samedi 15 juillet 2017

817 La relation sexomorphe

Notre culture patriarcale dominante entretient une très lourde confusion entre tactile et « sexuel ». Elle nie le langage tactile pour en faire une annexe de la relation sexuelle. En résumé, la caresse entre adultes ne serait que l'antichambre du coït. En vertu de cette aberration, d'innombrables humains de bonne foi croient bien faire en jouant aux petits soldats du sexe. Dès que l'acte sexuel est « techniquement » envisageable, ils croient indispensable de s'y lancer, y compris quand l'envie est absente. Ce faisant, galvaudant, banalisant l'acte sexuel, adoptant un comportement consumériste, ils déstabilisent la relation, rongent sa base et s'acheminent vers des troubles relationnels et la douloureuse rupture finale, vécue comme d'origine incompréhensible.

La réalité, qu'ils n'arrivent pas à percevoir, est qu'il existe plusieurs types de relations, qu'ils ignorent. Il existe une relation tendre, une relation sexomorphe et une relation sexuelle. La relation tendre se suffit à elle-même. La relation sexomorphe à laquelle elle peut conduire, comme son nom l'indique, ressemble à la relation sexuelle qui comprend l'acte sexuel, mais ne comprend pas ce dernier. C'est une différence fondamentale. L'acte sexuel n'est pas un acte anodin et ne doit être réalisé que dans de bonnes conditions et suite à un désir authentique et réciproque.

De nos jours, la pensée unique nous serine à longueur de pages le mérite du soi-disant « épanouissement sexuel », et ignore la relation sexomorphe, mot que j'ai dû inventer. Le soi-disant épanouissement sexuel nécessiterait de faire de l'acte sexuel un objet jouissif consommable le plus souvent possible. Cette himalayenne ânerie est colportée par d’innombrables sites Internet, livres, vidéos, etc. Il faut baiser, c'est un ordre ! Hier on préconisait d'éviter l'acte sexuel qui devait nous épuiser s'il était pratiqué trop fréquemment. Aujourd'hui la teneur du discours normatif est inverse.

Une brave dame américaine a même écrit : « faire l'amour régulièrement est une question d'hygiène, comme se brosser les dents régulièrement. » Une dirigeante révolutionnaire russe se vantait de ce que pour elle « faire l'amour ne l'impliquait pas plus que boire un verre d'eau ». Je les cite de mémoire. Et bien non, le rapport sexuel humain n'est pas équivalent à l'ingurgitation d'un verre d'eau ou à un brossage dentaire !

Il faut commencer par dénoncer un mensonge : celui de nous faire croire que nous pouvons décider de « faire l'amour » si la chose est techniquement possible, indépendamment du reste. C'est faux. Quand l'apparence de l'acte sexuel a lieu sans être l'expression d'un désir authentique et réciproque, il ne s'agit alors que d'une masturbation effectuée dans l'orifice naturel de quelqu'un d'autre. Ce n'est pas du tout ce que ça prétend être.

Il suffit le sachant d'aller voir des sites pornographiques sur Internet. Les personnes qui en échange d'argent font des galipettes sexuelles devant les caméras et les appareils photos s'emmerdent tellement visiblement qu'on se lasse très vite de ces caricatures de sexualité. Sans compter qu'en dépit des « oh ! », des « ah ! » et des « my God ! » prononcés par ces hommes et ces dames, surtout ces dames, il est absolument évident que cette agitation est parfaitement frigide.

Ce qui est très triste, c'est que quantité de jeunes gens et jeunes filles, et hélas même d'enfants, se gorgent de telles fumisteries sur Internet. Ils croient apprendre ainsi ce que serait « la vraie sexualité ». J'ai même eu affaire un jour à une jolie jeune fille qui m'a proposé de faire avec elle les « travaux pratiques » correspondants. Je n'ai pas donné suite à son offre. Elle ne s'en est pas offusquée. Il faut revenir aux grandes réalités chaleureuses de la tactilité, et pourquoi pas ? À l'occasion en venir à une relation sexomorphe. Qui ne conduit pas du tout nécessairement à la relation sexuelle authentique, la seule relation sexuelle qui existe vraiment.

Basile, philosophe naïf, Paris le 15 juillet 2017

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