jeudi 29 octobre 2015

442 Terreur intérieure et frayeurs infantiles

Un des aspects les plus frappants et étranges de la terreur intérieure est l'arrêt du développement comportemental, qui se traduit par des frayeurs infantiles se manifestants chez des individus humains déjà grands. Je vais tâcher de préciser le sens de mon propos avec des exemples précis.

Il y a plus de trente ans j'ai connu une jeune fille fort sympathique. Je ne trouvais rien à lui reprocher en particulier. Cependant, un aspect de sa personne me frappait : elle travaille, a plus de vingt ans d'âge, a différentes activités, des amis intéressants, mais, quand je l'observe dans ses manières de faire dans la vie, j'ai l'impression d'avoir affaire à un être beaucoup plus jeune, immature... Son manque de sérieux me fait exactement penser au comportement d'une fille de treize ans.

Comme nous étions assez proches, cette amie finit un jour par me révéler qu'un proche l'a violé, quand elle avait... treize ans. Ça m'a fait réfléchir à propos de l'anomalie que j'avais relevé chez elle. Il me parut évident alors que son comportement venait de là. A l'époque je me suis dit : « son développement a été stoppé par cette agression et elle est restée dans sa tête une personne de treize ans. »

Bien plus tard, j'ai connu une jeune femme très sympathique et très joyeuse. Une vraie boute-en-train, sachant animer, communiquer... mais sans aimer trop persévérer dans ses activités. Un volcan de bonheur, mais limité dans son activité. Cette jeune femme m'a informé, quand je la connaissais déjà un peu, qu'elle avait été victime d'un viol en réunion quand elle était âgée de 17 ans. Quand j'y repense à présent, à la lumière de mes connaissances acquises, l'évidence s'impose. Cette jeune femme a le dynamisme, la fantaisie, le manque de sérieux qui peut parfaitement se rencontrer chez une très dynamique jeune fille de 17 ans.

Le choc a chaque fois, qui corresponds à la sortie de l'enfance prolongée, qui marque l'irruption de la terreur intérieure, cause l'interruption du développement comportemental de l'individu.

Mais, ces deux exemples sont loin d'être les seuls. On peut légitimement se poser la question à propos de n'importe quelle personne : « mais à quel âge l'irruption de la terreur intérieure a stoppé son développement comportemental ? »

Prenons un exemple célèbre : notre président de la République. Il a une très haute responsabilité, dispose de cent gardes du corps. Voilà qu'une nuit il part seul, incognito, en scooter, avec un unique garde du corps. Il va retrouver discrètement sa bonne amie. Ce secret est sensé l'abriter du regard jaloux de sa régulière. Il a donc peur de Valérie Trierweiler, alors qu'il a en charge la France entière.

Arrivé au domicile de sa bonne amie Julie, il congédie son garde du corps. Qui ne revient que le lendemain matin en apportant des croissants frais pour le réveil des deux amoureux.

Cette histoire, révélée par le magazine « Voici », a fait rire la planète entière. J'ai vu des Italiens que la politique n'intéresse que peu ou guère, rire en évoquant « le scooter ». Mais il y a plus grave :

Durant une nuit entière, quantité d'événements, même très graves, peuvent arriver. Si, pendant cette nuit-là, le président américain ou chinois voulait joindre d'urgence le président français, était-il joignable ? On me dira : « oui, il avait certainement avec lui son téléphone portable. » D'accord, mais avec cette accumulation d'imprudences, on peut ne pas être spécialement rassuré.

La question posée était : l'âge du développement comportemental du président. La réponse que l'on est tenté ici de donner, c'est 12 ans.

On me dira que je dis du mal du président. Pas du tout, si ça se trouve, le président d'un pays beaucoup plus puissant que la France a 8 ans d'âge de développement comportemental.

L'état du monde commence à s'expliquer. Et pourquoi il est déplorable. Autre élément plus simple encore à analyser : un jeune homme de 16 ans drague sa professeure de français et responsable du club de théâtre de son lycée confessionnel. Il persiste dans sa liaison et l'épouse par la suite. Il sera un jour ministre des finances du président de la France. Ce dernier développe une admiration inconditionnel pour ce ministre qui accumule les marques de soumission à l'ultra-libéralisme. La pauvreté galope en France. Le président a pour ce ministre les yeux de Chimène pour le Cid. Pourquoi cela se passe-t-il ainsi ? Rien de plus simple pour l'expliquer. Si on se dit que le ministre a 16 ans de développement comportemental, et le président 12. Un garçon de 12 ans admire un autre de 16. C'est quelque chose de courant. Mais, alors, quel âge est-ce que j'ai dans mon développement comportemental ? Je me suis posé la question. Et pense que mon développement comportemental s'est arrêté à 8 ans, environ. Quand j'ai connu un premier affrontement avec ma déesse-mère, ma mère. Cet arrêt explique aussi pourquoi les mathématiques et la musique n'ont jamais voulu par la suite entrer dans ma tête.

A présent que je démonte le mécanisme de blocage, mon développement comportemental se libère. J'ose parler de sujets que je n'allais pas évoquer avant. Je vais vers des personnes qui, auparavant, me faisaient inexplicablement peur et que j'évitais. Je vais faire des choses que je ne me permettais pas avant. Mais, si nous sommes tous plus ou moins stoppés dans notre développement comportemental par le choc de sortie de l'enfance prolongée, existe-t-il des personnes qui elles, ont continué leur développement comportemental ? Qui ont atteint 30, 40, 50 ans et plus ? Oui, certainement. Et par contraste on les appelle de grands sages.

Le choc de sortie de l'enfance prolongée est la clé d'explication d'innombrables phobies, peurs diverses et comportements irrationnels. Quantité de personnes vont se pourrir la vie par leur relation avec quelqu'un : collègue, parent, voisin. Celui-ci prendra une dimension dévastatrice dans leur vie. Comme de plus les sentiments sont contagieux, s'ils ont par exemple peur d'un voisin, le voisin commencera à avoir peur d'eux. Ce qui n'arrangera pas les choses. La source principale de nos ennuis se trouve le plus souvent en nous-mêmes. Et nous pouvons nous en débarrasser. Vivre mieux et plus agréablement. Pour aller bien, il ne faut pas tuer son voisin, mais tuer en nous la peur de son voisin. J'observais durant des années un monsieur qui passait son temps à s'accrocher violemment avec les promeneurs de chiens qui venaient laisser la crotte de leur compagnon dans la rue près de sa maison. Certes, le motif de disputes était justifié. Mais, à force de l'entendre, cet homme et aussi d'entendre ses interlocuteurs, j'ai fini par réaliser quelque chose. Ce n'était pas la crotte du chien le vrai motif de la dispute, mais l'envie de s'affronter verbalement. Cette lutte pour la propreté de la rue dissimulait en fait un malaise intérieur partagé. Ces promeneurs et celui qui les engueulait étaient mal dans leur peau. Et pourquoi donc ? A cause de leur terreur intérieure et de leurs frayeurs infantiles témoignant de leur immaturité partagée.

« Changer le monde » a dit quelqu'un un jour. D'accord, ce qui signifie d'abord se changer soi-même. Sinon le monde continuera à divaguer pris entre les récifs de la peur sur un océan d'incompréhension. Les Romains de jadis disaient, croyant expliquer le monde : « l'homme est un loup pour l'homme ». Il est infiniment plus juste de dire : « l'homme est un loup pour lui-même. Et il a intérêt à se débarrasser de son loup intérieur qui le rend agressif avec lui-même et les autres. » Je regardais une liste de personnalités politiques hier. Un certain nombre parmi elles ont prétendu rendre l'Humanité calme, pacifique et apaisée en tuant un tas de gens. C'est là une prétention vaine, stupide, risible, tragique et à rejeter. On ne bâtira pas la cité du bonheur sur une montagne de cadavres, mais d'abord en se débarrassant de nos illusions et égarements.

Basile, philosophe naïf, Paris le 29 octobre 2015

mercredi 28 octobre 2015

441 L'homme n'a pas changé

Une publicité pour le Musée de l'Homme que je voyais ces jours-ci dans le métro proclame : « L'homme évolue, son musée aussi ». Ce discours publicitaire est joliment construit. En revanche, si on le prend à la lettre il représente une contre-vérité flagrante et fondamentale. L'homme n'évolue pas, ou si on préfère, il n'a autant dire pas évolué depuis des dizaines, des centaines de milliers d'années. A la naissance, nous sommes rigoureusement pareil aux petits singes humains de l'époque où aucun outil n'avait encore été inventé. Et c'est cette contradiction entre notre humanité naturelle et la culture humaine qui nous fait tels que nous sommes. Le temps de transmission du savoir a créé le trouble majeur de l'entrée et la sortie de l'enfance prolongée. La terreur intérieure qui en résulte nous a amené à inventer quantité de trucages intellectuels de fuite. Par exemple, nous imaginer vivant à une époque passée. Ce trucage va nous faire adorer les objets anciens. En les contemplant, les touchant, les collectionnant, vivant avec, nous nous bercerons de l'illusion que nous ne sommes pas de notre époque. Nous vivons en d'autres temps, loin de notre terreur intérieure. C'est là l'explication du charme incompréhensible que dégagent pour nous bien souvent les objets vieillots. Une démarche exactement pareille sera de privilégier les objets nouveaux, les objets sensés appartenir au futur. En nous en sentant proches, pareillement, nous allons fuir le temps actuel où la terreur intérieure nous terrorise. Collectionner est un moyen de chercher à nier notre terreur intérieure. Le collectionneur se sent appartenir à sa collection, en faire partie. Ainsi il se détache de sa réalité à lui qui inclus cette terreur intérieure qui lui fait peur. On peut collectionner beaucoup de choses. On peut ainsi par exemple collectionner les territoires qu'on va conquérir, ou les meurtres qu'on va commettre. Les conséquences de la collectionnite peuvent être dramatiques.

Pour se convaincre « qu'on n'est pas là » on va s'inventer des entités imaginaires. « Dura lex, sed lex » disaient des Romains de jadis. « La loi est dure, mais c'est la loi ». « Au nom de la loi, je vous arrête ! » s'exclame le gendarme. Comme s'il existait une chose, pourtant inventée par l'homme, qui se trouverait au dessus de lui et le commanderait. C'est le culte de « la loi ». Il existe également le culte du papier. Des traces d'encre déposées au bas de morceaux de papier commanderaient les hommes. On l'a vu avec la Grèce cette année. Les « traités européens » devaient décider du sort des Grecs vivants. Soit des morceaux de papier contenus dans des armoires devaient avoir le pouvoir sur des humains vivants. C'est un discours absurde. C'est le discours officiel adopté par les états. Les négociateurs grecs ont assez rapportés comment à leurs arguments les représentants des autres pays auxquels ils s'adressaient répondaient par des regards abrutis et hallucinés. Seuls comptaient pour les hallucinés les traités signés, au diable les arguments et les raisonnements quels qu'ils soient ! La terreur intérieure de certains exigeait le sacrifice des Grecs poussés dans la misère pour satisfaire au dogme Moloch de la liberté totale d'exploiter les humains jusqu'à ce qu'ils en crèvent : l'ultra-libéralisme. Jadis, dans certaines cités, pour se convaincre de ne pas être concernés par leur terreur intérieure, les élites sacrifiaient leur bien le plus précieux. Ils mettaient à mort leur fils aîné offert à quelque divinité barbare. On n'a pas changé. Sauf que le nom de la divinité n'est plus à consonance étrange. Il se prononce ainsi : « concurrence libre et non faussée », profit à tous prix.

On a suffisamment dénoncé ces temps derniers le fait qu'un groupe de quelques dizaines d'individus possède autant que la moitié la plus pauvre de l'Humanité, qui a faim. J'ai toujours entendu dire qu'il faut que la liberté des uns s'arrête là où elle empiète sur celle des autres. Pourquoi ne pas décider qu'il existerait un niveau de fortune maximale autorisée ? Au dessus de celle-ci, la richesse reviendrait à la collectivité ?

Ces fortunes gigantesques nuisent au monde et ne servent pas ceux qui les possèdent. Si ce n'est à les aider à oublier leur terreur intérieure en les convainquant qu'ils sont autre chose qu'eux-mêmes. Il doit certainement exister des moyens de les rassurer qui nuisent moins à l'intérêt public général.

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 octobre 2015

mardi 27 octobre 2015

440 Pourquoi en politique ça n'avance pas ?

Il y a aujourd'hui des problèmes politiques importants, il y en avait hier aussi, avant-hier également, avant-avant-hier et demain très certainement. On peut se raconter ce qu'on veut pour se faire plaisir, se rassurer, se dire que ça avance quand même. Mais, à regarder bien, les problèmes souvent ne se résolvent que peu, pas ou guère. Ils se déplacent. Ça va mieux là. Telle chose va mieux, mais une autre s'aggrave. Et la masse des gens ne réagit pas. Cependant que les dirigeants n'arrivent pas à des résultats probants. Comment expliquer ce piétinement qui n'en finit pas ? D'abord, la masse ne bouge pas pour deux raisons. L'une est positive, l'autre ne l'est pas. La raison positive est que la masse foncièrement aspire à la paix, la tranquillité, l'évitement des conflits, les solutions douces et pacifiques. Elle espère que tout finira bien par s'arranger sans bagarres. Elle veut rester optimiste malgré tout ce qui lui arrive.

Qu'est-ce que l'espérance, l'optimisme et ses contraires : la désespérance, le pessimisme ? On leur donne des explications chimiques. Mais elles sont autant satisfaisantes que prétendre résumer une joyeuse soirée amicale dîner réussie avec une explication technique du mécanisme digestif.

La raison négative qu'à la masse pour ne pas réagir à ce qui la tourmente est d'adopter une identité négative : « nous souffrons parce que nous appartenons à ceux qui souffrent toujours. Il y a des profiteurs qui nous tourmentent, mais il y aura toujours des profiteurs. La Nature est ainsi. »

De temps en temps se passe une sorte de court-circuit dans la conscience de la masse. Alors elle se révolte. Pour revenir ensuite au calme. On l'a bien vu ainsi par exemple en mai et juin 1968. En mai et juin 1968 des motifs de mécontentement déjà anciens ont poussé à la grève dix millions de personnes, ont poussé à la manifestation quelques millions d'entre elles. Et puis, tout est retourné à « la normale ». Une affiche de juin 1968 figurait un troupeau de moutons surmonté de l'inscription : « Retour à la normale ».

La masse est ainsi. Mais, comment fonctionnent ses leaders, ses dirigeants politiques ? Voyons un exemple de sa conduite par rapport aux prix des produits alimentaires. Ceux-ci, en, France, en particulier à partir du 1er janvier 2002, date maudite de l'arrivée de la monnaie actuelle, ont grimpé à une vitesse folle. La vie n'a jamais été si chère. Et la faim est reparue comme fléau dans notre pays. Pourtant, à la production, les produits n'ont pas augmenté de prix. Ils ont même souvent reculé. La cause de cette situation est connue : c'est « la grande distribution ». Elle règne, décide d'acheter aux producteurs aux prix les plus bas, vendre au consommateur, nous, le plus cher possible. Et payer ses employés le moins possible. La seule solution pour arrêter ces abus consiste à créer un service public de la grande distribution, en expropriant les quelques sociétés qui sont à présent responsables de la cherté des produits alimentaires. Cette démarche de salut public élémentaire étant incompatible avec les « règles européennes » implique également la rupture d'avec les traités européens. Aucun parti politique français, fut-il autoproclamé révolutionnaire, ne préconise la création pourtant évidente d'un service public de la grande distribution. Les différentes partis politiques parlent au mieux d'augmenter les salaires. Mais le système est un : d'un côté les salaires sont bloqués. De l'autre, les prix montent. On appelle ça : « la dévaluation intérieure ». Autrement dit la promotion de la misère pour le plus grand nombre, qu'il travaille ou pas.

L'explication de ce désintérêt des partis politiques pour changer le fonctionnement de la grande distribution ne se trouve pas dans un complot quelconque. Elle est beaucoup plus simple.

Les dirigeants politiques, comment vivent-ils ? En général, ils vivent plutôt bien. Les prix excessifs des produits alimentaires ne les touchent absolument pas. Quantité de dirigeants sont des élus rémunérés, d'autres, des permanents municipaux rémunérés, ou des permanents d'organisations politiques. Ils ne sont pas à plaindre socialement. Pour eux, le prix des patates ou des fruits ne représente pas un problème. Vers quoi vont-ils alors se tourner comme thèmes de mobilisations de leurs « troupes » ? Des sujets qui marquent moralement, qui accrochent : non pas le prix des patates, mais tel conflit dans le monde. Le récit des malheurs du peuple machin rempli les journaux télévisés. La souffrance du peuple truc est proverbiale. Solidarité avec le peuple machin ! Ou bien : « ne nous laissons pas envahir par les réfugiés du peuple truc qui fuient un conflit et commencent à abonder à nos frontières ! »

Le peuple machin ou truc, voilà des sujets qui mobilisent. Et pourquoi mobiliser ? Pour une cause juste et généreuse ou injuste et égoïste ? En fait, ni l'un ni l'autre, l'essentiel est que cette agitation augmente la visibilité de ceux qui l'impulsent. Et leur confère... plus de pouvoir. Le but en fait est là : augmenter son pouvoir. Et peu importe au fond ce qui arrive aux peuples machin ou truc.

J'ai été étonné de rencontrer cette manière de penser. Un jour, je me retrouve dans le métro avec un groupe retour d'une manif. La manif a gagné. De quoi parlent les manifestants ? De leur victoire ? Absolument pas. Un des manifestants, visiblement un dirigeant, égrène avec délectation toutes les réunions qu'il va à présent organiser. Et je sens que pour lui, ce n'est pas la victoire qui lui importe, mais la masse de réunions où... je l'ai compris treize ans plus tard, il sera « la vedette ».

Une autre fois, dans une cafétéria je me suis retrouvé à côté de deux militantes qui parlaient de réunions tenues dans leur organisation. Une des deux retraçait des confrontations survenues dans ce cadre avec un plaisir qui révélait que, plus encore que les buts poursuivis, c'était la position dominante obtenue par elle qui lui importait. Encore une fois, la recherche du pouvoir motivait ici plus que les buts déclarés de l'organisation.

Le plus étonnant que j'ai rencontré fut dans une conférence. Un vieux militant racontait une période militante politique de sa jeunesse très très dure, avec tortures, tabassages, meurtres... pour finalement s'exclamer : « ça était la plus belle période de ma vie ! » Comment ça ? Une période ultra-violente, avec des meurtres, serait une belle période ? Oui, parce que, sans s'en rendre compte, ce vieil homme exaltait la période où il a eu de l'importance, était un chef, encore une fois l'obsession du pouvoir et de sa jouissance.

Tant que la plupart des dirigeants politiques poursuivront d'abord et avant tout la recherche du pouvoir, il n'y a aucune raison qu'ils parviennent à faire avancer les choses.

La recherche du pouvoir est une maladie. Les hommes de pouvoir ne sont pas heureux. Mais il leur est impossible le plus souvent de renoncer à leur drogue.

Louise Michèle disait que le pouvoir corromps. Ce n'est pas tout à fait vrai. Certaines personnes sont comme des sortes de porteurs sains du virus du pouvoir. Dans certains cas la maladie se développe. Je l'ai vu dans le cadre des associations à but non lucratif déposées selon la loi de 1901. Il faut voir avec quelle gourmandise des messieurs d'un certain âge s'adressent la parole entre eux : « Cher Président »... Pour devenir président d'une association on voit couramment des adhérents faire la guerre au président en place. S'ils parviennent à leur but, ils peuvent se désintéresser de l'association qu'ils ont traumatisé par leur combat. Et se retirer en laissant crever l'association. Dans une très petite association avec une poignée d'adhérents et presque pas d'argent en caisse, les luttes de pouvoir peuvent se révéler acharnées, furieuses, impitoyables... Alors, s'ils s'agit de grandes organisations, de commander des états entiers, imaginez le genre de catastrophes que ce genre d'appétit de pouvoir peut amener. Tant que la maladie du pouvoir sera omniprésente en politique, rien n'avancera vraiment. Et le problème du pouvoir est d'abord dans la tête de la plupart des gens avant d'être ailleurs. Il est malheureusement quasi général. À chacun de savoir s'en débarrasser !

Basile, philosophe naïf, Paris le 27 octobre 2015

lundi 26 octobre 2015

439 Le sevrage câlinique et ses suites

L'entrée dans l'enfance prolongée est marquée par le sevrage câlinique. Il est d'une violence inouïe et insoupçonnée tellement il appartient depuis longtemps, très longtemps, à nos traditions culturelles. Les humains cessent alors d'être câlinés, caressés, mordillés, parce qu'ils sont à présent considérés, classés comme « grands ». Un des paradoxes de l'enfance prolongée est qu'elle est ici appelée « être grand ». De même, c'est au nom de l'autonomie, l'indépendance, qu'on niera l'autonomie au sein du groupe du petit humain. Il sera sommé dorénavant de dormir seul, se laver seul. Déséquilibré, désespéré, il va devenir dépendant de ceux qui s'occupent de lui. Sa pseudo-indépendance sera une entrée dans la dépendance. L'enfant qui hurle de terreur et désespoir quand on l'enferme seul dans sa chambre obscure le soir est dépendant.

Je me souviens parfaitement bien comment, petit, j'adorais qu'on me glisse une main de temps en temps par le col de mon vêtement. Et me passe celle-ci dans le dos. C'était très agréable. Quand soudain, sans justificatifs, sans prévenir, ce geste fut abandonné. J'en ai été extrêmement contrarié. N'ai pas compris pourquoi j'étais subitement ainsi privé de ce plaisir. N'ai pas osé demander une explication. N'en ai même pas eu l'idée. En fait c'était là un aspect de mon sevrage câlinique. J'étais devenu « grand » et n'avait plus droit à cette caresse. J'entrais dans mon enfance prolongée.

L'entrée est un traumatisme. La sortie le sera aussi, car en fait elle ne se fera pas sans mal et séquelles de cette perturbation majeure de l'être humain. D'autant plus que loin de retrouver une authenticité, une liberté, une joie perdues, l'être humain va être confronté à tout un tas de perturbations nouvelles. Il va se heurter à un ensemble de règles monstrueuses, toutes plus ou moins reliée à un ensemble impressionnant baptisé par son nom traditionnel : « la chair », ou par son nom « moderne », « laïque », « scientifique » : la « sexualité ».

Au nom de la sexualité s'égrène les interdits et obligations : interdiction d'être vu, de voir l'autre, de le regarder, d'être regardé, de le regarder avec intérêt, d'être regardé avec intérêt. Précision nécessaire : vu, regarder, regarder avec intérêt, il s'agit ici d'être vu en entier, c'est-à-dire, dans le jargon conventionnel : être vu, regardé « nu ». Nos traditions ont fait de l'état naturel, en le prohibant, un état particulier : la « nudité ». Il sera également interdit encore plus sévèrement d'être vu en érection ou les cuisses écartées si on est une femme, une jeune fille ou même une petite fille, d'être vu en train d'uriner, déféquer, baiser ou se masturber ou être masturbé, ou de voir uriner, déféquer, baiser, être masturbé ou se masturbant.

Un autre interdit majeur sera celui du toucher. Défense de toucher, voire même de seulement effleurer, même involontairement, l'autre. Il est courant et hautement risible si on y réfléchit, de voir et se voir confondre en excuses, par exemple dans le métro parisien, si vous avez, ô horreur ! Juste à peine effleuré, involontairement, une personne connue ou inconnue.

Les humains sont des singes parmi d'autres, donc la toilette passe à l'origine par le léchage. Lécher l'autre est rigoureusement prohibé. Et réservé à la « sexualité ». On en fait une partie du délire aberrant qui invente « les préliminaires ». Car le toucher, la caresse, le fait de serrer dans ses bras, ou dormir avec l'autre, deviennent prétendument dans notre culture l'antichambre de l'acte sexuel o-bli-ga-toi-re. Gigantesque et confondante ânerie. A laquelle participent parmi les pires calamités de notre culture : l'idolâtrie du pénis et des testicules, la sacralisation de l'érection et le culte de l'éjaculation.

Dans le langage courant « avoir des couilles » ou simplement : « en avoir », c'est être fort, courageux. Ne pas parvenir à l'érection, c'est être « impuissant ». « Impuissant » est une insulte. Et, par définition, les femmes n'ayant ni pénis ni testicules, ce discours implique leur infériorité. D'ailleurs, ne dit-on pas : « le sexe faible » pour parler du sexe féminin ?

La sacralisation de l'érection est une des pires calamités culturelles de notre société. Si un nouveau-né ou un petit garçon bande, personne n'ira imaginer qu'il a envie de baiser. En revanche, dès qu'un zizi de plus de douze ans devient dur, il y a une armée de cons et connes pour croire que baiser est alors bien, souhaitable, naturel, nécessaire, inévitable. C'est-à-dire enfoncer ce pénis dans un vagin ou un anus ou une bouche féminine ou masculine. Ou alors, au minimum, il faudrait à défaut se frotter ou faire frotter le membre afin de parvenir à l'éjaculation. Incroyable sottise et fondement d'habitudes masturbatoires qui font qu'un individu humain de sexe mâle âgé d'à peine vingt ans et quelques s'est souvent déjà masturbé plusieurs milliers de fois !

Et les câlins dans tout ça, où sont-ils ? Il y en a peu ou guère. C'est du plus hautement comique de voir dans des vidéos pornographiques des mâles allongés ou debout, les bras le long du corps, ne bougeant pas, cependant qu'une dame ou un monsieur leur fait une gâterie ! Gâterie qui n'est en fait qu'un vague succédané des toilettes linguales du singe humain de jadis. À regarder l'acharnement de la dame ou du monsieur à chercher à parvenir à l'éjaculation, il y a de quoi bien rire !

Et l'éjaculation, on en a fait un vrai sujet d'adoration ! Ce serait le summum du plaisir, presque même le but de la vie. But restreint en temps écoulé, sans mauvais jeu de mots. Mais, en fait, il en est de l'éjaculation comme de n'importe quelle activité humaine. Elle peut aller du très désagréable au très agréable. Et quand on cherche avec angoisse à la « réussir », on s'assure, bien sûr, de la rater.

Ainsi, d'illustres dragueurs multiplient les aventures en rêvant à une personne rencontrée il y a longtemps. Avec elle, ce fut fabuleux... et depuis, plus rien de bien intéressant. Ne cherchez pas pourquoi des dragueurs changent de conquêtes, troquant souvent une créature de rêve contre un cageot. Ils s'ennuient avec. Mais n'oseront pas l'avouer. Leur réputation de chanceux en prendrait un sacré coup ! Comme tous consumérismes, le consumérisme sexuel est un ratage et une médiocrité.

On le voit, la fin de l'enfance prolongée ne signifie nullement renouer avec l'authenticité perdue. Et cela moins encore dans le domaine des câlins qu'ailleurs. Il n'est pas question pour nous et pas possible de prétendre redevenir des singes. Mais rompre avec toutes sortes de stupides traditions nous permettrait et permet à certains d'améliorer leur condition.

Ainsi, la prétention de traduire l'intérêt esthétique pour une belle personne par un prétendu désir sexuel. Ce fantasme stupide, je m'en suis débarrassé. Aujourd'hui, si je vois passer une jolie fille, je peux admirer ses courbes, sans pour autant m'imaginer quoi que ce soit de plus que le fait que je suis invité par la Nature à un beau spectacle. La fille, je ne la connais pas et n'ai pas grand chose à voir avec elle. Sauf que j'admire les formes que la Nature lui a donné. Toute autre chose serait de la prendre, comme beaucoup hélas, pour une sorte de gros gâteau au chocolat qu'il faudrait chercher d'urgence à consommer.

Quand j'étais petit, dans les années 1950 et 1960, le sexe était prohibé. On n'en parlait pas. N'existait ni liberté de contraception, ni d'avortement. La pornographie discrètement se diffusait sous le manteau. Aujourd'hui, le sexe s'affiche partout. Et la consommation, voire la compétition sexuelle, sont des vedettes culturelles. L'impression que me donne cet étalage, est qu'on a troqué une époque de merde pour une autre. Car l'amour, les câlins, la relation humaine, c'est autre chose. Et, de même qu'elles se sont mises hier à boire et fumer « comme des hommes », bien des filles aujourd'hui draguent « comme des hommes ». Imiter l'homme dans sa bêtise n'est pas une affirmation de l'authenticité féminine. Et faire de l'homme le modèle à suivre revient à lui accorder la supériorité. Il reste aujourd'hui à l'homme comme à la femme de chercher à être eux-mêmes véritablement. Ce qui leur permettra de se retrouver et se rencontrer.

Basile, philosophe naïf, Paris le 26 octobre 2015

dimanche 25 octobre 2015

438 Comment faire d'une poussière une montagne

Quand, la nuit tout est silencieux, un très léger bruit qui s'arrête ou qui se déclenche peut vous réveiller. Par contraste avec le silence, sa puissance sonore est décuplée. De même, si on prend une grande feuille blanche, un point noir dessus se remarquera de manière éclatante. Il en est de même des événements de la vie. Si tout va très bien, un petit désagrément a l'impact d'un très grand désagrément. Une petite contrariété apparaît comme une très grande contrariété, etc.

J'avais peu de contacts ces temps-ci et voyais peu de gens. Un imbécile que je ne connais pas m'écrit quelque chose de vexant. J'y attache une grande importance. En fait, ce message est d'importance absolument secondaire. Pour m'en convaincre, il me suffit de rencontrer quelques autres personnes.

Pour bien mesurer nos réactions, sachons faire preuve de lenteur. Ne pas se presser est infiniment précieux. Prendre son temps c'est le rendre précieux, savoir l'apprécier à sa juste valeur. Il faut savoir ignorer les importuns qui se prennent pour le centre du monde et vous insultent avec des propos bizarres. Et les laisser se noyer dans leur propre venin.

La gentillesse est une vertu essentielle. Soyons gentil y compris gratuitement et sans motifs. Pratiquons la gentillesse gratuite, de même que d'autres pratiquent la méchanceté gratuite. Rester gentil, c'est résister à toutes les influences qui vous crient dans les oreilles : « soyez méchants comme tout le monde ! »

Restez calme et ne vous énervez pas. Plus vous avez de raisons de vous énerver, plus en général vous gagnerez à ne pas le faire. Beaucoup d'agresseurs ne rêvent que d'une chose : que vous vous énerviez pour « faire monter la sauce ». En ne vous énervant pas vous les désarmez. Ils se lassent et s'en vont ailleurs chercher à énerver d'autres que vous. S'ils croient avoir raison et ont tort, laissez-les croire qu'ils ont raison. Les idiots ce sont eux. N'oubliez pas la vieille sagesse arabe : « le coq le plus misérable chante victoire une fois qu'il a fini d'escalader son tas de fumier. » Laissez les coqs misérables chanter victoire ainsi. Ne vous abaissez pas à chercher à leur faire concurrence.

Si les imbéciles existent et sont très nombreux, c'est pour valoriser par contraste les intelligents. Remerciez-les d'exister pour vous mettre en valeur. Et ne cherchez pas à les guérir de leur stupidité. Elle est incurable. Chercher à convertir à l'intelligence des imbéciles, c'est comme vouloir faire éclore d'un œuf dur un poussin cuit qui pépie.

Quand ils n'ont pas d'arguments, les imbéciles vous insultent. Et vous attribuent les tares dont ils souffrent. Laissez-les braire et appréciez leur joli voix.

Si vous leur accordez trop d'attention, vous ferez d'une poussière une montagne. Une poussière peut être très désagréable. Mais elle n'est, en définitive, qu'une poussière. Les idiots sont la poussière sur laquelle l'intelligence marche d'un bon pas.

J'ai rencontré plus d'un imbécile joliment titré, ou bien rémunéré. L'essentiel était qu'il s'agissait d'imbéciles. Et être un imbécile est la moins enviable des situations pour un intelligent, quel que soit le titre ou la rémunération de cet imbécile.

Une chose nouvelle impressionne souvent plus qu'une chose ancienne et habituelle. Il existe un grand nombre de variétés d'imbéciles. Il ne faut pas se laisser impressionner par la rencontre d'un nouveau type d'imbécile. C'est d'abord et avant tout un imbécile. Et il y en a beaucoup sur Internet.

Basile, philosophe naïf, Paris le 25 octobre 2015

437 Terreur, TOCS et politique

Durant plus de seize années, j'ignorais absolument ce que l'on baptise fréquemment « les frayeurs existentielles ». Je me souviens parfaitement, par exemple, qu'étant enfant et montant dans une rame de métro parisien, il m'est arrivé plus d'une fois de me dire : « dans 100 ans toutes les personnes présentes dans ce wagon seront mortes. Comme c'est curieux. » Je trouvais ça curieux, mais sans plus. Et puis, au tout début de l'année 1968, j'allais sur mes 17 ans, voilà que soudain une pensée absolument terrorisante me vient : « je vais fatalement mourir un jour, n'existerais plus, ne penserais plus ». Et voilà que cette terreur me prends. Me reprends. Me re-reprends. Impossible de me défaire de cette pensée glaçante. Je n'ose pas en parler. Me dis finalement : « je deviens fou. » Comme ma famille se soigne à l'homéopathie, je cherche le remède dans un petit livre qui indique toutes sortes de problèmes de santé avec les médicaments homéopathiques correspondants. En identifie un qui doit correspondre à mon problème : le Stramonium. Je demande à ma mère de me l'acheter, sans lui dire pourquoi. Le prends. Ça à l'air de s'arranger. Mais, par la suite, ces frayeurs me reviendront, par périodes d'une semaine environ. Puis passeront à chaque fois. Ce problème durera durant bien des années. Jusqu'à ce que je devienne croyant et m'en débarrasse en 1983. Ce qui signifie que du début 1968 jusqu'en 1983 ces frayeurs m'ont pourri la vie à un certain nombre de reprises avant que ça cesse. J'ai raconté cette histoire dans mon blog en novembre 2012.

Chose nouvelle, je me suis posé la question il y a quelques jours : mais pourquoi précisément les manifestations de cette frayeur ont commencé à ce moment de ma vie, soit vers mes 17 ans ? La réponse à présent me paraît évidente. Cette frayeur en dissimulait une autre bien plus forte : celle de la sortie de mon enfance prolongée. Une frayeur si aveuglante que les humains l'habillent avec autre chose qui leur fait très peur, mais moins : ici, la mort. Ailleurs, ça pourra être autre chose.

Toutes sortes de peurs terrifiantes épousent ainsi notre terreur intérieure qui en prend le visage terrifiant mais moins que la terreur intérieure vue directement. Cet habillage peut être partagé avec un nombre très important de gens. Ainsi, il y a de nombreux millions de gens qui tremblent en croyant être effrayés par « la mort ». Alors qu'il s'agit en fait de la sortie de leur enfance prolongée qui les tourmente et dont ils n'ont pas conscience. C'est vrai y compris pour des chefs d'états, des responsables économiques, des célébrités diverses. Dans le livre qu'elle a consacré à sa liaison avec l'actuel chef d'état français, Valérie Trierweiler explique, je crois à la page 170, que son ex amant a une trouille carabinée de la mort et des maladies graves et des malades atteints de ces maladies. Ce passage m'a frappé. J'en ai un peu parlé autour de moi. La réponse que j'ai reçu était : « il a peur de la mort ? Mais comme tout le monde ! » Cette réponse est partiellement vraie : la peur en question est effectivement en apparence partagée par quantité de gens. Mais elle dissimule en fait la vraie terreur : la terreur intérieure suscitée par la sortie de l'enfance prolongée. Si on se contentait de chercher comment on ressent la vie, elle nous apparaîtrait pour ce qu'elle est : rassurante et sans fin. C'est ainsi que les petits enfants souvent la perçoivent objectivement. C'est ainsi que je la percevais spontanément durant presque 17 ans.

Quand la terreur intérieure veut s'exprimer en nous, elle prend des sortes de déguisements, qui vont nous entraîner à des conduites absurdes auxquelles nous serons passionnément attachés sans même chercher à savoir pourquoi. Par exemple, on commencera à éviter soigneusement de marcher dans la rue sur tout ce qui ressemble à une plaque d'égout. On se dira pour se justifier : « mais ainsi j'évite par avance de marcher un jour sur une plaque qui va m'engloutir ». Et ce délire discret va s'installer. Comme un autre auparavant se sera installé. Oh ! Rien de bien grave : compter ses pas. On commencera à se dire : « si avant que la voiture qui arrive au bout de la rue me dépasse j'ai fait cinq pas, ce sera bien ». Alors, on compte ses pas : « Un, deux, trois, quatre, cinq, ouf ! La voiture me dépasse. » Mais voilà qu'à un autre moment, elle est passée avant le nombre de pas réglementaire. Alors on se dit : « ça ne fait rien, ça va s'arranger si la personne qui marche juste près de moi dans le métro, je la dépasse d'au moins trois pas. » « Un, deux, trois... voilà, c'est arrangé. » Mais déjà, bien avant, on a débuté un autre trouble : l'accumulation d'objets. On conserve des choses encombrantes qui ne servent à rien et rendent la vie, voire même la circulation difficile dans son habitation. Et tous ces troubles, on n'a aucune conscience de leur existence. On n'en parle pas. On s'en donne des explications fausses. Et, chose plus grave, on s'enferme dedans. On s'isole. Jusqu'au jour où, éventuellement, on peut en prendre conscience quand ils prennent un tour aigu et cliniquement visible. Alors, on se renseigne, et on apprend qu'on a « des TOCS ». Ce qui signifie : « Troubles obsessionnels compulsifs ». Il s'agit d'un trouble psychiatrique. Les médecins cherchent à vous en soulager. Mais les TOCS sont en fait beaucoup plus répandus qu'on ne le pense.

Les TOCS épousant la terreur intérieure sont la forme-même de pensées d'innombrables gens, et causent des dégâts extraordinaires. La base-même de quantité de décisions dévastatrices en économie et en politique sont des TOCS partagés. Ainsi, il en est aujourd'hui de « la dette » et « l'austérité ».

On a vu cette année comment s'est organisée la suite du martyre de la plus grande partie du peuple grec. Elle est poussée dans une dramatique misère par la volonté forcenée de dirigeants financiers et politiques grecs ou « européens » et autres de faire à tout prix payer une absurde et odieuse dette. Pour ramasser des milliards d'euros qui ne serviront à rien, on va, par exemple, affamer les retraités grecs, faire croître toujours plus le taux de la mortalité infantile en Grèce, pousser au suicide un tas de malheureux Grecs... Mais, pourquoi un tel acharnement sadique ? À cause de TOCS.

Payer « la dette » est-ce si vital que ça ? Regardons ce qui s'est passé avec la dette de deux pays : l'Islande et l'Équateur. En Islande, petit pays de 323 002 habitants, ils ont refusé de payer une dette absurde et colossale. Ils ont chassé leurs gouvernants et même mis des banquiers en prison. Résultat : aujourd'hui il n'y a plus de dette, le pays va bien et l'Islande n'est pas pour autant mis au ban des Nations. Avec l'Équateur, la sortie de la dette est passée par des élections. Le nouveau président, Rafael Correa, a dit aux créanciers : « je ne paie rien comme prévu. Vos titres de dette dans ces conditions ne valent rien. Je vous les rachète à 30 % de la valeur qu'ils avaient officiellement. » Et les créanciers pingres, plutôt que conserver des titres qui ne valent plus rien ont accepté. L'Équateur a racheté tous les titres de sa dette. Il n'y a plus de dette. Tout va bien. Sauf, sans doute, pour les sanguinaires créanciers qui ont « perdu » 70 % de ce qu'ils croyaient posséder.

Rafael Correa, qui est économiste, a donné le 6 novembre 2013 une conférence-débat à la Sorbonne à Paris. A la question de ce qu'il faut faire avec la dette, il a répondu en souriant : « d'abord, il ne faut pas suivre les conseils du Fond Monétaire International. »
 
Qu'ont fait les dirigeants grecs qui ont été élus le 25 janvier 2015 pour en finir avec l'austérité ? Exactement le contraire, et comment ça s'est passé ? La politique ici montre son visage, qui relève souvent de la psychiatrie. Car, cette austérité sans issue ne sert à rien. Si ce n'est à satisfaire les TOCS partagés entre un certain nombre de personnes : dirigeants et peuples.

Les dirigeants financiers et politiques favorables et inconditionnels de la dette, et de l'austérité qui lui est liée, sont ici attachés par leurs TOCS à une doctrine : l'ultra-libéralisme, la concurrence libre et non faussée, l'accumulation absurde et infinie de milliards d'euros qui ne serviront à rien. Cependant que des peuples entiers sombrent dans une misère artificiellement provoquée. Et qu'en est-il ici des dirigeants grecs ? Ils sont, hélas pour le peuple grec, attachés par leurs TOCS au fonctionnement des institutions européennes et à l'euro, qui n'est qu'une monnaie. C'est-à-dire juste un outil plus ou moins bon et rien de précieux ou irremplaçable.

Après que le 27 juin 2015, le ministre des finances grec Yanis Varoufakis se voit foutre à la porte de l'Eurogroupe qui va se réunir sans lui, que dit-il ? Que fait-il ? On lui a mis le pied au cul, pour lui signifier que les règles on s'en fout, l'essentiel est de vous écraser. Yanis, congédié comme un pas grand chose geint alors faiblement : « on va voir si c'est légal ». Alors qu'il faudrait répondre aux fouteurs de pied au cul : « vous vous en foutez des règles ? Alors, nous aussi, on nationalise nos banques et on cesse de vous obéir ! »

Puis, la nuit du 12 au 13 juillet 2015, se déroule ce qu'on a appelé « la négociation » entre le chef du gouvernement grec et les 18 autres chefs d'états « européens ». Cette séquence met en scène 18 personnes atteintes d'un TOC : l'attachement absurde à l'austérité, la dette, l'ultra-libéralisme. Et un dirigeant grec atteint d'un TOC différent : l'attachement passionnel au fonctionnement des institutions européennes et à l'euro. Le résultat est connu : au bout de 17 heures il finit par capituler.

Et le peuple grec dans tout ça ? Une proportion importante de celui-ci souffre également d'un TOC partagé avec ses dirigeants : l'attachement à l'euro.

Aujourd'hui, parmi les tenants les plus passionnés de l'austérité on trouve un homme d'état. Avec lui, inutile de chercher sa motivation principale dans la vie. Jeune, beau, riche et sportif, il a réalisé quand il était lycéen le fantasme d'une multitude de ses camarades : il a dragué sa prof. Mieux, il l'a même par la suite épousé. C'est son droit. Ça exprime aussi ici le fait qu'il a traduit sa terreur de sortie de l'enfance prolongée en y restant, d'une certaine façon.

On a très longtemps cherché quelle était la base de la politique et de l'économie. Par exemple existait au seizième siècle en Angleterre une théorie qui expliquait l'Histoire par les rois et leur succession. Marx a parlé de « la lutte des classes », etc. Mais, à la base de l'Histoire on a en fait le processus suivant :

Au départ, comme toutes les autres espèces animales, l'homme dispose pour se mouvoir dans la vie de son instinct. Vue la catégorie d'animaux à laquelle il appartient, les grands singes solidaires allant en groupe et capable de mordre, il n'a pas de prédateurs. Seuls les petits humains pourraient servir de proies aux fauves. Mais les petits humains sont justement dotés de la capacité de courir très vite pour, en cas de dangers, rejoindre le groupe et se placer sous sa protection. Les petits humains qui, dès l'âge de quatre ans environ, sont autonomes au sein du groupe, car capable de se nourrir seul.

Le « progrès », l'industrie humaine naîtra comme le produit du jeu. La naissance de l'industrie fera apparaître trois choses : le savoir, le savoir erroné ou erreur, et l'absence de savoir, l'ignorance. La transmission du savoir suscitera un trouble majeur chez les humains : l'enfance prolongée. Il faut du temps pour assimiler le savoir acquis par les humains. La sortie de l'enfance prolongée, comme l'entrée dans celle-ci, sera l'origine de la terreur intérieure. Les humains seront incapacités par elle. Cette terreur intérieure se traduira par des TOCS, dont beaucoup prendront un caractère collectif et dévastateur. Il en est ainsi, par exemple, aujourd'hui de l'attachement de millions de gens au système austéritaire ultra-libéral et à l'argent. Un attachement totalement irrationnel, dont les conséquences vont en s'aggravant. Il y a de plus en plus de pauvres de par le monde, alors que le monde n'a jamais été aussi riche. Les différents penseurs politiques et économiques, les acteurs politiques et économiques, sont limités par leurs TOCS pour percevoir la réalité. Ainsi, en 1872, Karl Marx a vu l'Association internationale des travailleurs à laquelle il contribuait, lui échapper. Avec d'autres, il l'avait créée pour parvenir à une société émancipée de tous les pouvoirs. Mais, souffrant du TOC du pouvoir, Marx avec ses amis ont alors intrigué pour créer une nouvelle association internationale dont ils resteraient les chefs et leaders. Plus tard, en 1914, la quasi-totalité des différentes sections de cette nouvelle association ont abandonné le combat émancipateur pour lui préférer la guerre. Et ainsi de suite, quand on veut améliorer le monde, les TOCS vous rattrapent à chaque fois. Si on veut vraiment faire avancer le monde, il faut commencer par prendre conscience des TOCS. Et s'en débarrasser au profit de l'amour du genre humain. En politique, quoi de neuf ? Jésus !!

Basile, philosophe naïf, Paris le 25 octobre 2015

vendredi 23 octobre 2015

436 Pourquoi les humains sont-ils si malheureux ?

Pourquoi, en dépit de leurs progrès techniques et scientifiques extraordinaires, leurs capacités de production largement suffisantes pour assurer de bonnes conditions de vie à tous, les humains sont-ils si malheureux ? Ou bien ils le sont matériellement et nombreux dans les pays riches ou pauvres, ou bien ils le sont moralement dans les deux. Innombrables sont en France les personnes y compris jeunes, aisées, en bonne santé, cultivées, qui déclarent souffrir de « la solitude », par exemple. Qu'est-ce à dire ? Et la première cause de mortalité dans la jeunesse en France est le suicide, bien souvent pour cause de « chagrin d'amour ».

Quand on observe la souffrance sociale, elle paraît mise en place par des humains contre d'autres humains. Exemple récent et frappant : au nom de la soi-disant nécessité de rembourser une dette illégitime, illégale, odieuse, insupportable et colossale, on a condamné la majeure partie du peuple grec à la misère. La mortalité infantile en cinq ans de plans de soi-disant « aide » a grimpé de 43 %. Les Grecs se sont faits largement insulter dans la presse mondiale, traiter de feignants, fraudeurs, vivants au dessus de leurs moyens et devant à présent rembourser, etc. Est-ce le cas de nouveaux-nés qui meurent à présent victimes du pillage rebaptisé « austérité » ? Et ici, les responsables de cette catastrophe sont connus. Ce sont des chefs d'états ou des hauts fonctionnaires financiers ou « européens ». Si on les observe bien, quels sont leurs motifs pour agir ainsi ? La ruine d'un peuple, sa souffrance, leur apportent-ils quelque chose ? Sûrement pas ou guère. Sont-ils alors « méchants » ? Non, l'explication est ailleurs, c'est la peur.

Car, à les observer avec attention, les responsables de ce désastre brillent par leur banalité. Ils n'ont pas de tares particulières. Ils enfilent des chiffres, des statistiques. Et en tirent des conclusions pratiques sans tenir compte des conséquences dramatiques de leurs actes sur des humains. Ils gèrent des budgets, des bilans, des choses abstraites, des courbes sur des graphiques, des rapports qu'ils n'ont pas lu mais approuvés. Qu'est-ce qui peut animer leur mode d'agir ainsi ?

Les mêmes raisons qui expliquent à petite ou très petite échelle des comportements aussi absurdes et dévastateurs. En voici un : j'aménage un logement pour moi. Quand j'ai fini de l'aménager, un logement à peine plus cher se libère sur le palier. À la différence du mien il est plus grand, dispose des toilettes et d'une douche. Pour y emménager, il me suffit de le décider. Déplacer mes affaires de quelques mètres. Mais, ce faisant, bien sûr, renoncer aux aménagements que je viens de terminer. Comment ça ? Tant d'efforts pour rien, alors ! Je décide sans aucune hésitation de rester dans le logement plus petit et sans confort par attachement à mon travail effectué. Décision de la plus parfaite crétinerie et totalement contraire à mes intérêts. Et pourquoi une telle imbécillité ? Parce que le logement que j'ai aménagé c'est chez moi. Et, je l'ai analysé beaucoup plus tard, j'ai peur d'en changer. Ma peur absurde ayant recouvert et habillé une panique bien plus violente et ancienne : celle suscitée par la sortie de mon enfance prolongée. Pour tout le monde ou presque c'est pareil. La terreur suscitée par la sortie de l'enfance prolongée dicte des comportements irrationnels.

Les chefs d'états et les hauts fonctionnaires sont des humains comme les autres et connaissent la même peur. Mais, bien sûr, leurs actes ont une portée plus grande. Croyez-vous que la hausse de la mortalité infantile en Grèce apporte quelque chose à ceux qui l'organisent ? Qu'ils haïssent les bébés grecs ? Pas du tout, ils ont simplement peur. Et à un moment-donné leur peur épouse des décisions qu'ils prennent parce qu'ils sont effrayés. Ils n'ont pas conscience de leur fonctionnement, mais c'est comme ça que ça se passe. Et ça dure depuis très longtemps. Depuis que le savoir est né et que sa transmission a créé un traumatisme majeur dans la vie de tous les humains, via l'enfance prolongée et la peine pour en sortir. On s'attache à des choses en dépit du bon sens : logement rénové contre logement plus grand, ou remboursement de la « dette grecque ». Et on nuit à soi et aux autres.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 octobre 2015

jeudi 22 octobre 2015

435 Faire partie du troupeau

Jusque dans les années 1970 il se disait à Paris que la chose suivante était courante : si un employé de bureau marié ou une employée de bureau mariée était visiblement infidèle, il se trouvait toujours parmi ses collègues de travail une personne pas du tout concernée pour prévenir la femme ou l'homme ainsi trompé. Au tout début des années 1980, je participais à un groupe de gymnastique en plein air. On y trouvait notamment un très haut fonctionnaire français. Ça se passait à l'heure du déjeuner et il y participait en survêtement de sport. Je lui demandais un jour, car il se changeait en arrivant, s'il ne pourrait pas, vue sa situation, venir au travail en survêtement de sport. « Oui, me répondit-il, mais on me prendrait pour un fou ». En 1996 ou 1997, ça faisait déjà plusieurs années que je me donnais à fond pour parvenir à faire renaître la grande fête alors complètement oubliée du Carnaval de Paris. Commentant mes efforts, un ami facteur de mon quartier me dit un jour : « tu auras l'air bête si tu n'y arrives pas ».

Il y a peu de décennies aucun adulte n'osait se montrer en short à Paris par temps de canicule. Je me souviens très bien enfant avoir vécu comme une brimade l'année où ma mère m'expliqua que dorénavant il ne serait plus question que je porte « une culotte courte » car j'étais devenu « grand ». À l'époque « être en culottes courtes » signifiait « être un enfant ». Et puis les touristes adultes allemands et scandinaves jeunes ont commencé à abonder à Paris durant l'été et en short ! Et alors le regard a changé. Je me souviens que les shorts devinrent admis d'abord dans les zones parisiennes très touristiques, par exemple vers le musée du Louvre. Si un homme mettait un short en dehors de ces zones, j'en ai fait l'expérience place Denfert-Rochereau, dans le XIVème arrondissement, on le regardait comme quelqu'un de bizarre. Puis les shorts ont envahi tout Paris. Et à présent, l'été, on en voit partout. On peut remercier les touristes scandinaves et allemands pour ce changement ! La mode est une chose étrange. Chaque année quantité de gens dépensent plein d'argent pour s'y conformer. Et cesse de porter des vêtements encore utilisables mais « passés de mode ».

Tous ces comportements relèvent du conformisme. Il faut tâcher de faire partie du troupeau. Mais quel intérêt y a-t-il à ça ? Pour le légitimer et ainsi se rassurer. On n'est pas seul. On est avec les autres membres du troupeau. Quitte à renoncer à des choses agréables et inoffensives. À s'énerver face à des comportements anodins. Et pourquoi donc ? Parce qu'on a peur.

Sorti de l'enfance prolongée on se sent seul, nu, sans protection. Alors, on s'imaginera en sécurité parce que, par exemple, on porte des cheveux coupés chez le coiffeur comme d'innombrables hommes, y compris inconnus, qu'on croise tous les jours. On travaille « comme tout le monde ». On va en vacances « comme tout le monde ». On regarde la télévision « comme tout le monde ». On s'achète le dernier modèle de téléphone portable « comme tout le monde ». Peu importe ce qu'on fait, pourvu que ce soit « comme tout le monde ». Même si c'est une chose parfaitement stupide comme de s'acheter un nouveau téléphone multi-fonctions dont un grand nombre ne vous seront d'aucune utilité. Le conformisme est une forme de violence sociale. Elle fait qu'on porte des ceintures à nos pantalons alors qu'une ficelle suffirait. Qu'on regarde un programme télé qu'on n'aime pas parce que ce programme tout le monde en parle. Dû moins, c'est ce que la publicité vous fait croire. Il n'est pas jusqu'à des choix politiques électoraux qui relèvent chez certains de la mode.

Avoir le courage de refuser les conformismes, c'est tenter d'être soi-même. C'est également faire preuve de courage. Combien d'actes et de choix qu'on se croit imposés ne le sont pas en fait ? Je me souviens avoir entendu en 1978 un dragueur parler avec un de ses amis. L'ami lui demandait : « alors, tu t'es marié ? » Et le dragueur répondait, avec tristesse et résignation : « faut bien se marier ! ». Encore le conformisme et la peur de ne pas s'y conformer ! Il faut savoir rester soi-même et résister à la tentation de vouloir absolument à tous prix ressembler aux autres.

Basile, philosophe naïf, Paris le 22 octobre 2015

434 Comment devient-on voleur, violeur, suicidaire ?

« Si tu ne veux pas te brouiller avec tes amis, ne leur prête jamais d'argent », disait à sa fille le père d'une amie. Et, effectivement, que de brouilles causées par des prêts d'argent non rendus ? Quand on observe bien des gens, dès qu'on aborde avec eux un sujet : l'argent, ou un autre : « le sexe », on a souvent l'impression qu'on n'a plus affaire aux mêmes personnes.

Ainsi, par exemple, voilà qu'on a en face de soi quelqu'un de doux, gentil, généreux. Dès qu'on entre dans un de ces deux domaines, l'argent ou « le sexe », on a subitement face à soi une brute obtuse. Comment expliquer ce phénomène désagréable et surprenant ?

En Angleterre on prétend prévenir les viols par des stages sur « le consentement ». Comme si les agressions sexuelles relèveraient simplement d'un manque de perception de l'inexistence du désir chez sa victime. Mais, la cause des agressions est toute autre. Elle se trouve dans la terreur intérieure fruit de la sortie de l'enfance prolongée. Pour fuir cette terreur on cherchera désespérément un refuge. Ici dans la sexualité. Ailleurs dans la possession d'argent, l'essentiel restant la possession destinée à vous rassurer. Soit celle d'une femme, ou d'un homme, soit celle d'un tas d'or. La peur sera le stimulant qui poussera vers la violence. Qu'elle soit celle de l'agresseur sexuel ou de l'agresseur social, financier. On sera prêt à tout pour chercher à se rassurer. Y compris en adoptant un comportement violent et odieux.

Il n'est pas étonnant dans ce cas que les agresseurs voient souvent leurs voisins en tracer un portrait doux et pacifique. C'est quand la terreur surgit au bout du chemin que l'être doux et pacifique se transforme en bête féroce. Sa férocité est le reflet de sa terreur intérieure qui l'affole et le rend fou d'agressivité. Il est comme une bête traquée par un chasseur intérieur. Il cherche une issue qui n'existe pas, pour se sauver d'un péril imaginaire. Une des fuites les plus irrationnelles qui soit consiste à se créer, s'imaginer une identité, une famille. Soit on y appartient et elle vous rassure. Soit ce qui vous rassure c'est de ne pas appartenir à ladite identité qui est « maudite ». Soit sa motivation est justement de la combattre, la pourchasser. L'absurdité de ce remède imaginaire fera qu'on pourra préférer mourir que mettre en doute cette appartenance. On parlera alors de « fanatisme » ou de « fidélité à un idéal », selon qu'on est hostile ou sympathise avec les tenants de cette identité.

Quand j'étais petit, je me rassurais en me disant appartenir à une famille originale d'artistes et donc forcément merveilleuse. Bien plus tard, j'entrais à l'école des Beaux-Arts. Et alors, comme ça me rassurait de répondre à ceux qui me questionnaient : « je suis étudiant des Beaux-Arts ». C'était là mon identité. Vers la trentaine j'écrivais des poèmes, les photocopiais et faisais lire autour de moi. Alors, je me rassurais intérieurement en me disant : « je suis poète ». Pitoyables consolations destinées à chaque fois à se trouver une « famille » pour échapper à la panique devant la terreur intérieure ! Plus dangereux : je me fabriquais l'identité du « chercheur d'amour ». Ma motivation de vie devenait la recherche de ma « moitié d'orange ». C'est ainsi qu'on passe le temps dans la quête d'une personne qui n'existe pas. Quête qui vous empêche d'apprécier la vie. Et quand on croit trouver « l'autre », on veut tellement y croire qu'on se refuse à considérer la réalité. Enfin, on se retrouve manipulé et roulé par « l'autre » qui en profite. Cette dernière fini par vous jeter quand vous ne l'amusez plus. Et alors, jouet cassé, la tentation du suicide paraît la solution réparatrice. La terreur intérieure est vraiment une cause de désordres interminables et souffrances infinies. Mais comment parvenir à échapper à une peur partagée aussi par votre entourage ? A présent que j'en suis largement sorti, je vois d'autres qui s'agitent, se ruinant le moral à courir derrière des identités fausses et des moitiés d'orange imaginaires. Et la conscience claire au milieu des égarés n'est pas toujours facile à assumer, car elle tend aussi à vous isoler. Mais quel confort que de cesser de courir après des chimères et des costumes fabuleux et imaginaires, des identités de pacotilles !

Basile, philosophe naïf, Paris le 22 octobre 2015

mercredi 21 octobre 2015

433 Les jeunes, les femmes et les artistes et poètes

Les jeunes, les femmes et les artistes et poètes forment trois catégories de personnes qui ont en commun de voir nier leur activité.

Voyez un jeune élève à l'école, au collège, au lycée, à l'université, qui travaille. Lit, étudie, prépare et passe des examens... A-t-il une activité ? Pas du tout ! C'est quand il va aller au chagrin gagner trois francs six sous qu'on déclarera alors, et alors seulement, qu'il est enfin « entré dans la vie active » ! Et avant ? Il ne faisait rien, sans doute ? Une amie, mère de famille, élève trois grands enfants. Du matin au soir elle n'arrête pas de bosser à la maison. Son mari, qui travaille à l'extérieur lui sort tranquillement : « toi tu ne fais rien, moi je travaille ». Et les artistes et poètes ? Ils partagent avec les jeunes et les femmes cette négation de leur activité. À l'artiste, on dit, c'est classique : « toi, tu ne fous rien ». Parce qu'écrire, peindre, réfléchir, rêver, rire, préparer et organiser des fêtes, ce n'est rien, sans doute ? Et pourquoi donc ? Parce que soi-disant une activité n'existe que quand elle s'effectue en échange d'argent. Le travail n'est un travail qu'à condition de s'échanger contre la substance magique financière. Et le plomb de la prétendue inactivité se métamorphose subitement en or. Ce n'est plus l'inactivité vicieuse et honteuse mais le valeureux et splendide travail !

Si étudier, élever des enfants, écrire, peindre, c'est soi-disant ne rien faire, c'est parce que ce n'est pas payé. Une mère élève ses enfants, ce n'est rien. Une nourrice élève les enfants des autres contre de l'argent, elle a une « activité professionnelle » ! Pourtant, elle fait exactement comme la mère, mais contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Comment dresse-t-on les animaux de cirque ? Le plus souvent en les récompensant pour leurs numéros, ou en les brutalisant. Bien rares sont les animaux de cirque qui n'obéissent pas à une de ces raisons. Peut-être que les otaries jouent au ballon pour le plaisir ? Mais tous les autres animaux de cirque font leurs numéros en échange de caresses ou friandises ou par peur des coups. Ou pour éviter des privations de nourriture. Jusqu'à ce que l'habitude, le conditionnement aidant, elles fassent ce qu'on attend d'elles, y compris sans récompenses ou punitions.

Les humains sont strictement pareils, mis à part que leurs dresseurs sont de la même espèce qu'eux. Qu'est-ce qui fait accepter un boulot de merde ? La paye à la fin du mois ou la peur de la misère ou les deux.

Parfois, certains passent à travers les mailles du filet. Ils sont riches, se débrouillent, sont des artistes. Ils s'attireront souvent jalousies ou mépris.

Il est infiniment plus honorable aujourd'hui dans notre société de fabriquer et vendre des canons, et payer des impôts sur les bénéfices ainsi obtenus, que vivre de peu. Être exempté d'impôts pour cause de modestie de revenus. Et peindre des tableaux ou écrire des poèmes.

C'est ça, la « Civilisation ». Avec de telles valeurs dominantes, on comprend que les humains ne paraissent pas avoir dépassé le stade des croc-magnons... Mais le futur est beau. Il est louable et autorisé d'admirer les poètes, une fois qu'ils sont morts. Avec les artistes-peintres et les artistes en général c'est pareil. Vous êtes un feignant de votre vivant. Après votre mort, si tout va bien, on spéculera sur vos tableaux. Et puis aussi, on rédigera de magnifiques biographies qui se vendront très bien où on expliquera comment votre vie était dure et s'est achevée dans la misère. De toutes façons, cette misère vous l'avez bien choisi. Vous n'aviez qu'à fabriquer et vendre des canons plutôt que fabriquer des peintures ou des recueils de poésies. Ceux qui ont choisi de faire et vendre des canons s'offriront plus tard vos recueils et vos toiles pour agrémenter leurs grandes villas!

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 octobre 2015

432 À propos de la conservation d'un article sur la fête dans Wikipédia

Une tendance générale très répandue, en tous cas en France, est de considérer la fête, l'amusement, la distraction comme un sujet frivole, peu sérieux, pas important. Et qui n'a pas d'histoire. Ou bien si cette histoire existe, elle est traitée comme d'importance superficielle. Combien de livres et articles existent sur des sujets « sérieux » ou tout au moins réputés tels ? Ils permettront, par exemple, de suivre heure par heure une célèbre bataille vieille de deux siècles : Waterloo. Ou de connaître, minute par minute, une célèbre naufrage vieux de cent-trois ans : le Titanic. Par contre, combien de livres ou articles de références pour indiquer que le confetti, inventé ailleurs qu'à Paris, fut lancé mondialement au Carnaval de Paris ? Un seul livre scientifique : le Manuel du folklore français contemporain, édité en 1947, réédité en 1999, rédigé par Arnold Van Gennep. Cependant que l'ignorance que le confetti a été lancé mondialement à Paris est le fait de nombre d'articles.

Reflet de cette ignorance générale, le nombre de spécialistes étudiant la fête est très réduit. Arnold Van Gennep en était un. De nos jours, le Brésilien Felipe Ferreira, professeur à l'université de Rio de Janeiro en est un. Il a notamment écrit un livre : « L'invention du carnaval au XIXe siècle, Paris, Nice, Rio de Janeiro ». Il a été traduit du portugais en français et édité chez « L'Harmattan » en 2014. Dans ce livre, il explique notamment comment le Carnaval de Paris a influencé le Carnaval de Rio. Combien de Français ont lu ce livre ? Combien se doutent de cette influence ? Je me souviens que l'ayant évoqué un jour, je me suis fait insulter par une personne qui refusait d'y croire. Et me prenait donc pour un menteur voulant ainsi valoriser le Carnaval de Paris, dont je suis l'organisateur et l'initiateur de la renaissance depuis 1993.

Un autre spécialiste actuel du Carnaval est l'Américain Samuel Kinser, Distinguished Research Professor Emeritus à la Northern Illinois University. Il m'a dit que l'étude de la fête était très difficile, car il n'en reste après coup que 5 % de traces notamment écrites. Michel Vallée, lui, est Québécois. Il approche la fête de manière pratique, comme facteur d'intégration sociale. En qualité de directeur du Service des arts et de la culture de la mairie de Vaudreuil-Dorion, ville située près de Montréal, il développe avec succès un programme qu'il a intitulé « Je suis ».

Arnold Van Gennep n'est plus de ce monde. Tous les autres spécialistes cités ici m'ont fait l'honneur de me contacter afin de me rencontrer lors de leur passage en France. Je fais depuis vingt-deux ans des recherches sur la fête et le Carnaval, ai notamment écrit des brochures, tracts, contributions dans Wikipédia pour faire mieux connaître le sujet au plus large public possible.

Ce qui handicape d'autant plus la recherche et la connaissance de la fête est un phénomène particulier propre aux festifs. Écrivez sur un sujet pointu quelconque. Par exemple : les éoliennes Bollée ou la danse de cour au XVIIème siècle à Versailles. Vous aurez un milieu de gens, même réduit, passionnés par le sujet, qui s'empressera d'enrichir vos contributions et les apprécier. S'agissant des festifs c'est bien différent. Ceux qui font la fête n'écrivent pas et ne lisent pas beaucoup non plus sur le sujet. Par exemple : le confetti en papier, inventé ailleurs qu'à Paris, fut lancé mondialement à Paris en 1891 et arriva vers 1892 à Nice sous le nom de : « confetti parisien » (Nouveau Dictionnaire Étymologique Larousse 1964, p. 188). Combien de personnes qui participent au Carnaval de Nice le savent ? Quand on fait la fête on ne fait pas des recherches sur elle. Et ceux qui écrivent sur la fête disent le plus souvent des banalités, voire avancent des idées réductrices. Du genre résumer en tout et pour tout le Carnaval à « une inversion des valeurs », « la fête à l'envers », et ignorer complètement la dimension festive, fraternelle et créative de l'événement.

Je me suis vu reprocher de ne pas être quelqu'un de connu. « Mais qui est ce Basile dont on nous parle tant à propos du Carnaval de Paris ? » Tel était le reproche étrange que j'ai rencontré. Soit j'étais un inconnu cherchant à me valoriser en associant mon nom à une fête importante. Soit il était évident que si mon nom inconnu était associé à cette fête elle ne pouvait pas être importante.

S'agissant de l'importance du Carnaval de Paris au cours des siècles, il existe quantité d'écrits et articles pour l'attester. Comme ce propos de Gustave Flaubert au sujet du cortège du Bœuf Gras en 1853 dans une lettre à Louise Colet (Correspondance, Bibliothèque de la Pléiade, t. 2, page 335) :

« Si l'on veut prendre la mesure de ce que vaut l'estime publique, et quelle belle chose c'est que “d'être montré au doigt”, comme dit le poète latin, il faut sortir à Paris dans les rues le jour du Mardi Gras, Shakespeare, Gœthe, Michel-Ange n'ont jamais eu 400 mille spectateurs à la fois, comme ce bœuf ! Ce qui le rapproche, du reste, du génie, c'est qu'on le met ensuite en morceaux. »

Mon absence de notoriété personnelle est facile à expliquer ici. Excepté le cortège du Bœuf Gras de 1805, tous les moments forts du Carnaval de Paris, comme les cortèges, ont été organisés par des initiatives privées. C'est toujours le cas aujourd'hui. Et aucun des organisateurs, moi y compris, n'y a trouvé quelque célébrité que ce soit. Qui connaît dans le grand public les noms de : De Piis, Morel, Sémichon, Brézillon, Zidler, Riou ? Ils ont joué pourtant un grand rôle organisateur dans le Carnaval de Paris. Il faut dire que l'organisation du Carnaval n'intéresse généralement pas le grand public. On s'amuse dans le Carnaval, on parle du Carnaval, pas des sociétés ou individus qui assurent son déroulement. Inutile d'ajouter que, pas plus que la célébrité, la richesse ne guette l'organisateur du Carnaval de Paris. Je la risque d'autant moins que je ne reçois pas de subventions et en refuse l'éventualité. Ainsi j'assure l'indépendance, l'authenticité et la pérennité de la fête.

Donc, je reste un inconnu qui parle d'une fête dont l'importante histoire n'intéresse guère de monde. Car ceux qu'elle devrait intéresser ne s'y intéressent pas. Ce qui va rendre ardue la défense d'un article historique que j'ai écrit il y a cinq ans sur la fête. Et qu'on a proposé de supprimer dans Wikipédia, car l'événement dont il traite serait sans importance. De quoi s'agit-il ? D'une rencontre au Carnaval de Paris en 2005 attestée par un traité signé par plusieurs organisations participantes. Quelles sont ces organisations ? Elles sont parisiennes, normande et étrangères.

Côté parisien, les Fumantes de Pantruche ont joué un rôle marquant dans la renaissance du Carnaval de Paris. Il faut souligner ici la présence de la Grande Masse des Beaux-Arts, une des deux plus anciennes et importantes associations festives d'étudiants français avec la Faluche. Elle est surtout célèbre pour ses très fameuses fanfares des Beaux-Arts, au nombre de plusieurs dizaines dans toute la France. Elle organise tous les quatre ans le Concours National des Fanfares des Beaux-Arts.

La province française est représentée par le dynamique Carnaval de Cherbourg-Octeville, qui était alors soutenu par la mairie de la ville. Cette fête a connu des moments prospères, d'autres difficiles. Notamment à présent du fait des réductions des crédits culturels, qui à Cherbourg-Octeville, comme ailleurs, affectent quantité de fêtes et festivals.

La Goliardia est la très ancienne société festive traditionnelle des étudiants italiens. Célèbre dans le milieu étudiant italien, moins connue à l'extérieur des écoles, elle est dépositaire des vénérables traditions festives étudiantes italiennes.

Les associations d'étudiants des Beaux-Arts d'Italie représentent une communauté étudiante très importante et qui plus est, liée aux arts, dont la place est immense dans ce pays.

Cette rencontre au Carnaval de Paris de toutes ces associations peut paraître d'importance négligeable pour celui qui ne considère pas la fête comme quelque chose d'essentiel dans la vie. Pour autant, est-ce que cette position doit être celle de l'encyclopédie Wikipédia ? Je ne le pense pas. C'est pourquoi je souhaite que cet article soit conservé.

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 octobre 2015

samedi 17 octobre 2015

431 Étrangetés de certaines réactions mentales face à l'adversité (suite)

En fait, il y a une logique dans mes réactions. J'ai nié le chagrin, le choc, pour ne pas l'affronter. Mon amie très chère me rejette ? Sa famille ne veut plus me voir ? Je ne la verrais plus ? Voilà qui est tant mieux ! Cette relation ne valait rien ! Il s'agit d'une clarification !

Le refus d'affronter la douleur excessive de la rupture se traduit au niveau dit « physique ». Qui montre bien ici qu'il n'est pas simplement « physique » mais apparaît complètement lié au mental. La faim impossible à rassasier, la grande fatigue inexplicable. Et les pensées négatives, mais sur autre chose afin d'éviter de penser au vrai motif de l'adversité. Alors, ici, c'est « l'amour » et ce sont « les femmes » en général. Ça aurait put être autre chose, d'autres personnes.

Et avec ça, les ennuis matériels graves et possibles, la presque frayeur existentielle... toutes ces réactions en quelque sorte « habillent » et soustraient à une vision claire la vraie raison effective de mon chagrin. Qui est la rupture apparente des relations amicales annoncée sans explications par mon amie. Mais, je ne dois pas être le seul à connaître de tels types de réactions. Combien de personnes se désolent pour, croient-elles, une chose, alors que la véritable raison est ailleurs ?

J'ai connu deux hommes qui paraissaient malheureux. Ils exprimaient tous les deux une haine obsessionnelle envers un groupe ethnique précis. Pourtant, c'était deux hommes apparemment raisonnables et très sensibles, artistes. Je vais trouver une explication que je n'ai jamais eu les concernant. Ces deux hommes sont ou était - l'un des deux est sans doute mort aujourd'hui, - très malheureux. Et, très sensibles, étaient tout à fait incapables d'affronter les vraies raisons de leur malheur. Alors, ils les remplaçaient par des vitupérations contre un groupe ethnique qui ne leur avait en fait rien fait. Ils le faisaient au point que c'en était tout à fait caricatural.

Un autre exemple est celui d'une amie qui se complaît bizarrement dans le récit d'événements horribles. Un ami quant à lui, né après la Seconde guerre mondiale, en a fait une sorte d'obsession. Il relie un tas de faits toujours à cette période. Rencontre-t-il quelqu'un pour la première fois ? Moins de vingt minutes après on l'entend parler de ce conflit déjà bien ancien.

Et tout ceci pourquoi ? Parce que ces amis ont troqué la confrontation frontale avec ce qui leur fait mal, contre une source recouvrante des causes de leur souffrance. Ainsi, leur problème n'est pas affectif, croient-ils, c'est telles ou telles histoire des autres qui serait leur problème.

Ce trucage inconscient est d'origine sentimental. Si vous voyez de telles réactions absurdes, vous pourrez toujours chercher à raisonner ceux qui en témoignent. Vous n'y pourrez rien. Ils sont attachés à ces absurdités qui leur cachent ce qu'ils ne sont pas en état de voir, supporter.

Raisonnez-les. Ils s'énerveront. Ne vous écouteront pas. Ne changeront pas d'avis. Gardez votre calme. N'espérez pas les changer. Ou alors très peu, lentement, partiellement. Vous êtes dans la situation où vous voyez des gens valides qui s'obstinent à avancer en utilisant des béquilles. Vous cherchez à les leur arracher, à les forcer à marcher sans. Et eux, ils hurlent que vous ôtez le moyen d'avancer à de pauvres infirmes.

Combien de disputes ne sont pas basées sur une vraie divergence d'opinion, mais sur de fausses opinions dissimulant de vraies peurs ?

Et quand la peur est là, elle est liée à la terreur originelle. Celle issue de la sortie de l'enfance prolongée dont j'ai déjà parlé par ailleurs.

Basile, philosophe naïf, Paris le 17 octobre 2015

430 Étrangetés de certaines réactions mentales face à l'adversité

Une amie très chère m'avait invité à venir en vacances quelques jours dans sa famille, sans préciser encore la date. Je l'appelle et au téléphone évoque son invitation. Il serait bien de connaître le moment choisi afin que je puisse réserver d'avance les billets de train les moins chers possible. Ce qui ne peut s'effectuer que bien des semaines d'avance, ces places étant en nombre limité.

Chose inattendue, je comprends à la réponse que me fait mon amie que, d'une part, visiblement ma visite est complètement exclue. Et, d'autre part, que mon amie ne me dit pas tout, me cache le motif de mon rejet.

Je raccroche à la fin de la conversation. Et la pensée me vient que notre relation paraît terminée. Pourquoi ? Je me perds en conjectures. Ai-je fait quelque chose de mal la dernière fois qu'on s'est vu ? Je ne trouve rien qui pourrait expliquer ce changement d'attitude. Alors, ai-je été calomnié ? Rien ne paraît justifié dans cette manière sournoise de m'éliminer. Par ailleurs, je prends la nouvelle paradoxalement avec bonne humeur : « tant mieux si cette relation est terminée, elle était fausse ! »

Dans les jours qui suivent, je cherche encore des explications. Tout en connaissant un certain nombre de phénomènes curieux.

J'ai faim, et n'arrive pas à être rassasié. Tout en connaissant des pensées déprimantes allant d'une certaine façon dans le même sens. Je me dis : « avec la misère, je risque de me retrouver affamé sans pouvoir y remédier. » Ma faim est tant non rassasiable qu'un jour-même, je dîne par deux fois et, il me semble m'en souvenir, ai encore faim après ! J'avais dîné et ensuite, avais été invité à dîner. J'ai mangé sans problèmes toute cette nourriture... Pourtant je ne suis pas un goinfre.

Autre chose : je me sens fatigué, vraiment fatigué. Et puis, des pensées déprimantes m'assaillent : « je n'ai jamais été heureux en amour ! » Puis, le lendemain : « si c'est arrivé, c'est que toutes les femmes sont infréquentables, ne valent rien, sont à éviter. En tous cas moi j'ai intérêt à le faire ! » Et le jour d'après : « non, finalement, les femmes sont très bien... mais, elles sont toutes incapables de rendre heureux en amour, en tous cas moi. » Et encore le jour d'après ? Je n'y ai même pas pensé.

D'autres pensées négatives me viennent : je me vois souffrant d'ennuis matériels graves et précis. Et, chose qui ne m'arrive jamais, je pense à ce qu'il ne me reste plus qu'une fraction de vie à vivre...

J'avais promis à l'amie qui m'avait rejeté de lui envoyer un courrier avec un texte philosophique. Je pense ne pas le faire. Puis le fais quand-même. Après, je me dis : « cette amie, sa famille, c'est terminé, nos relations ! Il faut à présent que je les oublie ! »

Trois jours plus tard mon amie perdue m'appelle pour me remercier pour mon courrier qu'elle a bien reçu et grandement apprécié. Puis, chose stupéfiante, elle me parle de l'invitation chez elle. Me demande quand je viens. Me dit que toute la famille m'attend ! Et éclaircit un mystère : si elle m'a paru ne pas du tout vouloir me recevoir et ne pas tout me dire, je ne m'étais pas trompé. Mais je n'étais pas la cause de ce rejet à présent passé. Mon amie avait été malade et n'avait pas voulu me le dire. Elle allait mieux et réitérait son invitation ! Tout était arrangé ! Mais comme furent étranges mes réactions : nier le chagrin en me disant que la fin de nos relations était une clarification, une bonne chose... Avoir faim, être fatigué, penser « aux femmes » en général comme une source de malheurs divers. A la venue d'ennuis matériels graves et même d'une certaine façon à la mort dont je n'ai pas considération comme un événement irrémédiable, étant croyant. Toutes ces réactions me paraissent à présent avoir illustré la complexité et l'irrationalité de notre être face à l'adversité.

Basile, philosophe naïf, Paris le 17 octobre 2015

mardi 13 octobre 2015

429 Quelques pensées dérangeantes

Qu'est-ce qu'un « exhibitionniste » ? C'est un malade qui veut à tous prix se montrer nu, montrer ses parties génitales... Un malade ? Bon, admettons cette évidence. Mais, celui qui veut à tous prix éviter d'être vu nu, qu'on voit son zizi, il est malade aussi, alors ? Ah non ! Il n'est pas malade. Il ne dérange pas l'ordre public. Ah bon ? Alors, il ne s'agit pas de maladie, de dérangement mental, mais de simple affaire de police ? Si je suis obsédé de montrer mon zizi je suis malade. Si je suis obsédé d'éviter qu'il soit vu, je ne suis pas malade. Tiens, tiens, comme c'est curieux !

Si je veux et cherche à baiser à tous prix « tout ce qui bouge » je suis un malade, un obsédé... Si je cherche à éviter à tous prix de baiser qui que ce soit, je suis normal, vertueux... Il en est même qui en font un principe moral, une base de vertu : le pape, le Dalaï Lama font profession d'abstinence sexuelle. Mais pourquoi chercher à baiser à tous prix et chercher à éviter à tous prix de baiser ne sont pas considérés à égalité ? Nous avons vu le sexe. Voyons à présent le vol et la propriété. Si je cherche à voler à tous prix et sans arrêts, je suis un malade, un kleptomane. Bon, d'accord. Et si je cherche à amasser et conserver à tous prix des choses, des valeurs, qui n'ont pas d'utilité pour moi, qui m'attirent même des ennuis, je suis aussi un malade ? Par exemple si j'accumule sur des comptes en banque des milliards d'euros qui ne me servent à rien, tout en ôtant cette richesse à d'autres et les plongeant dans la misère, je suis aussi un malade. Et un malade très nuisible à la société, me semble-t-il. Un ami à qui je faisais part de cette pensée, et qui n'est pas riche, m'a rétorqué tranquillement : « oui, mais l'argent que tu n'utilises pas, tu peux les transmettre à tes enfants. » Imparable : l'accumulation massive d'argent qui ne sert à rien a encore un bel avenir devant elle.

Chez les humains, le mort saisi le vif. Vous avez à un moment x fait une promesse, un serment, signé un document ou contrat quelconque, ratifié un traité, pris un engagement, contracté un mariage, élu par erreur ou étant trompé une crapule, un menteur ou un assassin à un poste de pouvoir... Dorénavant, ce n'est plus vous qui décidez au moment y ou z qui suit, mais : la promesse, le serment, le document ou contrat signé, le traité, l'engagement, le mariage ou l'élection passés. Vous n'êtes plus maître de vous-même. Vous n'êtes plus pleinement vivant. Un événement passé, du passé qui est mort, décide pour vous, à votre place. C'est ainsi que j'ai lu, écrit par des « têtes » politiques : « La France doit honorer sa signature ». Y compris quand des gouvernants français ont signé des âneries et des traités nuisibles. « Oui, mais, si on ne respecte pas les signatures, plus rien n'ira bien, » affirment certains. En effet, nous avons un exemple remarquable d'ensemble de traités respectés... en 1914,. Qui nous a conduit à l'horrible et désastreux conflit généralisé de 1914-1918. Et, au fait ? Combien de traités contractés entre la France et l'Empire Austro-Hongrois ou la Sublime Porte ou le Duché et Comté de Bourgogne ? Ils sont respectés, eux, au jour présent ?

Aaaaah !!! La Démocratie, quelle belle chose. Sûrement plus belle que la dictature, mais... Si 51 cons votent contre 49 intelligents, alors il faut suivre les cons ? C'est ce qui arrive tous les jours dans des associations régies par le vote. C'est « le piège associatif ». Un beau jour, dans l'association il y a 14 cons et 13 intelligents. Tout est foutu ! Vive la démocratie ! J'appelle ça : « le piège associatif ». Et la loi française déclare que les statuts de l'association ont « force de loi » pour celle-ci. À condition de respecter la légalité officielle, bien évidemment. Ce qui signifie que si les statuts ne sont pas respectés dans une association, vous pouvez porter l'affaire en justice et gagner, ou perdre. Donc, les 14 cons ont encore eux aussi un bel avenir devant eux.

Comme la démocratie, l'égalité est un grand principe rrrééééépublicain ! Et doit régner. Certes. Et l'égalité entre les riches et les pauvres, les beaux et les moches, les intelligents et les cons, les vieux et les jeunes, les malades et les bien portants, les valides et les invalides, les sportifs et les ventrus, les alcooliques et les abstinents, les grands et les petits, les heureux et les malheureux. Où est-elle ?

Basile, philosophe naïf, Paris le 12 octobre 2015