dimanche 23 juillet 2017

824 Il est possible d'observer et analyser, mais pas de juger

Récemment, étant énervée pas par moi, mais ayant besoin de passer sa colère sur quelqu'un, une amie a pris avec moi un ton agressif, injuste et sentencieux. Sentant que l'échange devenait à sens unique, tournait au vinaigre et risquait d’entraîner énervements réciproques et affrontement verbal, j'ai vite clos la conversation. Ce bref incident dont mon amie s'est expliquée par la suite, s'inquiétant de savoir si elle m'avait blessé, m'a éclairé sur un important aspect de ma manière de réagir aux gens et aux choses. Si l'attitude de mon amie m'avait ici dérangée, c'était parce qu'elle me jugeait.

Sans le réaliser, j'ai fini par développer depuis un certain temps un mode de réaction consistant éventuellement à définir et caractériser personnes et situations, mais sans prononcer de jugements. Exemple : si je caractérise quelqu'un qui vole comme un voleur, c'est juste une caractérisation. Je ne le condamne pas, tout en évitant autant que possible d'en souffrir. Un individu carrément dangereux, je souhaiterais sa neutralisation, y participerait éventuellement, mais ne le jugerais pas.

De même s'agissant de moi-même ; si par exemple j'évite de faire quelque chose par peur, je ne me dirais pas : « quel imbécile je suis ! J'ai peur ! » Je me dirais simplement : « je ne fais pas ça parce que j'ai peur. » Et connaissons-nous tous les tenants et aboutissants à l'origine du comportement humain de soi-même et des autres ? Bien sûr que non. Alors à quelle compétence prétendrions-nous pour condamner qui que ce soit ? Surtout que bien souvent les individus qui agissent ne connaissent pas leurs propres motivations. Il leur arrive même souvent d'agir en sens contraire de leurs intérêts. Il existe aussi plusieurs façons de lire le contenu du même événement.

Une photo va illustrer les vainqueurs d'une bataille dans la guerre des X contre les Y. On pourrait commenter le visage hilare des vainqueurs du point de vue des enjeux du conflit. On peut aussi faire remarquer que ceux qui pavoisent sur la photo sont tous des hommes ! Les affrontements guerriers quelles qu'en soient leur nature sont toujours l'expression d'un problème de testostérone...

Une campagne électorale voit des partis s'opposer. On peut considérer les positions opposées... On peut aussi remarquer que les différents chefs qui s'affrontent ont tous au fond la même motivation : s'emparer et jouir du pouvoir pour tenter de se dérober à la trouille affreuse de leur mort inévitable.

Une femme vous déclare « être en couple ». Vous pouvez croire avoir reçu une information précise, alors qu'il n'en est rien. Ça peut y compris être juste une feinte pour dire : « pas touche ! Je suis prise ! » et éviter ainsi de se faire courtiser, ou alors au contraire chercher à susciter votre jalousie.

Savoir au fond des choses ce que vivent les gens est impossible. Alors, restons humbles et ne nous avisons pas de prétendre définir précisément les gens. Au nom de quoi aurions-nous cette capacité ? Regardons le spectacle du monde, caractérisons plus ou moins les acteurs, analysons plus ou moins les situations, mais ne jugeons pas. Ce serait une erreur et ce n'est ni notre rôle ni notre compétence. Et en se passant de faire le juge la vie devient soudain nettement plus supportable.

Nous pouvons éviter une personne dangereuse pour notre tranquillité, nous en éloigner, la fuir, sans pour autant nous infliger le port du poids d'un tribunal accusateur et dénonciateur qui va prononcer des condamnations de nous et – ou – des autres. L'autre jour, sur le ton de la conversation badine trois personnes parlaient des internements psychiatriques. Elles étaient assises près de moi dans une sorte de restaurant. J'ai connu une personne malade et hospitalisée régulièrement en psychiatrie. Cette conversation m'était désagréable à entendre. J'ai changé de place et me suis éloigné. Sans pour autant expliquer quoi que ce soit à ceux qui me dérangeaient. A quoi bon ? Et ainsi ne pensant plus à eux j'ai rétabli ma tranquillité. Sans juger qui que ce soit.

Basile, philosophe naïf, Paris le 22 juillet 2017

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