lundi 10 juillet 2017

811 Le premier moyen d'expression et communion humaines

Il y a des années j'ai eu connaissance d'une expérience. Dans un supermarché, sans prévenir la clientèle, on demanda aux caissières de se diviser en deux sortes différentes. Les premières, en rendant la monnaie aux clients devaient s'appliquer à le faire en leur touchant la main. Les secondes devaient le faire en évitant de toucher la main de leur client. Des sondeurs interrogeaient les clients à la sortie pour savoir quelles caissières leur paraissaient les plus sympathiques. Les caissières du premier groupe furent trouvées très majoritairement les plus sympathiques, agréables, communicatives...

Ce résultat ne doit pas nous étonner. La peau est le principal organe de communication, expression, réception, communion humaines.

Chez les humains adultes, cet organe de communication, expression, réception, communion est neutralisé très largement par les vêtements, les règles régissant « la pudeur » et l'interprétation comme quoi le contact, le toucher, la caresse, l'étreinte dans les bras, le bisou, le contact avec la bouche et la langue en général constituent forcément une invite sexuelle, un « préliminaire » au coït.

Cette prétention à laquelle on nous habitue dès très jeune est en fait aussi baroque et ridicule que celle qui prétendrait que l'expression verbale a pour seul et unique objet de faire des « avances » sexuelles.

Il est difficile de réaliser l'ampleur et le caractère des problèmes causés par la prohibition du toucher, l'exil des humains adultes au milieu d'une peau qu'on évite largement de toucher ou utiliser pour toucher. Des troubles nerveux, comportementaux, voire qualifiés de « psychiatriques » doivent trouver ici leur source ou la source de leur aggravation. Que faire alors pour améliorer la situation ?

Il ne s'agit pas de dire aux gens d'aller faire des bisous dans le cou à tout le monde. Il existe un conditionnement et des traditions qu'il ne s'agit pas de chercher à éliminer, mais plus réalistement de soigner les conséquences les plus graves de ce silence dermique imposé.

Mettre au point des protocoles curatifs tactiles qui contournent les obstacles culturels. Pour traiter des personnes en souffrance, et il y en a ! Par exemple toutes celles qui à un moment donné de leur vie ont éprouvé une grande peur, souffrance, déception causée par un autre être humain. Ou on subit ou eu peur de leur violence, notamment sexuelle, mais pas seulement.

Aujourd'hui on prétend soigner nombre de ces problèmes par la parole et l'écoute auditive. Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire, cette méthode pour soigner des blessures physiques et – ou – morales, me fait penser au traitement de la fracture d'un os avec des chansons. Ça peut faire du bien, mais on passe à côté d'une part essentielle du geste curatif.

Nous sommes environnés de personnes plus ou moins blessées à un moment donné de leur vie, dont on n'a jamais soigné sérieusement la blessure. Sans parler de la blessure que représente le silence dermique imposé par la société. Silence dont on n'a le plus souvent même pas conscience. Un peu comme une personne affamée qui a toujours eu faim et ne réalise pas qu'il lui manque quelque chose.

Le traitement, ou les traitements, du silence dermique permettront de mieux connaître et soigner les humains. Les soignants eux-mêmes devraient y trouver par force une amélioration personnelle de leur état général. Ils s'enrichiront en donnant.

Basile, philosophe naïf, Paris le 10 juillet 2017

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