dimanche 30 décembre 2012

41 La pensée grise

Elle est très courante dans le monde et représente le contraire de la philosophie.

Elle consiste à subtilement présenter tout ce qu'on veut en telle sorte qu'on n'ait rigoureusement pas à se poser de questions. Il suffit parfois du choix de la présentation, de quelques faits « oubliés » judicieusement, ou quelques paroles mensongères ajoutées dans un texte pour qu'il ne vienne pas à l'esprit du lecteur des interrogations critiques.

La « pensée grise » peut être présentée comme « neutre », « objective », « encyclopédique ».

Elle peut aussi prendre une forme mensongère, violente, calomniatrice, mais conformiste et rassurante.

La philosophie cherche à susciter la réflexion. La « pensée grise » cherche à l'empêcher de se réveiller, ou à l'endormir.

Un exemple de pensée grise :

X remarque tel fait qui pose question.

Réponse de la pensée grise : « X est un voleur, un escroc, un voyou ».

Même si c'est vrai, le résultat est de noyer la question posée par X.

Si X n'est pas un voleur, un escroc, un voyou, on dira :

« La catégorie à laquelle appartient X est infréquentable. Ainsi voyez Y et Z, quelles canailles ! »

Et nous voilà amenés à parler de Y et Z et toujours oublier la question posée par X.

Consultez pour voir un texte traitant d'un sujet qui pose question. Et voyez comment ce texte arrange le sujet pour qu'on ne se pose aucune question.

Sur Internet, vous en trouverez des quantités. Sur le judo, Hindenburg, les Droits de l'Homme, etc. Repérez là où le texte grise... c'est un exercice à faire. Il grise par « un oubli », un « ajout », etc.

Vous verrez que notre monde est envahi de « pensées grises », pour empêcher que nous réfléchissions et donnions au monde des couleurs : de joie, de révolte, de colère, de tristesse, de bonheur. Nos maîtres veulent que nous laissions les grands « réfléchisseurs » grassement payés par eux « réfléchirent » à notre place sur absolument tout. Ils veulent nous faire croire que nous ne sommes pas compétents pour penser, nous occuper de notre vie et chercher les bonnes réponses.

Exemples : dans un texte sur les Droits de l'Homme, on « oublie » l'origine iroquoise. Dans un texte sur Hindenburg, qui a donné démocratiquement le pouvoir aux nazis, on ajoute qu'Hindenburg en 1933 était gâteux, manipulé, donc le problème était son gâtisme, pas l'incapacité de la démocratie à empêcher l'arrivée des nazis au pouvoir. Dans un texte sur le judo, on parle de plein de choses et on « oublie » soigneusement la philosophie du fondateur du judo qui voulait ne voir en lui qu'un moyen de défense et jamais d'attaque, etc. Partout et toujours méfiez-vous de la pensée grise. C'est de la très lénifiante non pensée. Réfléchissez par vous-même et faites tomber les idoles en vous.

Basile, philosophe naïf, Paris le 30 décembre 2012

40 Les « couples inavouables »

Un des secrets de Polichinelle les mieux « dissimulés » dans notre société pourrait porter le nom des « couples inavouables ». Combien sont-ils en France ? Difficile à dire, mais en tous cas ils sont certainement très nombreux. Et aussi dans le reste du monde. Peut-être sont-ils 350 000 en France ? Et des dizaines de millions de par le monde. Et leurs enfants se comptent par dizaines de millions... mais quel est donc cet étrange phénomène ? Il s'agit des couples formés de partenaires apparentés de près qui ont effectivement des relations sexuelles ensemble. Ainsi : grand-père et petite fille ou petit fils, grand mère et petite fille ou petit fils, grand oncle et petite nièce ou petit neveu, grande tante et petite nièce ou petit neveu, père et fille ou fils, mère et fille ou fils, oncle et nièce ou neveu, tante et nièce ou neveu, frère et frère ou sœur. Les combinaisons pouvant se compliquer quand on dépasse la taille du couple pour rassembler sexuellement plus de deux partenaires.

Ce genre de couples est soi-disant impensable, pourtant il est des plus courants et toujours soigneusement caché. Impossible de déclarer publiquement de telles unions. Et quand des enfants en sont issus, il est même précisé par nos lois que la reconnaissance par le père est interdite, impossible. L'enfant est pourtant là. On préfère nier officiellement la réalité de son ascendance.

Jusqu'au début des années 1990, il était courant en France de voir nier l'existence de ces couples. Nombre d'ouvrages pratiquaient la désinformation en expliquant que les lois et coutumes interdisent de telles unions et donc qu'elles n'existent pas. Puis, on a commencé à en parler. Mais pour créer une nouvelle ligne de négation de la vérité. De tels couples ne devaient soi-disant exister que par l'effet de la violence. Il s'agissait de misérables violeurs agressant de malheureuses jeunes filles.

Quand vers 1970 les militants de la libération de l'avortement alors interdit en France ont créé des centres d'interruptions volontaires de la grossesse, ils ont vu, au nombre de leurs clients arriver de très jeunes filles qu'accompagnaient leur père. Ils ont pensé avoir alors affaire à des hommes ouverts d'esprit épaulant leurs filles. Ce n'est que des dizaines d'années après que j'ai vu apparaître incidemment un témoignage émanant d'une militante pro-avortement. Elle avouait ne pas avoir réalisé à l'époque qu'en fait ces hommes qu'elle croyait ouvert d'esprit étaient responsables de ces grossesses, car ils couchaient avec leurs filles et étaient bien contents de les faire ainsi avorter.

Au début des années 1990, en France, le terme « inceste » est devenu synonyme de viol commis par un parent proche. Aucun autre sens ne lui étant proposé. A l'origine, le mot « inceste » vient du latin d'église « incestus », qui a pour signification « pas chaste ».

C'est seulement il y a quelques semaines qu'est apparu dans la presse le terme rectifié en : « inceste consenti ». Ce fut à propos d'un procès à Amiens où était jugé un père amant de ses deux filles, et vivant maritalement avec l'une d'elle et leur fils âgé de dix ans. Il fallait voir les commentaires horrifiés de certains. On avait l'impression qu'ils auraient préféré que jamais n'éclate au grand jour cette affaire. Les psychiatres cités à la barre avaient déclarés notamment qu'il existe des incestes heureux. Entendons par là, aussi heureux qu'un couple classique qui fonctionne pas trop mal.

J'ai connu des cas de couples inavouables : au moins trois père-fille et un frère-sœur. Un père-fille commencé harmonieusement a duré dix ans. Mais le père était jaloux et violent. L'autre a duré quelques années et fini au mariage de la fille. Le troisième couple s'est séparé quand la fille est partie habiter en province après avoir vécu près de son père et amant à Paris. Quant au couple frère-sœur il a duré des dizaines d'années. Les conjoints vivaient ensemble, ne se sont jamais mariés avec personne ni l'un ni l'autre et n'ont pas eu d'enfants. Le mari était un homme très connu. Tout l'entourage savait et faisait comme s'il ne savait rien. Ne comptez pas sur moi pour indiquer un nom.

Basile, philosophe naïf, Paris le 30 décembre 2012

39 Faim d'amour et médecine


Que dirait-on d'un hôpital où on soignerait les affamés avec des médicaments ?

Docteur, j'ai des crampes d'estomac. - Bien, on va vous donner un médicament contre les crampes.

Docteur, je suis pris de vertiges. - On va vous donner un médicament contre les vertiges.

Docteur, je me sens faible. - On va vous donner des tonifiants.

Docteur, je me suis évanoui. - On va vous mettre un masque à oxygène.

Docteur, j'ai faim, ne pourrais-je pas recevoir à manger quelque chose ? - Vous êtes fou ! Le rôle de l'hôpital est de soigner, pas nourrir les gens.

Vous trouveriez cette pratique médicale curieuse ?

C'est pourtant, d'une certaine façon, celle utilisée aujourd'hui avec nombre de personnes hospitalisées en « psychiatrie ».

Elles meurent de faim... d'amour.

Le personnel hospitalier n'a pas le droit de leur faire l'amour, ou seulement les caresser, leur faire des bisous ou leur dire des mots doux.

Alors, entre malades ? Pensez-donc ! Les malades n'ont pas le droit de faire l'amour entre eux, se faire des caresses, des bisous, se dire des mots doux.

On pousse la vigilance jusqu'à interdire aux malades l'entrée des chambres d'autres malades. Officiellement pour préserver leur tranquillité. Est-ce vraiment l'unique raison de cet interdit ?

Alors, les malades, peuvent-ils au moins compenser leur manque par la masturbation ? Sans doute, mais s'ils cherchent l'inspiration pour cela sur Internet, ils ne trouveront rien. Comme pour les enfants, l'accès à Internet sur le poste dont ils ont éventuellement payé l'accès dans leur chambre d'hôpital est bridé. Impossible d'accéder à un site « Interdit aux moins de dix-huit ans ».

Existe-t-il une réponse médicale possible au manque d'amour et de caresses ? D'une certaine façon oui. Rêvons à un hôpital différent :

Ce qui manque énormément, ce sont les caresses. Passée l'enfance, on n'en reçoit guère que dans le cadre « sexuel », c'est-à-dire plus ou moins lié à la recherche, l'arrivée ou la suite de l'acte sexuel entre des humains. Il suffit de fréquenter un milieu peu tactile, d'être solitaire ou en vieux couple conventionnel et ayant oublié les caresses depuis longtemps, pour se retrouver dans un parfait désert tactile. Plus personne ne vous touche. Certaines dames âgées fréquentent assidument les salons de coiffure d'abord et avant tout pour se faire papouiller la tête, plus que par coquetterie capillaire.

Les très petits enfants sont l'objet d'attentions physiques nombreuses. On reconnaît aux mourants, dans les services de soins palliatifs, le droit à quelques câlins, et encore pas trop. Entre les deux, rien n'existe d'institutionnel, excepté la prostitution, bien sûr. C'est peu, orienté et bien triste.

Mon amie Alexandra, travaillant dans un service hospitalier accueillant des personnes âgées se permettait de leur faire un petit bisou sur le front au moment où elles allaient dormir. Leur sommeil était encore plus paisible que d'ordinaire. Ce bisou, il faut le dire, était clandestin et interdit par le règlement.

Si on voulait faire des caresses un soin, créer une véritable calinothérapie, il faudrait les sortir du cadre obligé de la sexualité. Plus précisément les émanciper d'une référence possible, celle-là ou une autre. On pourrait, imaginer un local où le soigné serait toujours au contact de deux soignants minimum, un référent qui n'interviendrait pas et un caresseur, habillés sobrement tous les deux. Des proches pourraient être présents.

La partie caressée serait délibérément choisie comme n'ayant pas de connotations sexuelles trop fortes. Cela pourrait être le haut du dos, les bras et mains, les pieds, le visage, la tête. Un éclairage coloré, doux et indirect, une musique de fond apaisante.

La séance de caresses durerait au minimum une demi heure.

Ce genre de soin ne risque pas d'être créé en France. Peut-être dans d'autres pays, comme, par exemple, les Pays-Bas, sa création pourrait être envisagée. Pourquoi les Pays-Bas ? Parce que l'approche du corps souffrant y est différente de chez nous. Il existe-même des prostitués thérapeutiques chargés de donner des satisfactions sexuelles aux personnes très lourdement handicapées.

Si un tel type de service existe déjà aux Pays-Bas, créer un service de calinothérapie non sexuelle paraît plus facilement réalisable là-bas que chez nous.

En particulier, cette réappropriation de la sensualité des caresses serait utile pour des personnes victimes de violences, qui ont une conscience traumatisée par celles-ci.

J'ai eu l'occasion d'en parler il y a bien des années à plusieurs personnes dont un sapeur-pompier de Paris. Elles étaient d'accord avec l'intérêt thérapeutique des caresses. Mais j'ai perçu aussi leur sentiment quant à l'impossibilité de faire effectivement quelque chose, du fait de notre culture hyper-sexualisant tout ce qui touche à la caresse entre adultes.

Quelquefois mon propos n'a même pas été compris. Une amie m'a dit qu'à un moment il fallait forcément passer à la sexualité active. Un couple, lui, a cru qu'à travers mes réflexions écrites, je recherchais en fait des contacts libertins.

C'est dire que notre société est loin d'être capable d'admettre une thérapie des caresses. Le peu qui se fait aujourd'hui étant présenté comme des « massages », notamment dans les services de gériatrie. Le mot « caresse » reste tabou.

Quand, par exception, il arrive que souffrant de carence tactile aiguë, nous échangions, ou donnions ou recevions quelques caresses, cela crée un trouble chez nous. Réveil d'une faim tactile refoulée. Crainte de mal faire. Recherche d'un cadre relationnel précis pour lesdites caresses, et prétention à leur donner un « débouché », généralement sexuel. Inconscience et maladresse caractérisent très souvent ces moments où, malgré tout, nous avons partagé quelques éléments de nourriture tactile.

La plupart des humains sont des analphabètes tactiles, fuyant leurs propres besoins, ceux des autres, et les moyens de les satisfaire. Ils préfèrent le plus souvent ignorer leurs besoins, cherchant des comportements de compensations : fuite dans le travail, les tranquillisants, les « rêves d'amour, de mariage et de famille », l'alcoolisme, etc.

Basile, philosophe naïf, Paris le 30 décembre 2012

38 Essai de mythologie française contemporaine


L'homme est un singe qui « fait l'homme ». Quand on veut le faire marcher, la violence et la menace ne suffisent pas. Il faut également lui bourrer la tête pour qu'il croit que c'est inévitable et dans son intérêt de faire et accepter ce qui arrange ceux qui vivent sur son dos.

A chaque époque de chaque pays correspond une mythologie justificatrice du système économique, social, moral, culturel, religieux qui ne profite jamais qu'à une minorité au détriment de la grande masse. Quand des changements importants interviennent, cette mythologie laisse plus ou moins progressivement la place à une nouvelle mythologie. Ces mythologies ont pour bases des apparences de certitudes démontrées, des sentiments plutôt que des raisonnements, des mensonges, menaces, interdits, fables et contre-vérités assenés avec tant d'assurance qu'on hésite à aller à leur encontre. Ainsi, par exemple, le monument aux morts du quatorzième arrondissement de Paris, érigé il y a peu de dizaines d'années, s'orne d'une inscription : « C'est du dernier souffle de nos héros expirants qu'est fait le souffle éternel de la Patrie ». Très jolie phrase, dont on accuserait le détracteur éventuel de ne pas aimer « la Patrie ». Cependant, l'irréfutable vérité est que « la Patrie » dont il est question ici, c'est-à-dire la France, n'a pas toujours existé et donc son caractère « éternel » peut aussi être mis en doute. C'est là un aspect de la mythologie dominante : faire de « la France » une sorte de réalité intangible et sans âge. Quand on prend un dictionnaire, à l'article « France » on trouvera décrite la France en des temps où son nom-même n'existait pas. Qu'à cela ne tienne ! Elle existait quand-même au temps des dinosaures ? Avant que la Terre ne se solidifie, quand elle n'était jadis qu'un nuage de gaz ? Le caractère absurde de la mythologie n'empêche pas quantité de personnes d'y croire.

L'établissement d'une mythologie peut coûter très cher. Ainsi, la France fut proclamée jadis « fille aînée de l'Église ». Il s'agissait bien sûr de l'église catholique. Or, à diverses époques surgirent chez nous d'importants groupes qui ne suivaient pas le catholicisme. Que de misères ne leur fit-on ? On persécuta et massacra Cathares, Vaudois et Protestants. On pourchassa toutes les « déviations ». Y compris la Fête des fous qui se déroulait à Notre-Dame-de-Paris.

La Monarchie française avait partie liée avec l'Église. Le roi de France était « Roi par la grâce de Dieu ». Il était sacré dans la cathédrale de Reims. Il était le « père du peuple ». L'historien Maurice Dommanget raconte en 1971 que lors de la Grande Jacquerie de 1358 les paysans soulevés brulaient les demeures nobiliaires, et, par égard pour la personne du roi de France, épargnaient les châteaux royaux. Le roi était sensé même par attouchements guérir des écrouelles. La figure du roi était jadis centrale et sacrée. Certains royalistes ont parlé des « cent rois qui ont fait la France ».

A partir de 1516 le roi de France obtint même du pape le pouvoir de nommer des abbés commendataires qui géraient des monastères.

La mythologie monarchique et religieuse du céder la place à une nouvelle mythologie quand ses bénéficiaires, roi, noblesse d'épée, noblesse de robe, durent laisser la place aux nouveaux profiteurs du système, commerçants, aventuriers, industriels et bureaucrates, lors de la période qu'on convient de nommer « la Révolution française ».

A cette époque remonte l'invention de l'antagonisme : gauche – droite. Les partisans de la gauche étant sensés défendre des « valeurs de gauche », et les partisans de la droite des « valeurs de droite ». En fait, plus d'une fois, les partisans de la gauche et de la droite se retrouvent parfaitement d'accord sur des sujets essentiels. Ainsi, en 1914, pour entamer joyeusement la grande boucherie de 1914-1918, en 1945, pour  la répression du soulèvement de Sétif et Guelma en Algérie, qui fit 45 000 victimes, ou bien en 1956 pour voter les pleins pouvoirs au président du Conseil socialiste Guy Mollet pour la guerre d'Algérie. Les mêmes gauche et droite sont très majoritairement d'accord aujourd'hui pour que nous subissions les effets délétères de l'Europe, du moment que les décisions d'asservissement au pouvoir européen non élu sont votées par leurs députés.

Le culte de la démocratie, c'est-à-dire du respect religieux du pouvoir des élus, fait partie de la mythologie française contemporaine. Le dépôt de bulletins dans l'urne le jour du vote revêt un caractère magique, car il est sensé donner la bonne solution. Or, rien n'empêche une majorité de gens de se tromper, être manipulée, face à une minorité qui a raison. Si nous donnons le droit de vote aux Égyptiens, ils donnent la majorité à des religieux partisans de la charia. On peut ne pas être d'accord avec la charia. Dans ces conditions, la logique est que l'on doit aussi s'opposer à la démocratie. En 1933, les nazis obtinrent aux élections en Allemagne la majorité relative. Le président Paul von Hindenburg en conséquence et dans le plus parfait respect de la démocratie appela au pouvoir en qualité de chancelier un certain monstre nommé Adolf Hitler... Être contre la prise du pouvoir par les nazis implique également ici d'être contre le respect de la démocratie.

En France, contrairement aux mensonges de certains, l'instauration du suffrage universel remonte à 1944. Auparavant, seule une partie de la population adulte et toujours moins de la moitié de celle-ci pouvait voter à partir du moment où des élections commencèrent à être organisées en France. En 1944, plus de la moitié de la population adulte obtint enfin le droit de vote. Il s'agissait des femmes.

La période dite de la Révolution française ne donna jamais le pouvoir au peuple. Le pouvoir, par définition, appartient à une minorité qui décide pour tous. Nous le rappelle la loi Le Chapelier, promulguée en France le 14 juin 1791, qui proscrit les organisations ouvrières, notamment les corporations des métiers, mais également les rassemblements paysans et ouvriers ainsi que le compagnonnage. Cette loi suit de très près le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, tant dans ses objectifs que par leur proximité historique. Elle interdit de fait les grèves et la constitution des syndicats au cours du siècle suivant, mais aussi certaines formes d'entreprises non lucratives comme les mutuelles. Elle ne vise ni les clubs patronaux, ni les trusts et ententes monopolistiques qui ne seront jamais inquiétés. Cette législation servira durant des décennies à réprimer grèves et syndicats.

Le mythe du pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple s'incarne à merveille dans l'icône de la République. Ce régime soi-disant conditionne la société moderne. Cette remarquable farce ne résiste pas une seconde à un esprit critique un tant soi peu éveillé. La monarchie existe bel et bien aux Pays-Bas, en Belgique, Grande-Bretagne, Suède, Norvège, Danemark, Espagne. Le Liechtenstein est un Grand Duché, Andorre et Monaco des principautés. Le Japon possède un empereur qui se réclame de la descendance de la déesse Amaterasu. Tous ces pays ne sont pas particulièrement des cités du cauchemar. La soi-disant fondamentalité de la République est une tarte à la crème bicentenaire. Le culte de la République, incarnée par l'image d'une jeune dame affublée d'un bonnet phrygien assez ridicule, est manigancé avec constance depuis bien longtemps. Benito Mussolini décida que toutes les villes petites et grandes d'Italie devait posséder une « rue de Rome ». Dans un esprit très proche, des législateurs anonymes décidèrent de pourvoir toutes les villes de France, petites ou grandes, d'au moins une rue, place, ou avenue « de la République ». Ce mot-fétiche est tellement bien enfoncé dans la tête des Français, qu'ils croient qu'il est synonyme de bien vivre et en liberté. Un tas de partis politiques des plus différents s'en réclame. Ce culte absurde de « la République » partagé par des personnes d'opinions diverses, explique une large partie de l'incohérence politique que nous connaissons en France aujourd'hui. Si on s'attache à un mot en dix lettres pour en faire une idole, on perd de vue la réalité. C'est ce qui arrive à nombre de leaders politiques qui pédalent dans la semoule idéologique alors qu'ils sont remplis de bonne volonté. Et ce ne sont pas les royalistes qui les mettront sur le bon chemin, prisonniers qu'ils sont de la nécessité de dénigrer la République qui en fait imite sur bien des points la Royauté dont ils rêvent.

Basile, philosophe naïf, Paris le 30 décembre 2012

37 A propos des cultures dites « régionales »

Au nombre des mythes français actuels, on trouve la France éternelle, une et indivisible, dotée de « frontières naturelles ». Comme si la France était un phénomène naturel ! Quand la soi-disant frontière naturelle de la France était acquise sur le Rhin, elle comprenait une large partie de territoires germanophones, Hambourg compris. Si cet état de choses avait perduré, nous aurions connu un grave problème de minorité allemande opprimée à l'intérieur de nos frontières.

La prétention à l'unité nationale a entrainé le mythe de la nuisance des cultures régionales. On les a persécuté et détruite très largement. On a fait honte aux locuteurs des langues dites « régionales » de parler leurs langues. Tout ceci au profit d'un patois parmi d'autres : le patois d'Île-de-France promu au statut de langue nationale pour des raisons politiques et démagogiques. On a appauvri le paysage culturel.

En Suisse, Allemagne, Autriche, Italie, les langues régionales n'ont pas subi ce laminage. Un Suisse allemand parle allemand et Schweizerdeutsch, un Bavarois parle allemand et aussi Bavarois, etc. En France on a tout cassé ou presque. Le saccage a été méthodique. L'école y a servi. Défense de parler patois ! A celui qui parle patois, un morceau de savon dans la bouche ! Ce genre de brimades a aussi eu cours en Louisiane après la guerre de Sécession et en Alsace entre 1870 et 1918... contre les enfants qui parlaient français en classe !

Le saccage des cultures régionales fait qu'aujourd'hui en France, au lieu de chanter, danser, faire de la musique et de la poésie, porter des costumes régionaux, les gens, quand ils ont des loisirs, le plus souvent s'habillent quelconque, s'emmerdent et regardent la télévision.

Les chansons et contes traditionnels et le pipeau présentés comme chansons et contes enfantins et instrument enfantin ont été bien cassés grâce à cette déconsidération organisée par l'école. Bravo l'école ! Vous avez bien bossé contre la culture vivante et populaire ! Et aussi, pratiquement devant nous, ces dernières décennies a été liquidé l'usage des proverbes, trésors de la sagesse populaire.

Le travail contre la culture est bien fait. Il existait à Paris un très beau et très riche Musée des arts et traditions populaires, où étaient notamment organisées de passionnantes expositions. Il a été supprimé en 2005. Pour servir à la création de tout à fait autre chose : un « Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée » à... Marseille. On a dévalisé Pierre pour habiller Paul. Et servir à un truc de politicien local avide d'utiliser la « culture » pour sa promotion électorale.

Pour détruire le patrimoine culturel de la France on a instauré en 1790 les départements. Soi-disant pour le bien des écoliers, on les a obligé durant des décennies à apprendre tous les départements, avec les noms de leurs préfectures et sous-préfectures. Les adultes, le crâne bien bourré se plaisaient à interroger ainsi les enfants : « récites-moi les départements ». Ces départements qui portent souvent des noms de cours d'eau, ou des noms bébêtes du genre : « département des Hautes-Alpes », n'ont été inventé que pour casser dans l'esprit des gens les pays et provinces traditionnels.

A présent, les héritiers des nuisibles départementeurs veulent nous dévaliser et appauvrir une fois de plus. Cette fois-ci en promotionnant des « régions européennes », « métropoles » et conglomérats divers, y dissolvant communes, départements et états nationaux. Excédé par leurs magouilles, on a envie de leur dire, en paraphrasant Jean-Luc Mélenchon : « qu'ils s'en aillent tous ! »

On dirait qu'il existe des politiciens dont le seul but dans la vie est de nuire aux autres et à l'intérêt public.

Basile, philosophe naïf, Paris le 30 décembre 2012

36 La soi-disant « Patrie des Droits de l'Homme »

Une des plus belles tartes à la crème de chez nous est... sonnez trompettes ! « La France patrie des Droits de l'Homme » ! Cette prétention fait rire une bonne partie de la planète. Vous allez apprendre pourquoi, si vous ne le savez déjà.

Les Droits de l'Homme ne sont pas nés en France, mais en Amérique et sont plus précisément d'origine iroquoises.

Au seizième siècle vivait en Amérique un chef iroquois nommé Dékanawida ou Déganawida. Auprès de lui se trouvait le sorcier Hyawatha. Ce chef est l'auteur d'un texte : la Gayanashagowa. Ou Grande Loi de la Paix, qui était la Constitution de la Confédération des Nations Iroquoises. Quand, bien plus tard, vers la fin du dix-huitième siècle, les colons anglophones d'Amérique du Nord ont commencé à chercher à s'émanciper du pouvoir de la Grande Bretagne, un de leurs leaders se nommait Benjamin Franklin. Il avait entre autres particularités celle de parler iroquois.

Les Iroquois lui ont alors conseillé de s'inspirer de leur constitution pour organiser l'unité des colons anglophones face au pouvoir de Londres. C'est en suivant ce conseil que Benjamin Franklin a rédigé la Déclaration d'Union d'Albany, qui a servi pour la rédaction de la Déclaration des droits du peuple américain (Bill of Rights), qui a servi pour la rédaction de la Constitution des États-Unis. L'apport des Iroquois a été salué officiellement par le Congrès des États-Unis à l'occasion du bicentenaire de la ratification de la constitution, par le vote le 21 octobre 1988 de la Concurrent Resolution 331 (http://www.senate.gov/reference/resources/pdf/hconres331.pdf) qui reconnaît l'influence de la constitution iroquoise sur la rédaction de la Constitution des États-Unis et de la Déclaration des droits du peuple américain. Et c'est en pompant le texte américain d'inspiration iroquoise que des Français ont rédigé en 1789 la « Déclaration universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen ».

Et, depuis plus de 200 ans, on nous joue la farce de nous expliquer que ce texte a son origine en France... il y a de quoi bien rire.

Bien sûr, pour filiation de ce beau texte soi-disant français, on nous sortira un autre lapin du chapeau de l'Histoire falsifiée, revue et corrigée : le Siècle des Lumières.

Curieux Siècle des Lumières, dont certains porteurs de lumières comme Voltaire ou Diderot correspondaient et copinaient avec Fréderic II de Prusse ou Catherine II de Russie qui étaient des tyrans sanguinaires. Siècle des Lumières qui s'est achevé dans les orgies sanglantes de la Révolution française avec sa très sainte guillotine, appelée aussi par ses admirateurs « le rasoir national ».

Pour justifier ces horreurs, on a l'habitude de nous dire qu'elles étaient nécessaires au progrès. Une version nouvelle du célèbre proverbe « on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs ». L'omelette du progrès se faisant, elle, en tuant des humains. Quantité de braves gens idolâtrent les assassins de jadis au nom dudit précieux progrès dont nous serions les heureux héritiers et bénéficiaires. Une seule et simple question me vient à l'esprit : « si Amnesty international avait existé dans les années 1790... qu'aurait-elle dit de la politique répressive de la France ? » Que nos thuriféraires de l'art de couper en deux les humains à l'aide d'un grand couteau nous répondent...

Un tas de gens intelligents trouvent aujourd'hui encore très chic de patauger dans le sang versé par la Terreur et crier « vivent Marat et Robespierre ! » Ils feraient bien de réfléchir avant et se regarder dans une glace. Le sang, même vieux de deux siècles, reste du sang et se barbouiller avec est un maquillage plutôt répugnant.

Ceux qui se vautrent aujourd'hui très joyeusement dans le sang des victimes de la Terreur pour être cohérents avec eux-mêmes se doivent aussi d'être pour la peine de mort. S'ils se déclarent contre, ils ne peuvent approuver ces massacres. Avis donné aux opposants à la peine de mort qui gloussent de joie devant les massacres « révolutionnaires ».

En pleine terreur stalinienne en Russie, le poète français Louis Aragon écrivait : « Il nous faut une Guépéou ». A présent, certains s'exclament : « Robespierre, revient ! » C'est du pareil au même.

Mais l'idole sauvage qui justifie les si merveilleuses hécatombes « révolutionnaires », c'est le Grand Dieu du Progrès. Le Progrès !! Mais, c'est quoi au juste, le « progrès » ? Quel étrange Dieu avide de sacrifices ! En quoi consiste-t-il ? C'est un concept néo-religieux. Avant, les humains cherchaient dans leur histoire l'expression de la volonté divine. Là, ils croient que dans l'histoire humaine s'exprime une force mystérieuse : le « progrès ». Il fait que, quoi qu'il arrive, l'homme avance vers un but positif. Ainsi, quand on massacre à tour de bras à la Révolution française, qu'on pille et détruit des monuments innombrables, il n'y a pas à s'en faire. Tout de même et malgré tout, ces horreurs assurent la marche inestimable du « progrès ». Ce Moloch généreux, sanguinaire et ô combien capricieux.

Un tel concept « poudre aux yeux » permet de justifier tout et n'importe quoi. Du moment que c'est arrivé, cela a été « bien ». Et ce qu'il y avait avant et qui a disparu, c'était forcément moins bien, puisque c'était avant. Quand certains actes sont trop affreux pour pouvoir être présentés comme positifs, interviennent des tours de passe-passe intellectuels au nombre desquels on trouve « le bilan globalement positif ».

Je l'ai entendu invoqué pour justifier les horreurs staliniennes en Russie et dans les pays de l'est. « Oui, ce sont des horreurs, mais... le bilan est globalement positif. » Dans le même sens, dans les années 70, pour encenser les crimes du maoïsme, on propageait en France le beau discours suivant : « oui, ils n'ont pas la liberté, mais ils ont tous leur bol de riz. Tandis qu'en Inde, ils ont un régime démocratique, mais ils crèvent de faim. » Renseignement pris, quantité de Chinois sont morts de faim sous le maoïsme, notamment au moment la politique imbécile du « Grand bond en avant », et la pauvreté existe toujours en Chine, dans des régions interdites aux étrangers. Et alors, les Indiens ont aussi la misère, mais plus de libertés. Qui sont les plus malheureux ?

Dans les années 70 j'ai fait partie de ceux qui propageaient ces âneries. Mea culpa.

La référence aux Droits de l'Homme soi-disant inventés en France a trouvé ces dernières années une utilisation intéressante à relever ici. Des états, jadis, envahissaient des pays non chrétiens, soi-disant pour leur apporter la vrai foi chrétienne. Puis, le justificatif de ces bienfaiteurs a changé. On envahissait pour apporter la « civilisation ». Enfin, ces dernières décennies, on a inventé un nouvel alibi pour pratiquer cet amour international des autres : si on vient les envahir, ce n'est pas pour les civiliser, mais pour exporter la démocratie et les Droits de l'Homme. Bien sûr, ces nobles causes animent ces généreux envahisseurs quand il y a quelque chose à glaner dans les heureux pays ainsi « secouru », par exemple : du pétrole. Ces opérations désintéressées d'exportation de la liberté, la démocratie et les Droits de l'Homme se font assez curieusement en collaboration étroite avec des alliés locaux pas particulièrement réputés proches de ces valeurs : Qatar, Arabie Saoudite, etc.

Au passage, on liquide rapidement les ex alliés qui risqueraient de raconter trop de choses sur l'époque où on leur faisait des bisous. Mouammar Khadafi est mort fort à propos pour ne pas parler et nous éclairer sur les amitiés de ceux qui se sont appliqués à le renverser après l'avoir soutenu durant des dizaines d'années.

Basile, philosophe naïf, Paris le 27 décembre 2012

35 A propos de la devise de la France

La devise officielle de la France est : Liberté, Égalité, Fraternité.

C'est une devise d'inspiration franc-maçonne. Elle est aussi la devise de la franc-maçonnerie.

De quelle liberté s'agit-il ici ?

Est-ce une liberté totale et universelle ? Incluant, par exemple, la liberté de pouvoir choisir de travailler ou ne pas travailler, de fixer le montant de son salaire, de payer ou ne pas payer ses employés, prendre des objets en vente en les payant ou ne les payant pas ? Non, il s'agit ici en fait de la liberté du commerce et de l'industrie, opposée aux privilèges de la noblesse et aux revendications des ouvriers et employés.

Le régime qui choisi cette devise massacrait et spoliait les nobles, terrorisait le peuple, interdisant les corporations, les syndicats et les grèves.

L'égalité, invoqué ici après la liberté, est un pur fantasme.

En effet, l'inégalité est inhérente à toutes les sociétés humaines. S'agissant, par exemple, de la jeunesse, la beauté, la santé, l'intelligence, la richesse, la sureté, ou simplement le fait de ne pas ronfler, sommes-nous égaux ? Bien sûr que non.

Un imbécile est-il égal à un homme intelligent ? Un riche à un pauvre ? Un très malade est-il égal à un bien portant ? Une femme moche a-t-elle autant de possibilités qu'une femme belle ? Un habitant de Neuilly est-il autant en sureté qu'un habitant d'une favella au Brésil ? A l'école, les petits enfants beaux ont droit à plus d'attention de la part de leurs maîtres que les petits enfants moches. L'inégalité est partout. Et moi-même, à 61 ans passés, bientôt 62, j'ai moins d'espérance de vie qu'un nouveau-né.

Il existe une belle phrase : « tout le monde est égal devant la loi ».

A laquelle on peut ajouter : « et en cas d'ennui avec la justice, seuls les riches peuvent s'assurer les services des meilleurs avocats ».

Les pauvres ont eux, au mieux, un avocat commis d'office... pas trois excellents avocats, comme un homme riche et célèbre dont la presse a parlé et parle depuis quelques temps suite à des accusations dans le domaine des mœurs pour des faits qui seraient survenus à New York, Paris et Lille.

Le nommer ici serait injuste envers lui, eut égard à tous les autres qui ont su échapper aux poursuites, parce qu'ils ont été plus malins ou plus chanceux.

Tiens ! Être plus malin ou chanceux qu'un autre, encore un cas d'inégalité. L'article 0 du code pénal, non écrit, stipule que : « Ceux qui ne se seront pas fait prendre sont considérés comme innocents ».

Pour ce qui concerne le troisième élément de la devise de la France, la « fraternité », il s'agit ici de la fraternité entre humains de sexe mâle, appartenant à la franc-maçonnerie. Les francs-maçons s'appellent « frères » entre eux.

Mais pourquoi donner une telle devise fausse et ronflante à la France ?

Les francs-maçons de France se sont organisés sur la base de ce que des hommes intelligents pouvaient se retrouver librement ensemble, égaux et fraternels... puis, ils prirent le pouvoir, massacrèrent les nobles et muselèrent le peuple.

Certains francs-maçons rêvaient certainement de faire naître une société intégralement libre, égale et fraternelle. Mais, une fois au pouvoir, ils furent pris au piège de celui-ci. Et devinrent de nouveaux privilégiés du pouvoir. Pour asseoir les nouveaux privilèges, de gens qui n'étaient pas tous francs-maçons, on créa même une nouvelle noblesse officielle : la noblesse d'Empire.

Il y avait eu des francs-maçons idéalistes. De même, très certainement, au nombre des nobles et des rois de France, il exista des idéalistes qui aimaient et voulaient le bien de la masse du peuple, exploité et opprimé par le système monarchique.

Par la suite, d'autres voulurent renverser le pouvoir des nouveaux privilégiés. Ils conçurent le plan d'un parti communiste, parti de révolutionnaires professionnels qui devait prendre le pouvoir au compte des petits, des misérables, singulièrement des ouvriers, baptisés « classe ouvrière ». Ce plan réussi dans plusieurs pays : Russie, Mongolie, Chine, Yougoslavie.

Une fois le pouvoir pris, comme les francs-maçons de France, les partis communistes de ces différents pays se transformèrent également en organisations de profiteurs privilégiés. Les communistes restés attachés à un idéal d'égalité furent liquidés par les autres.

Allons-nous poursuivre cette quête insensée de l'égalité, qui fini toujours par l'instauration coûteuse d'un nouveau staff de privilégiés ? Non, alors que faire ?

Pour arriver à la paix il faut reconnaître l'inévitable inégalité. Et, en échange, exiger pour tous le minimum vital, remis aujourd'hui en question par la rapacité des très riches, soutenue par une masse de politiciens corrompus et encensée par la valetaille stipendiée de nombreux médias.

La rapacité des très riches ayant pris le déguisement des mystérieuses, terrifiantes et irrésistibles « Lacrise » et « Ladette ». Mais qui sont ces deux dames sorties de nulle part et sensées commander à tout le monde ? Des loup-garous, des Pères Fouettards, des Dahus ?

Les voyous en costard-cravate ou en jupe tailleur qui gouvernent le monde nous balancent à la figure des chiffres, des chiffres, des chiffres... et l'amour, dans tout ça ? Ces bouffons bouffis nous mènent en bateau.

Et ne nous proposent rien en échange de leurs solutions empoisonnées. Juste de les poursuivre avec d'autres solutions empoisonnées.

Il faut arrêter ce jeu de massacre.

Laissons aux riches leur tas d'or, mais que tous les pauvres aient du pain.

20 % des humains possèdent 80 % de la richesse mondiale et un très grand nombre d'humains pauvres crèvent de faim et de maladie. Prélevons sur les 80 % juste ce qu'il faut pour assurer une vie correcte à tous, sauvegarder l'écosystème, la beauté du monde et laissons le reste aux riches. Telle doit être le projet à promouvoir. Sinon, à trop exiger, on continuera des jeux stupides qui durent depuis trop longtemps, et ne permettent pas de régler les vrais problèmes. Et si un jour les riches réalisent qu'ils ont l'or, mais que les pauvres ont l'amour, ils comprendront que leur or en fait ne vaut rien.

Basile, philosophe naïf, Paris le 30 décembre 2012

samedi 22 décembre 2012

34 Les « grands initiés »


Dans notre culture, il est classique de parler de « grands initiés ». On nous les présente souvent comme des personnes hors du commun, presque des sortes de « surhommes », qui ont accédé à un savoir secret et mystérieux, ésotérique voire magique, réservé à une « élite », et leur permettant d'acquérir des pouvoirs supra-normaux. Ce serait autant dire des « mutants par le savoir », appelés à devenir nos « gourous », nos « maîtres ». Je ne souscris pas à ce type de définition, bonne pour des romans ou des publications commerciales à prétention « sensationnelles ».

Nous avons tous à progresser dans la compréhension du monde dont nous avons hérité de notre milieu culturel et familial. Cette progression s'effectue en nous par la recherche personnelle et pas par l'accès à des livres de recettes magiques et providentielles. Quand nous progressons, nous nous simplifions, débarrassons d'idées fausses et préconçues, élargissons notre champ de vision et augmentons l'audace de notre pensée contre la misère de la « pensée unique » qui cherche à nous empêcher de nous servir de notre tête.

Ainsi, avec les années, nous franchissons étape après étape un chemin de connaissance et de reconnaissance de la réalité, qui nous permet de mieux découvrir le monde. On peut le figurer comme une succession de portes intérieures que nous franchissons l'une après l'autre.

Cette progression est tout à la fois théorique et pratique, intellectuelle et sentimentale.

Il arrive parfois que nous franchissions une grande étape d'un coup, plus qu'une porte, un très grand portail.. Après celui-ci, nous réalisons que notre vision d'un très grand nombre de choses s'est modifiée d'un coup. C'est comme un éclairage nouveau se projetant sur un ensemble de faits et connaissances qui nous étaient déjà familiers.

Nous remarquons alors que cette progression est personnelle et qu'il nous est impossible de la faire directement partager aux autres, car aucun discours ne peut parvenir à rapporter notre vécu.

La plupart de nos contemporains ont le cerveau bridé par la censure de la société. Quand nous dépassons celle-ci par un pas important, on peut dire que nous devenons de « grands initiés ».

Pour prendre un exemple : dans un texte antique grec que j'ai vu citer, un philosophe parlait de la condition de la femme et du travail domestique. Ses propos paraissaient à moi des plus modérés. Mais, un commentateur actuel avait ajouté à ce texte que certainement le philosophe antique avait abouti à des conclusions bien plus audacieuses. Il aurait acquit la certitude de l'égalité entre la femme et l'homme. Mais, en son temps, une telle affirmation paraissait beaucoup trop audacieuse, alors il avait modéré son propos.

Si cela est vrai, ce philosophe correspond bien à ce que j'entends comme étant un « grand initié ». Par notre progression personnelle, nous pouvons tous tendre à le devenir, sans pour autant prétendre nous transformer en magnétiseur, oracle ou magicien.

Dans les arts, nous pouvons également devenir de « grands initiés ». A une dame qui lui posait la question : « est-il facile ou difficile de composer un opéra ? » le compositeur Reynaldo Hahn répondait : « Madame, la question est mal posée. Ou c'est facile, ou c'est impossible ! » Celui pour qui il est facile de composer un opéra est un grand initié dans le domaine de l'opéra. Et sans prétendre toujours arriver à devenir un « grand initié », fixons-nous inlassablement pour but de progresser notre vie durant par rapport à nous-mêmes.

Basile, philosophe naïf, Paris le 22 décembre 2012

vendredi 21 décembre 2012

33 La « bipolarité » et ses troubles apparentés


Origine de la « bipolarité »

Nous sommes tous bipolaires et notre société l'est également. Car en nous vit le singe des origines, sur lequel s'est abattu, contradictoirement le plus souvent, les lois, règles, traditions, habitudes, que nous avons convenu d'appeler « civilisation ». Ces deux facteurs interpénétrés cohabitent en nous plus ou moins conflictuellement.

Au nombre de nos besoins essentiels réside l'association, c'est-à-dire le sentiment de se trouver partie de l'ensemble humain, associé aux autres.

Cependant, il peut arriver et arrive quantité de fois le phénomène de la dissociation externe. Un ou plusieurs de nos congénères par leur comportement se dissocient de nous, remettant en question ainsi l'humanité commune à eux et nous. Cela crée un désagrément. « X m'a fait ça. » Suite à un petit événement vécu comme grand ou un grand événement vécu comme gigantesque, cette dissociation peut nous bousculer largement.

Le petit ou grand événement peut s'arrêter là... juste désagréable. Ou cette dissociation débouche sur une dissociation éventuelle interne (à nous), infiniment plus grave par ses conséquences : « on m'a fait ça... donc ça peut recommencer... donc insécurité absolue et permanente ». Cette dissociation interne peut être si violente qu'on refuse même de se souvenir de son origine. Elle est, en quelque sorte, invisibilisé pour notre conscience, et pourtant ô combien présente et agissante.

Quand l'humain se dissocie ainsi on le qualifie, mais pas toujours, de « bipolaire ».

Formes de la bipolarité

L'insécurité permanente conduit à diverses formes de paniques. On arrête la réflexion et on s'abime dans des comportements de fuite :

La fuite dans le sommeil : qu'est-ce qu'on est bien sous la couette, de préférence endormi. On dort jusqu'à une vingtaine d'heures par jour, sinon plus. Si on travaille durant la semaine, on pourra dormir du vendredi soir au lundi matin, par exemple, en ne se levant que pour aller aux toilettes et avaler éventuellement un peu de quoi se nourrir très sommairement.

La bouffe, la non-bouffe : la panique se traduit par un appétit dévorant. On se goinfre, on grossit. Ou, inversement, on résiste à la nourriture, on cesse de s'alimenter. On est « plus fort que la faiblesse d'avoir faim ».

Une bipolaire, à partir du moment où ses troubles sont arrivés, a commencé à grossir il y a 17 ans. Aujourd'hui elle affiche 32 kilos de trop par rapport à son poids idéal. Sa fringale quotidienne commence tous les jours à 17 heures et elle grignote jusqu'au moment du dîner, pris à 19 heures, où elle mange de bon appétit. Les médecins ont toujours considéré ce sur-poids comme un problème d'importance secondaire. Pour eux « il importe d'abord de s'occuper de soigner le mental dérangé. Le reste, le poids, on verra plus tard. »

Cette manière de voir est typique de la médecine occidentale qui considère le patient par morceaux séparés. Comme si le malaise lié à la nourriture devait être séparé du reste. L'explication simpliste du sur-poids consistant à déclarer que les médicaments neuroleptiques pris ouvrent l'appétit. Et que que l'unique réponse à faire à cela est que c'est à la patiente de limiter volontairement son alimentation.

En fait, avant son traitement, de retour du collège, elle regardait la télévision de 17 à 19 heures. Suite à la prise de neuroleptiques elle n'a plus pu regarder la télévision. Se réfugiant alors dans la cuisine, elle a pris l'habitude d'y grignoter en préparant le dîner. Sa faim, fruit du désœuvrement est devenue une habitude, un besoin. Se remplir plutôt que rester avec le vide du désœuvrement. Cette faim a une origine culturelle. Ce n'est pas une faim véritable. Mais, ressentie comme telle, elle amène à trop manger. Il faut, pour y remédier, se rééduquer par rapport à la peur et son histoire. Nos envies précises de manger ne relèvent pas de la Nature, mais de notre culture. Si j'ai envie de sucré à la fin des repas, c'est parce qu'on m'a habitué à prendre un dessert à ce moment. De même, si la bipolaire citée a faim de 17 à 19 heures, c'est parce que sa vie, les habitudes qui en relèvent, l'ont éduqué ainsi. Et s'attaquer à cet aspect de son mal-être, très loin d'être un acte secondaire, concourt pleinement à soigner l'ensemble de sa personne.

Une autre réponse sédative à la peur est l'alcool : il sert d'anesthésiant à la peur. On boit pour être saoul, pas pour le plaisir. Et souvent on veut absolument boire en compagnie d'autres.

Le sexe : l'activité sexuelle sommaire et frénétique ou son refus tout aussi catégorique et réducteur. On entendra le sexe refusé évoqué avec des qualificatifs dépréciants, tels que : « je ne fais pas n'importe quoi ». Alors que personne ne suggère de « faire n'importe quoi ». En fait chercher le sexe à tous prix ou le refuser systématiquement sont des comportements extrêmement proches, témoignant d'une même détresse, une même panique, une même incapacité à s'assumer en être humain vivant, sensible et objectivement sexué. La boulimie et l'anorexie sexuelle sont sœurs jumelles.

La frénésie sexuelle, qualifiée de « désinhibition » peut avoir deux sources :

La recherche de l'anesthésie amenée par les endomorphines.

La sauvegarde de l'espèce : un humain paniqué est semblable à un humain en danger. D'où réaction de la Nature en lui, pour la sauvegarde de l'espèce, accomplir les gestes reproducteurs le plus possible, le plus rapidement possible avec le plus grand nombre de partenaires sexuels possible.

Le rapport à l'argent, à la richesse, aux acquisitions pourra aussi être le résultat de la panique d'origine dissociative. Rechercher le plus d'argent possible, y compris par le raccourci trompeur du jeu. Acheter quantité de choses inutiles, y compris en mettant son compte bancaire à découvert, témoignent d'une même volonté de se rassurer absurdement, de « nourrir » son sentiment de richesse matérielle, de propriété, toujours en fait pour se rassurer.

La forme la plus frappante de fuite devant la peur est ce qu'à tort et de manière réductrice, on baptisera « tentative de suicide », en abrégé « ts ». Ce qualificatif laissant supposer la recherche de la mort quand on met tout en œuvre en ce sens.

Certains « bipolaires » qui font une ts sont devenus « bipolaires » suite à une confrontation avec la mort de tiers. On serait donc là devant un phénomène étrange : quelqu'un que la mort aurait effrayé terriblement chercherait à... se donner la mort !

Cette analyse de la démarche suicidaire équivaut ici à dire qu'une personne qui a la phobie des chiens se précipite pour visiter un chenil. L'explication ne tient pas debout. Il faut la rechercher ailleurs.

Après une ts avec des médicaments somnifères, la candidate au suicide que j'ai secouru un jour m'a dit :« je voulais seulement dormir ». Dormir ? Mais mourir et dormir, ce n'est pas la même chose ! La candidate au suicide est intelligente, mais ne trouve comme explication, en fait absurde, que celle-ci, qu'elle répète : « je voulais seulement dormir ».

J'ai mis du temps à comprendre ce qui s'était passé : la candidate au suicide, se retrouvant seule chez elle, est prise de panique suite à sa dissociation interne. Fuir n'importe où, n'importe comment, s'impose comme seule conduite évidente à suivre. D'où ici, fuite dans la recherche du « sommeil » à tous prix, quitte à surdoser un médicament qui fait dormir et aller jusqu'à la mort.

Heureusement celui-ci a agit juste avant que la candidate au suicide ne retourne vider le reste du flacon et elle s'est endormie. Il ne s'agit pas ici de « tentative de suicide » au sens de « recherche de la mort », mais de panique conduisant à fuir à tous prix n'importe où, n'importe comment.

Cette même panique conduit chaque année des dizaines de personnes à sauter sous le métro. Se faire écraser est horrible. On peut aussi rester grand infirme à vie et ne pas mourir. Il faut comprendre qu'ici aussi il s'agit de panique et pas de « recherche de la mort », même si le geste de fuite risque d'y conduire.

Une forme de « suicide sur place » consiste à sombrer dans l'inactivité : ne rien faire, ne rien avoir envie de faire alors qu'on a des tas de choses à faire.

Phase haute, phase basse

Quand la panique dissociative gagne un bipolaire, il peut réagir en s'auto-suggerant que tout va bien quand même. C'est la phase haute, il s'auto-drogue en se signifiant que : « ça va bien, ça va bien, ça va bien ». Cette auto-suggestion sera source d'hyperactivité, absence de sommeil, sociabilité déphasée : on invite tout le monde à son anniversaire, par exemple, y compris des inconnus. A la fin la dissociation interne vous rattrape : c'est la panique, possibilité de « ts », etc.

L'autre apparence prise par la panique dissociative consiste à s'abandonner au désespoir. Oui, tout va mal. Il n'y a aucune issue. La dissociation vous attrape et vous rattrape. C'est la phase basse, la dépression. Elle peut amener ts et aussi suicide social : on renonce à tout ce qui contrarie la certitude que tout va mal. On va, par exemple, rejeter subitement son amoureux, avec lequel pourtant on s'entend très bien.

La phase haute ou la phase basse vont de pair avec une grande agitation intérieure.

Autres formes de fuite

Vouloir trouver à tous prix à se rassocier à au moins quelqu'un peut également amener la fuite dans la maternité : avoir un enfant à tous prix, considérant que ce dernier, lui, sera de toutes façons proche de vous.

Quand on est très mal, on peut se retrouver hospitalisé. Là, on est entouré, écouté, protégé 24 heures sur 24. Cette situation pourra créer une forme de fuite supplémentaire : chercher à rester, revenir à l'hôpital. Car là, par delà les soins prodigués, la compétence médicale, les équipes de soins dégagent de l'amour. Et cela, qu'elles le souhaitent ou non. La fuite dans l'hôpital représente pour le patient une sorte de déviation sexuelle sans sexe.

Le bipolaire peut aussi fuir dans la pratique religieuse, la fréquentation assidue des lieux de culte, etc.

Il peut aussi s'échapper dans un monde imaginaire. J'ai vu ainsi une bipolaire en crise faire un délire mystique accompagné d'une diarrhée verbale où notamment elle s'adressait à son beau-père, un vieux paysan, en lui donnant le titre de « Grand Sage », sans réaliser que le « Grand Sage » pleurait de s'entendre appeler ainsi.

A une même peur répondent de multiples formes de fuites possibles. Jusque y compris se rassocier à une cause, un animal de compagnie, une collection d'objets, un groupe en fait imaginaire...

Comment saner les « bipolaires »

Le vieux et oublié mot français pour désigner les efforts qui rendent la santé, c'était « saner ». On l'a remplacé par « guérir ». Ce n'est pas tout à fait la même chose. Retrouver la santé peut signifier non pas guérir d'une maladie, mais simplement retrouver son équilibre. C'est ce qu'il faut chercher pour les patients classés « bipolaires ». Il faut les aider à conscientiser la panique, qu'ils soient rassurés par d'autres et parviennent à se situer eux-mêmes.

Qu'ils réussissent à se gendarmer pour permettre une rassociation volontaire de leur être divisé par la peur.

Rassurés, rassociés, ils pourront alors pleinement aider les autres à s'en sortir.

Le singe précipité dans la civilisation

La dissociation chez l'humain « bipolaire » est d'autant plus traumatisante qu'elle stimule et réveille en lui le singe plus ou moins bien chloroformé par la civilisation. Il se retrouve alors comme un singe précipité subitement dans la civilisation.

Imaginons un singe vivant sa vie dans la forêt équatoriale qui se retrouve soudain dans la peau, dans la vie d'un humain. Par exemple, en uniforme de général présidant un pot de départ en retraite à l'État-major de la Marine impériale austro-hongroise en juin 1913. Ce sera en lui la panique assurée.

La dissociation interne tend à anéantir en nous la fragile cloison fruit de notre dressage-conditionnement-éducation qui nous dissimule notre base singe.

Ainsi, une amie bipolaire m'a raconté qu'arrivée « en crise » à l'hôpital psychiatrique, elle s'est retrouvée arrachant tous ses vêtements et courant nue dans les couloirs. Elle a aussi bu son urine. Et avait l'impression de maitriser et parler la langue arabe qu'elle n'a jamais apprise.

En fait, pour un singe, la nudité complète est sa « tenue » naturelle. Boire son urine n'est surement pas aussi extravagant pour lui que pour un humain « civilisé ». Quant à avoir l'impression de maitriser et parler une langue inconnue, ce phénomène relève d'une d'illusion de « toute puissance intellectuelle », d'une sorte « d'accès libre au savoir universel ». Dans cet état qu'on croit avoir atteint, il suffirait de se poser une question, par exemple : « comment parler arabe », et on a l'impression de parvenir à le parler sans jamais l'avoir étudié. J'ai rencontré également ce genre d'illusion chez une autre bipolaire qui croyait que durant sa crise, suite à la disparition de limites intellectuelles intérieures, elle savait tout ou presque.

Le singe affleure en nous

Quantité de personnes vivent nues chez elles, y compris en famille. Et, bien sûr, n'en parlent pas aux tiers extérieurs.

J'ai rencontré un père de famille tout à fait équilibré qui léchait le visage de ses petits enfants.

En panique, dans un ferry qui vient de chavirer, des humains très ordinaires vont se mordre furieusement pour s'ouvrir un passage dans la foule pour sauver leur vie.

Nous rencontrons couramment ou occasionnellement de tels comportements tout à fait simiesques sans trop y faire attention, car au fond nous savons tous que nous sommes des singes contrariés par la « civilisation ».

Quelquefois, notre identité simiesque est proclamée, apparemment reconnue. Mais aussitôt, le plus souvent, ce propos est remis en question par des « précisions » et « évidences » ajoutées qui « noient le poisson ». Le singe en nous est un sujet trop sensible et fondamental pour qu'on arrive facilement à en débattre librement. Pourtant, il faudra y arriver, car c'est là que se trouve la réponse à quantité de troubles et « maladies » considérées comme « mentales » .

Bipolarité : une forme du malaise dissociatif isolé comme « une maladie »

Le qualificatif « bipolaire » recouvre le mal-être dissociatif qui peut se retrouver classé autrement. Des bipolaires peuvent eux-mêmes remarquer cette proximité entre des patients artificiellement différenciés. Ainsi, une bipolaire, Emma, entendant parler d'une victime d'un stress post-traumatique apparemment bien différent de son problème à elle établit aussitôt un parallèle. Inversement, à l'évocation d'une alcoolique devenue alcoolique suite à un mal-être dissociatif, Emma nie la parenté entre ce problème d'alcoolisme et le sien.

Il est possible de sortir du mal-être dissociatif cause de bipolarité, d'addiction alcoolique, etc. Certains y arrivent, y compris spontanément et de façon incompréhensible pour les soignants.

Le malaise dissociatif, qu'on peut appeler aussi md, est à la base de quantité de troubles psy et relationnels. Le comprendre, l'analyser, ouvre une piste pour améliorer et saner les patients.

Un symptôme caractéristique du malaise dissociatif est l'extrême panique, y compris sans motifs visibles ou motifs rationnels visibles.

Cette panique peut prendre des formes de calme apparent. Ainsi, témoignant de sa panique, une bipolaire m'a dit un jour : « tout peut m'arriver à tous moments » Ce propos exprime un sentiment d'insécurité permanente.

A cette panique, on peut offrir un emballage rationalisé : on attribue des motifs précis à sa peur. On y ajoute de mystérieuses « pulsions suicidaires, idées noires »... autant de déguisements intellectuels de la panique dissociative.

Cette panique peut conduire à des rassociations imaginaires : on pratiquera une sexualité frénétique passagère, on nourrira un amour idéal rêvé et surtout pas avoué à l'objet de celui-ci, on fantasmera des projets ou des pratiques qu'on ne cherchera surtout pas à concrétiser. Le rêve rassociatif étant plus cher que sa mise à l'épreuve de la réalité où il pourrait se briser.

On préférera rêver sa vie que se risquer à la vivre.

Sortir du mal-être dissociatif, c'est recommencer à vivre et se sentir pleinement vivre.

Cela passe d'abord et avant toutes choses par le travail du patient sur lui-même, aidé et conseillé éventuellement par les soignants qui l'entourent.

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 décembre 2012

mercredi 19 décembre 2012

32 L'origine de certaines illusions amoureuses

Nous vivons dans une société sans toucher ou presque. L'autre jour, face à moi dans une cafétéria, une amie m'effleure involontairement la main avec la sienne et s'excuse aussitôt. A force de codifier les câlins, les réserver au domaine du « sexe », nous créons une carence calinique générale aigüe.

Le résultat est que, quand nous rêvons d'amour, bien souvent nous quittons la réalité pour nous perdre dans un monde de fantasmes. Nous nous égarons.

Dernièrement, j'observais une jolie jeune fille inconnue, brune, petite, avec de très beaux cheveux longs qui venait de monter dans l'autobus où je me trouvais. J'ai réalisé qu'il y a quelques années, observant la même personne, si j'avais eu l'opportunité de faire sa connaissance, je lui aurais aussitôt trouvé une séduction, un charme, qui aurait fait que j'aurais rêvé d'amour avec elle. Rêve totalement absurde, car concernant une inconnue dont le seul « mérite » aurait été sa beauté. Beauté qui n'a rigoureusement aucune signification quant à l'adéquation possible de cette personne avec moi. Alors, pourquoi un tel rêve absurde ? Et pourquoi je peux aujourd'hui le tuer dans l'œuf et ne pas me laisser bêtement impressionner par cette demoiselle que je ne connais pas ?

Si avant je me perdais dans de telles divagations, il y avait une raison. Notre société hait l'amour, tue l'amour, extermine câlins et caresses. Nous restons à distance les uns des autres, nous ne nous touchons pas les uns les autres, ne nous caressons pas les uns les autres. Le résultat est que le seul « contact » qui reste libre est d'ordre seulement visuel. De ce fait nous hypertrophions l'importance des formes extérieures visibles. Nous leur accordons à tort une signification qu'elles n'ont nullement. La beauté que nous portons ainsi au pinacle ne dure pas et en fait n'est absolument rien ou pas grand chose.

Tant que notre société bannira quasiment systématiquement les câlins, les illusions sur la qualité de personnes dotées de jolies formes perdureront.

Deux autres illusions amoureuses sont très développées aujourd'hui dans notre société.

L'amour : on fait de ce mot la clé d'un monde merveilleux, une sorte de Paradis palace. Elle m'aime, alors, c'est le bonheur. Il m'a dit qu'il m'aime, c'est merveilleux ! On arrête tout, le chœur des anges retentit et nous baignons dans la félicité. Ce genre d'ânerie attribué à un fatras en fait inconsistant que nous rangeons derrière un mot en cinq lettres : amour, trouve également sa source dans la prohibition générale de l'amour réel. Nous cessons de réfléchir et nous plongeons dans des rêveries sans queue ni tête. Si nous connaissions des rapports humains vivants et réels, des câlins chaleureux et nombreux, nous ne tomberions pas dans un tel état de sottise.

Enfin, dernière illusion amoureuse que nous considérerons ici : le sexe magique. Confrontés à des situations incompréhensibles et insatisfaisantes, nombre de gens croient trouver dans le sexe une sorte d'ouvre-boite magique pour accéder au bonheur. A celui-ci, ils ajoutent souvent comme clé de sureté, la jalousie. On couche, on est jaloux... et le bonheur est au rendez-vous.

Une fois de plus seul le manque de câlins réels conduit ainsi à nous rendre atrocement stupides.

Quand nous avons fini de nous égarer, si nous retrouvons en nous et avec au moins une autre personne le chemin des câlins et de l'amour réel, nous réalisons à quel point ces mirages : la beauté au dessus de tout, l'amour qui résout tout, le sexe qui résout tout, sont vains et ne mènent nulle part. C'est du vent. Alors que l'amour véritable est consistant. C'est un fruit né de la rencontre des cœurs.

Basile, philosophe naïf, Paris le 19 décembre 2012

31 A propos de l'école


Je n'ai pas été à l'école. La première fois que j'ai été dans une salle de cours j'avais 19 ans. Et c'est après l'âge de 30 ans que j'ai parcouru pour la première fois le couloir d'un lycée en activité. Il s'agissait du lycée Victor Duruy, dans le 7ème arrondissement de Paris. En parcourant ce couloir, j'ai été subitement saisi par une impression horrible : à travers une baie vitrée donnant sur le couloir je voyais des dizaines de jeunes qui m'ont apparu morts ! Ils ne bougeaient pas, ne disaient rien, assis à leur pupitre le regard fixe. Puis, l'instant d'après j'ai réalisé que devant moi se trouvait une personne qui bougeait et me tournait le dos. C'était un professeur qui donnait son cours à cette classe silencieuse et figée. Je n'avais jusqu'alors jamais vu des jeunes autrement que dans la rue, criant, courant, s'agitant. Cette agitation m'était apparue indissociable d'eux jusqu'à ce jour-là.

Durant toute mon enfance, ignorant l'école, je n'ignorais pas pour autant les grandes affiches apparaissant vers le début septembre sur les murs de Paris. On y voyait des enfants joyeux accompagnés par cette inscription : « Vive la Rentrée ! »

J'ai cru alors que la rentrée était un moment de grande joie inconnue pour moi, qui touchait tous les autres enfants. C'est seulement vers l'âge de trente ans que j'ai parlé pour la première fois avec un enfant d'environ huit ans qui m'a témoigné de sa tristesse de voir arriver la rentrée et finir la période des vacances scolaires. J'ai compris alors que j'avais été abusé par les publicités de marchands de fournitures scolaires et vêtements pour enfants. Non, tous les enfants ne sont pas heureux de rentrer à l'école ! Je connais même deux adultes qui m'ont confié qu'elle a toujours été une torture pour eux.

Depuis quelques semaines je fais du soutien scolaire bénévole dans un centre d'animation de quartier. Je rencontre ainsi des enfants qui fréquentent l'école et viennent le soir pour l'aide aux devoirs. Ils sont surpris et émerveillés d'apprendre que je n'ai pas été comme eux à l'école.

Avec eux, j'ai appris des choses sur l'école, ce lieu où ils travaillent jusqu'à 7 heures par jour.

Les enfants sont concurrentialisés, culpabilisés, intellectualisés furieusement. On les habitue à faire des choses qu'ils n'aiment pas. Et l'école se dresse devant eux telle un monstre en béton armé :

On leur donne des ordres : vous devez aller à l'école, parce que c'est obligatoire. Vous n'avez pas votre avis à donner. L'école, c'est une chance. C'est bien. Ça vous enchante. Vous devez être d'accord que c'est bien, indispensable, une chance pour vous. Vous devez travailler... même si vous ne comprenez pas pourquoi, que ça vous paraît absurde, sinon, c'est la honte, l'échec scolaire.

Et quand l'élève décroche, c'est son échec, ce n'est jamais... l'échec de l'école.

Et puis à l'école, diront certains thuriféraires de cette institution, il y a les petits camarades... mais si on oblige les enfants à y aller, ce n'est pas difficile de pouvoir les y retrouver. Si les enfants sont visibles et abordables à l'école, ce n'est pas grâce à l'école. L'école n'existerait pas, on les rencontrerait quand même ailleurs. Que des enfants contraints de se retrouver quelque part ensemble se parlent, jouent et se font des amis, c'est parce qu'ils sont des enfants, pas parce qu'ils sont à l'école. L'école et ses obligations n'ont aucun mérite là-dedans. Prétendre qu'on se fait des amis grâce à elle, c'est de la pure démagogie pour mieux faire avaler la pilule scolaire.

S'agissant de la transmission du savoir je pense que réunir des classes de 35 élèves enfants en fait des garderies-dressages. Une classe doit réunir au maximum neuf élèves, encadrés par au minimum deux enseignants, une femme et un homme, l'un des deux vieux, l'autre jeune.

Basile, philosophe naïf, Paris le 19 décembre 2012

vendredi 7 décembre 2012

30 Une faiblesse chez Freud et Marx

Siegmund Freud a cherché à nous expliquer le fonctionnement de l'être humain. Karl Marx de nous dire comment fonctionnait la société et l'histoire des humains.

Leurs idées sont intéressantes. Mais, la base de leurs raisonnements est viciée par une faiblesse.

L'histoire humaine compte des millions d'années. Nous en connaissons des descriptions et précisions nourries ne concernant guère au plus que les 10 000 dernières années.

C'est uniquement en se basant sur celles-ci que Marx établit ses théories sur l'histoire humaine et son devenir. 10 000 ans sur des millions d'années, autant dire la dernière dizaine de secondes d'une journée entière. Et tout cela pour définir l'homme. Mais que connaît Marx et nous de l'humour, l'organisation sociale, la sexualité, les distractions, les rêves des hommes d'il y a cent mille, cinq cent milles ans ? Marx voit l'homme lutter pour la vie... mais, initialement, le grand singe humain vivait parfaitement bien sans avoir besoin d'aucune industrie. Après, cela a changé. Notre mode de vie a changé. Prétendre expliquer tout et ce qui arrive aujourd'hui en analysant des éléments appartenant juste aux tout derniers milliers d'années me paraît susceptible d'amener des erreurs.

Je crois pour ma part que l'animal en l'homme, ses craintes, ses désirs, explique beaucoup de choses. Et qu'avant de « lutter pour la vie », l'homme a d'abord créé ses industries dont il n'avait pas vraiment besoin, pour se distraire et s'amuser. La lutte des classes relèvent plus de problèmes psychologiques que de conflits d'intérêts réels.

Si aujourd'hui les très riches cherchent à ruiner les plus pauvres pour devenir plus riches encore, avec de l'argent qui, pour l'essentiel, ne leur servira à rien, c'est moins par intérêt que pour une autre raison : ils sont malades de la peur de leur mort et cela leur fait faire des bêtises.

Rire, s'amuser et échanger des caresses et bisous est aussi vital que bien d'autres choses. La société humaine future, si elle arrive, sera plus une société de caresses, fêtes et bisous que de fusées envoyées dans l'espace.

Freud souffre de la même faiblesse que Marx. Il énonce des conclusions définitives sur l'homme en partant de l'analyse de la vie familiale de son temps. Que sait-il de la vie affective et familiale des hommes d'il y a par exemple 786 000 ans ? Il n'en sait rien et nous n'en savons rien.

Par contre, à mon avis, l'animal vit toujours en l'homme. C'est en l'étudiant autant qu'il est possible que nous trouverons la réponse à quantité de troubles dont il peut souffrir.

Freud a raisonné sur les rapports entre parents et enfants tels qu'il les connaissait à son époque. Et il a tiré des conclusions sur l'homme en général, qu'en fait il connait très peu et très mal, comme nous. Il est extrêmement difficile de s'étudier soi-même. C'est presque une gageure. Pour trouver quelque chose, il faut des dizaines d'années et l'on ne saura jamais tout, car nous sommes juges et parties. On peut, on doit néanmoins essayer de se comprendre. Comme Marx et Freud ont cherché à le faire avant nous.

Marx et Freud étaient certainement des intellectuels d'exception. Mais les respecter consiste aussi à reconnaître leurs faiblesses. Avant d'être un animal pensant, l'homme est d'abord un animal sensible. Les questions matérielles et les règles établies qui en découlent ne peuvent pas tout expliquer.

Basile, philosophe naïf, Paris le 7 décembre 2012