Le manque tactile aigu
est la base du malheur humain. Après la rupture du contact avec la
mère, lors de la naissance, le petit humain est sans cesse cajolé,
touché, câliné, si tout se passe au mieux. Pour son malheur, vers
l'âge de quatre ans environ survient le très violent sevrage
tactile. De celui-ci les êtres humains généralement ne se relèvent
jamais, sauf de très rares cas. Ils sont brisés physiquement et
moralement. Et quand ils chercheront à nouveau le contact perdu, ce
sera à travers la caricature de ce qui sera présenté comme « la
sexualité », et qui est très souvent un pâle reflet et une
caricature du toucher. Ne serait-ce qu'en considérant la surface de
peau concernée par nombre de prétendus « rapports sexuels »
en comparaison de la surface de peau concernée par des rapports
tactiles effectifs. Les premiers concerneront juste quelques zones
réduites abusivement baptisées « zones érogènes ».
Les seconds concerneront de très larges zones épidermiques. J'ai
l'habitude de résumer en disant : « vingt centimètres
carrés d'un côté, deux mètres carrés de l'autre. » C'est
abrupt, mais ça dit bien ce que ça veut dire.
Le silence tactile est la
source de nombreux troubles divers, comportementaux ou de santé.
L'être humain en grave carence tactile réagira à ce manque de
multiples façons : obsession du matériel, de se sentir
« posséder » des choses, crises de peur panique de la
mort survenant de temps en temps par périodes de par exemple une
semaine, obsession de l'autre sexe, hostilité à son égard, peur
des autres, violence, addictions diverses : alcool, cigarette,
drogues, tranquillisants, comportements superstitieux ou sectaires,
spiritualité excessive et perte du contact avec la réalité,
pathologies diverses et pas seulement « psy », anorexie,
boulimie, fatigue, sentiment d'ennui, d'isolement, d'inutilité,
d'abandon, soucis de santé dit « psychosomatiques »,
etc.
La tactilité est comme
un immense continent disparu à l'intérieur de chacun de nous.
Comment la retrouver ? J'ai suggéré des thérapies simples
passant par le toucher neutre et rassurant. L'idée n'a pas paru
plaire à une personne avec laquelle j'ai discuté. Elle a connu des
agressions physiques, auraient besoin d'un traitement pour s'en
remettre, mais le refuse en déclarant le remettre « à plus
tard ». La peur issue des agressions vécues a générée en
elle une peur de la peur. Elle ne veut pas tenter une thérapie
pacifique qui la confronterait à sa peur. Thérapie qui peut être
interrompue à chaque instant sur simple demande et sans
justificatif.
Pour surmonter ici la
peur, il faudra sans doute banaliser le traitement permettant la
réintroduction de la tactilité. Moins évoquer les réparations des
blessures de l'âme à opérer après des drames vécus, mais
simplement évoquer une amélioration de vie possible pour tous. Les
personnes blessées moralement et – ou – physiquement au cours de
leur vie viendront forcément avec les autres profiter de la
réintroduction dans la tactilité.
La tâche est immense et
à portée de doigts. Elle permettra de redécouvrir ou découvrir
bien mieux la Nature en l'homme. Et aussi de débrouiller la
confusion tactile sexuel. Si le sexuel existe, il n'en demeure pas
moins que sa zone de référence est très réduite. Il existe une
tactilité qui a une place bien plus importante dans la vie des
humains, bien qu'elle soit niée, ignorée, déformée. Il n'est pas
rare de voir confondu le tactile avec le sexuel et lui attribuer
cette qualité. Un exemple parmi d'autres est représenté par la
prétention de proclamer « sexuel » la satisfaction de la
tétée chez les bébés. Celui qui a affiché cette opinion
conservant encore un très grand prestige auprès d'un très grand
nombre de gens en qualité de spécialiste de l'être humain.
La redécouverte de la
tactilité mettra des années, mais elle est belle, agréable,
passionnante et quelquefois surprenante. Elle remet beaucoup de
choses à leur juste place et nous offre une vision clarifiée des
choses et des gens.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 23 juillet 2017
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