mercredi 12 juillet 2017

812 Toucher et parole, langage et caresses

Depuis 1986, soit depuis plus de trente ans, je me suis interrogé sur le toucher entre humains adultes. C'est seulement avant-hier que j'ai pu définir ce qu'il est : le principal moyen d'expression et de perception humaine et également le plus négligé, maltraité, mal et faussement interprété.

Il est intéressant de voir comment ce moyen d'expression est qualifié avec un autre moyen d'expression : la parole.

Une expression existait en français, qui a évolué et disparu dans son sens originel il y a très longtemps : « être en goguette. » Qui signifiait « être en caresses avec une femme ». Aujourd'hui il n'existe plus aucune expression signifiant la même chose. Et « être en goguette » signifie faire la fête, être un peu saoul à cette occasion.

Divers mots et expressions ont évolué dans leur sens : « faire l'amour » signifiait « faire la cour », aujourd'hui ça signifie pratiquer le coït. « Embrasser » signifiait serrer dans ses bras, aujourd'hui ça signifie donner un bisou. « Baiser » signifiait donner un bisou, ça signifie aujourd'hui pratiquer le coït. Sucer a pris souvent le sens spécialisé et restrictif de faire une fellation ou un cunnilingus.

Dormir avec quelqu'un peut être très agréable. Aujourd'hui il n'existe rigoureusement aucune expression permettant d'en parler. Passer la nuit avec, dormir avec, aller au lit avec, coucher avec, signifie immanquablement baiser.

Pour mesurer le mauvais sort fait au langage tactile entre humains adultes, il faut le comparer avec le langage verbal.

Que diriez-vous s'il était considéré comme abominable de parler avec ses proches : père, mère, frère, sœur, fils, fille ? De même si c'était condamné de parler avec des personnes de même sexe que vous, ou très jeunes, ou très âgées, ou handicapées, ou bien plus riches que vous ?

C'est ce qui se passe avec le langage tactile, le plus souvent assimilé, associé abusivement au coït.

Que diriez-vous si vous n'auriez le droit durant votre vie adulte à ne parler qu'avec une unique personne, parce que sa conversation serait agréable et intéressante ? Quarante, cinquante ou soixante ans à ne parler et régulièrement qu'avec un unique interlocuteur ou une unique interlocutrice ? C'est ce qu'on cherche à nous imposer avec les câlins.

Si vous prétendriez parler à plusieurs personnes, vous voilà aussitôt qualifié d'être désordonné, faisant « n'importe quoi. » La prohibition des câlins avec les très jeunes crée des traumatisés qui vont des décennies plus tard se lamenter rétrospectivement : « mon père, ou ma mère, ne me faisait jamais de câlins. » J'en ai rencontré.

Les câlins sont pourchassés et en même temps servent de « carte d'identité ». On voit souvent des personnes se présenter en se définissant comme : « la petite amie de untel » et plus rarement comme : « le petit copain de unetelle. »

Le mauvais traitement des câlins paraît avoir son origine dans le patriarcat. Cette perversion de la société humain toute entière prétend assurer la domination de l'homme sur la femme. Pour quel avantage ? Une femme de ménage et une assistante maternelle à domicile, pour s'occuper des enfants et... une pute à domicile. Qui doit assurer un « service » de câlins sexuels à domicile.

Basile, philosophe naïf, Paris le 12 juillet 2017

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