Depuis 1986, soit depuis
plus de trente ans, je me suis interrogé sur le toucher entre
humains adultes. C'est seulement avant-hier que j'ai pu définir ce
qu'il est : le principal moyen d'expression et de perception
humaine et également le plus négligé, maltraité, mal et
faussement interprété.
Il est intéressant de voir comment ce moyen d'expression est qualifié avec un autre moyen d'expression : la parole.
Une expression existait
en français, qui a évolué et disparu dans son sens originel il y
a très longtemps : « être en goguette. » Qui
signifiait « être en caresses avec une femme ».
Aujourd'hui il n'existe plus aucune expression signifiant la même
chose. Et « être en goguette » signifie faire la
fête, être un peu saoul à cette occasion.
Divers mots et expressions
ont évolué dans leur sens : « faire l'amour »
signifiait « faire la cour », aujourd'hui ça signifie
pratiquer le coït. « Embrasser » signifiait serrer dans
ses bras, aujourd'hui ça signifie donner un bisou. « Baiser »
signifiait donner un bisou, ça signifie aujourd'hui pratiquer le
coït. Sucer a pris souvent le sens spécialisé et restrictif de
faire une fellation ou un cunnilingus.
Dormir avec quelqu'un
peut être très agréable. Aujourd'hui il n'existe rigoureusement
aucune expression permettant d'en parler. Passer la nuit avec,
dormir avec, aller au lit avec, coucher avec, signifie
immanquablement baiser.
Pour mesurer le mauvais
sort fait au langage tactile entre humains adultes, il faut le
comparer avec le langage verbal.
Que diriez-vous s'il
était considéré comme abominable de parler avec ses proches :
père, mère, frère, sœur, fils, fille ? De même si c'était
condamné de parler avec des personnes de même sexe que vous, ou
très jeunes, ou très âgées, ou handicapées, ou bien plus riches
que vous ?
C'est ce qui se passe
avec le langage tactile, le plus souvent assimilé, associé
abusivement au coït.
Que diriez-vous si vous
n'auriez le droit durant votre vie adulte à ne parler qu'avec une
unique personne, parce que sa conversation serait agréable et
intéressante ? Quarante, cinquante ou soixante ans à ne
parler et régulièrement qu'avec un unique interlocuteur ou une
unique interlocutrice ? C'est ce qu'on cherche à nous imposer
avec les câlins.
Si vous prétendriez
parler à plusieurs personnes, vous voilà aussitôt qualifié d'être
désordonné, faisant « n'importe quoi. » La prohibition
des câlins avec les très jeunes crée des traumatisés qui vont des
décennies plus tard se lamenter rétrospectivement : « mon
père, ou ma mère, ne me faisait jamais de câlins. » J'en ai
rencontré.
Les câlins sont
pourchassés et en même temps servent de « carte d'identité ».
On voit souvent des personnes se présenter en se définissant
comme : « la petite amie de untel » et plus rarement
comme : « le petit copain de unetelle. »
Le mauvais traitement des
câlins paraît avoir son origine dans le patriarcat. Cette
perversion de la société humain toute entière prétend assurer la
domination de l'homme sur la femme. Pour quel avantage ? Une
femme de ménage et une assistante maternelle à domicile, pour
s'occuper des enfants et... une pute à domicile. Qui doit assurer un
« service » de câlins sexuels à domicile.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 12 juillet 2017
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