Ces jours-ci
on reparle de la loi Veil de 1975 à l'occasion de la disparition
très récente de son auteur. Comme cela se fait traditionnellement,
l'Histoire est toujours simplifiée par les journalistes. Dans le
livre autobiographique de Simone Veil publié en 2007, intitulé
« Une vie », Simone Veil évoque la genèse de sa loi
autorisant l'avortement. C'est le président Giscard qui la sollicite
pour susciter cette loi, car les avortements organisés par le MLAC
débordent les autorités qui voient le pouvoir masculin médical et
étatique perdre le contrôle du ventre des femmes. A propos de ces
avortements militants, il faut lire un article très bien documenté
paru dans le numéro 29 de la revue Clio Femmes, Genre, Histoire,
publiée en 2009 sur le thème « 68' Révolution dans le genre
? » : Bibia Pavard « Genre et militantisme dans le
Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception.
Pratique des avortements (1973-1979) » (Gender and Activism in
the MLAC : practising abortions (1973-1979)). Disponible en ligne :
http://clio.revues.org/9217 pages 79-96.
La question
posée alors est d'importance. Qui va prendre en charge les
avortements réalisés dans de bonnes conditions médicales ?
Les médecins ou les femmes elles-mêmes et en groupes ? Je me
souviens très bien vers l'époque de l'arrivée de la loi Veil la
stupeur des femmes découvrant que le geste abortif n'était pas un
geste relevant d'un acte chirurgical lourd. Réputation que
l'avortement avait eu jusqu'à là en France auprès des femmes.
Avec la loi
Veil, l'avortement est autorisé légalement, dans un cadre juridique
et médical précis. Le pouvoir masculin médical et étatique, remis
un moment en question par les avortements réalisés par le MLAC,
reprend le plein contrôle du ventre des femmes. La loi fixe les
délais et modalités de l'avortement, au nombre desquels un
entretien dissuasif et obligatoire auquel doit se soumettre la
postulante à l'avortement pour tester sa motivation et la dissuader
éventuellement. L'obligation de cet entretien sera par la suite
supprimée. J'ai connu une femme qui l'ayant subi, en 1978, en était
revenue en larmes, sans pour autant changer d'avis.
L'obligation
de l'entretien dissuasif était d'autant plus étrange, que lors des
Entretiens de Bichat consacrés à la question de l'avortement
alors illégal en France, il avait été relevé notamment une chose.
C'est qu'une fois décidée à avorter, la postulante conservait
cette décision quelles que soient par ailleurs ses convictions.
J'avais eu en main le compte-rendu imprimé de ces Entretiens
où j'avais lu cette précision.
Un aspect de l'avortement en France avant la loi Veil était d'ordre financier. Un
jeune Parisien m'a raconté en 1973 avoir payé 4000 francs un
avortement clandestin médicalisé pour sa copine. Le salaire minimum
était à ce moment-là d'un montant de six francs de l'heure. Les
bénéfices très considérables de certains représentants de corps
médical pratiquant des avortements médicalisés clandestins expliquent
certainement l'attachement d'une part d'entre eux à la prohibition
de l'avortement. Le médecin qui avorta en 1978 dans sa
clinique la femme citée plus haut, exigea et obtint, sans aucun
justificatif, qu'elle lui remette 1000 francs en liquide, non
déclarés aux impôts, bien sûr. C'était sans doute là un reste
des pratiques médicalisées illégales qu'il avait pratiqué avant
l'arrivée de la loi Veil.
L'histoire
du statut légal de l'avortement en France soulève des questions
très intéressantes qui sont souvent ignorées par les médias. A
commencer par savoir à qui appartient le ventre des femmes : à
la Nation, l'autorité, qui est aujourd'hui et de très longue date
masculine, ou aux femmes elles-mêmes. Ce n'est pas une simple
question théorique, mais une question qui a des conséquences
pratiques dans la vie des personnes concernées. Et l'histoire des
femmes et de leur condition difficile est révélatrice de tous les
grands problèmes qui se posent à l'Humanité. Sans le respect des
femmes aucun progrès humain effectif ne saurait être réalisé. Il
en va de l'avenir-même de l'ensemble de la Communauté humaine,
femmes, hommes et enfants compris.
Basile,
philosophe naïf, Paris le 2 juillet 2017
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