour ». Parvenir à se déconditionner de
cette faim parasite et artificielle est une très grande libération.
Quand on se laisse
intoxiquer par le discours régnant, non seulement on cherche à
satisfaire artificiellement une faim artificielle, mais on
s’intéresse de très près à la conduite des autres dans ce
domaine. On se sent concurrent pour être meilleur et plus chanceux
et heureux, voire on cherche à piquer les « conquêtes »
des autres. On est irrémédiablement envieux, jaloux. Quand on a
décidé de tourner le dos à cette triste comédie, les
gesticulations sexuelles des autres, ou leurs amours effectives
cessent de nous concerner. Une amie me disait tout dernièrement :
« j'ai trouvé un fiancé ». Elle aurait pu tout aussi
bien me dire : « j'aime les tartes aux fruits ». Je
me serais senti autant concerné. Le fiancé ou les tartes aux fruits
qu'elle mange, c'est sa vie. Ça ne me concerne pas.
Quand on est en plein
intoxiqué par les discours de la société prétendant nous dicter
notre comportement « sexuel », on s'encombre avec une
tonne de « normes ». Ce qui est juste et bon en matière
de sexualité, ce qui est injuste et mauvais en matière de
sexualité. On en fait des discours, on énumère des normes, des
éloges, des approbations, des condamnations, surtout énormément de
condamnations. Quand on est libéré de la sexualité, on laisse de
côté ces kilos de déclarations. Simplement on se dit : « quoi
qu'il arrive, quel domaine que ce soit étant concerné, il faut
toujours chercher à se respecter et respecter les autres. » De
toutes manières, si on est incapable de savoir se respecter et
respecter les autres, les normes et les règles les plus belles ne
serviront pas à grand chose. Nous avons une tête, un cœur, une
conscience, il faut y faire appel et savoir en profiter.
Libéré de la sexualité
et ses normes impératives, on se sent bizarre au début. Les
premières semaines on a l'impression de passer à côté de quelque
chose. On est un peu comme un végétarien désemparé qui mange son
fromage et ses légumes au milieu d'un festin de carnivores... Puis
on s'y fait. Surtout quand on réalise à quel point sont souvent
malheureux et malades les passionnés d'alimentation carnée.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 3 juillet 2017
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