Au début des années
2000, une amie à l'époque nonagénaire s'étonnait devant moi :
« comment se fait-il qu'aujourd'hui les couples se séparent si
nombreux et si facilement ? » Je ne savais pas quoi lui
répondre. Comme explications on peut entendre fréquemment des
choses comme : « les jeunes sont trop exigeants »,
« ils ne savent pas faire de concessions », « l'amour
ça dure deux ans », « on vit aujourd'hui bien plus
longtemps qu'avant, avant on mourait avant d'avoir eu le temps de se
séparer ».
Je crois avoir trouvé la
bonne réponse. Au contraire de l'affirmation comme quoi « les
jeunes sont trop exigeants », ils ne sont en fait pas assez
exigeants, ce qui crée des brouilles. Le piège c'est le mythe du
« couple ». Que deux individus s'entendent et vivent
ensemble est parfaitement possible. En revanche, quand on s'entend un
peu, décréter « le couple » relève du parfait délire.
Alors, on se met ensemble et on commence le chemin qui conduit
inexorablement à la rupture. Au début on est très heureux
ensemble. Puis on est heureux d'être ensemble pour faire plaisir à
l'autre. Puis on se sent obligé de rester ensemble. Et, enfin, on ne
se supporte plus, mais on ne voit pas comment sortir de cette
situation insupportable. La rupture douloureuse finit par arriver,
laissant les deux heureux tourtereaux du début complètement
meurtris et amers. Tout ça parce qu'on a cru à la magie « du
couple ». « On s'entendait si bien ! » Mais
pourquoi alors devait-on forcément se mettre ensemble et cela
allait-il continuer aussi parfaitement durant les cinquante voire
soixante années suivantes ?
Parce que c'est
« l'amour » ? Mais c'est quoi l'amour ? Une chose
magique, la pierre philosophale des sentiments, en résumé : un
mythe. L'amour ainsi garanti parce qu'on s'est plu et qu'on a vécu
ensemble un petit bout de chemin n'existe pas. Si on se plaît
ensemble, soit, c'est un fait. Mais de là à déduire une durée,
c'est du grand n'importe quoi. Il faut attendre, observer, savoir,
étudier. Au lieu de ça on fonce... dans le mur.
Un chausse-trape très
perfectionné est représenté par ce qu'on a baptisé « la
sexualité ». Si « on s'aime », il faut absolument
mettre le truc dans le machin, secouer, émettre les liquides
correspondants, se laver, puis recommencer dans un délai rapproché.
Sinon ce n'est pas de l'amour. Il faut être « épanoui
sexuellement » ! Mais pourquoi si on aime doit-on
absolument baiser et régulièrement ? Qui a décrété ça ?
La Nature ? Elle a bon dos, la Nature !
On ajoute à ces
prétentions « la déclaration d'amour » et « le
mariage ». Mais sans sentiments d'amour, ces deux événements
ne sont rien. Pire, ils égarent.
Il faut arrêter de
croire à l'amour et la sexualité magiques. Bien des affirmations
contenues dans des chansons sentimentales relèvent plus de la
psychiatrie que de la réalité. Inutile de s'étonner si les prendre
pour modèles est source de catastrophes garanties. L'amour, le sexe,
la beauté et la jeunesse ne sont pas des sortes de cagnottes à
placer en échange d'une rente qui s’appellerait l'amour avec un
grand A.
Vous cherchez
« l'amour » ? Il faut être patient et garder le
regard critique. L'amour n'est pas une sorte de pierre philosophale
qui transmuterait le plomb des relations superficielles quotidiennes
en or de l'amour. Et le « sexe » n'est pas plus
miraculeux. On vous a donné des conseils pour rencontrer l'amour ?
Oubliez-les et ouvrez les yeux. L'amour fait partie des relations
ordinaires, pas des faits extraordinaires. Oubliez ruses et
traquenards savants, recettes en tous genres. Les autres sont juste
des êtres humains comme vous, mais aussi tout à fait différents.
Laissez-les venir à vous. Cessez de chercher la méthode miraculeuse
pour les attirer à vous. Ils ne demandent qu'à venir d'eux-mêmes
ou d'elles-mêmes. Cessez de chercher des solutions à des problèmes
que votre ignorance a inventé.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 9 juillet 2017
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