dimanche 16 juillet 2017

819 Négation du toucher et hypertrophie de la « sexualité »

Quand on évoque la « sexualité » chez les humains, on est frappé par la place qu'on lui trouve accordée. Elle semblerait être pour beaucoup à la base de tout ou au moins de l'essentiel. D'où vient cette abracadabrante prééminence, cette hypertrophie de la sexualité ?

La raison est un flou et une confusion. Le flou c'est l'absence de contours précis, de définition donnée à cette dite « sexualité ». Où commence-t-elle, ou finit-elle ? C'est très confus. La confusion est celle faite entre les activités purement sexuelles, c'est à dire axées sur la reproduction ou y ressemblant beaucoup, et la relation tactile en générale. Celle-ci est niée, contrariée, ignorée, méprisée, rejetée...

Mais on n'arrive pas à se débarrasser » de la sexualité ! Sauf pour de très petites minorités monacales, pour des religieux faisant vœu de chasteté. Alors le sexe se maintient présent. Il est confondu avec la relation tactile, le langage tactile, la communion tactile.

Ainsi, par exemple, dormir avec quelqu'un peut ne pas être du tout sexuel. On jouit du contact de l'autre et c'est tout. Ça peut arriver et ça arrive bien plus fréquemment qu'on le dit.

Mais allez le crier à la cantonade ! Nous dormons le plus souvent sans baiser et en sommes forts satisfaits ! Ça ne se fait pas. On se tait à ce propos. Et tout le monde se dit : « X et Y sont mariés et dorment ensemble. Ils ont l'air d'être heureux de vivre. Ça doit y aller entre eux la nuit ! » Alors que X et Y dorment simplement paisiblement l'un contre l'autre.

Le toucher est mille fois plus important que la sexualité. On parle mille fois plus de la sexualité que du toucher. Quand on parle du toucher, certains le rebaptise « sexualité », ce qui est tout à fait ridicule. Ils disent par exemple : « il arrive que le sexe se résume à des caresses. » On va ainsi nier le toucher et en faire un annexe de la sexualité. Comme ce médecin de Vienne qui qualifiait le plaisir de la tétée chez les bébés de « plaisir sexuel ».

Bien qu'ignoré souvent dans les discours et les livres, le toucher reste présent et surgit à tous moments dans la vie. On s'obstine souvent à l'ignorer. On le rebaptise massage, caresse, câlin, alors qu'il s'agit d'un langage et d'une nourriture, d’un lien entre l'affectif et le social.

Quand on découvre pleinement l'importance, la place de la tactilité, son rôle essentiel, fondamental dans la vie des humains, la sexualité diminue d'importance à toute vitesse. Et n'occupe plus qu'une place réduite, juste la sienne. On réalise alors que dans notre société depuis des temps immémoriaux, l'arbre de la sexualité cache la forêt de la tactilité. Il faut rendre sa place et sa légitimité au besoin tactile nié depuis tant de siècles par nos cultures. Cette négation paraissant liée avec l'existence du patriarcat, qui prétend réduire la femme à une créature soumise à l'homme et dominée par lui.

Comment commence notre vie ? Baigné dans le liquide amniotique, les yeux fermés, dans l'obscurité, au chaud dans le ventre d'une femme et entendant son cœur. Une intense vie tactile et auditive. Qui se poursuit au contact de la mère, de ses mains, ses seins, sa voix. Le toucher et l'audition sont notre premier refuge, instruments de communication, sources de plaisir, communion et douceur. Le toucher en général plus tard fait écho pour nous à toutes ces premières sensations de la vie. Au contact, par la tactilité nous nous sentons vivre. Si personne ne nous touche, nous dépérissons. Quand nous voulons dire qu'une chose nous émeut, nous disons qu'elle nous touche. Chassée, pourchassée, niée, la tactilité est omniprésente et réclame sa place et son rang.

Basile, philosophe naïf, Paris le 16 juillet 2017

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