lundi 30 novembre 2015

475 La fin des vicissitudes de « l'amour »

Quand on se penche sur l'amour entre les humains, on réalise que celui-ci paradoxalement est invoqué comme la recette-même du « bonheur ». Et, simultanément, comme la cause-même des plus grandes souffrances morales dans le cadre de la vie relationnelle quotidienne de tous les jours. En quelque sorte ce mot est tout à la fois synonyme de rêve et de cauchemar. Effectivement, si on considère les causes de suicides et crimes passionnels, d'alcoolisme et dépressions, l'amour est très souvent la cause de ces drames. On ne sait renoncer à l'amour. Et on n'arrive guère à parvenir à en jouir. Tel apparaît « l'amour » dans la vie d'innombrables personnes des deux sexes. Et ces souffrances frappent y compris des hommes et des femmes paraissant bien dotés pour affronter la vie et rechercher la réussite amoureuse. Jeunes, belles, sympathiques, cultivées, aisées, etc. telles apparaissent nombre de victimes de souffrances amoureuses considérables. Puis, l'âge venant, viennent les regrets de ne pas avoir su « profiter de la jeunesse », sensée être « le temps des amours ».

A toutes choses existent des explications. Quelles sont les causes des vicissitudes de « l'amour » ? Je les classerais en trois groupes. Le premier relève de la psychologie, le second de l'organisation sociale et le troisième de l'ignorance.

Au début de la vie, y compris aujourd'hui, l'être humain est littéralement un « petit singe ». Il est semblable aux nouveaux-nés des époques lointaines, où l'homme n'avait pas encore créé d'industries, de « civilisations ». Ces temps, qui ont duré des centaines de milliers d'années et ont précédé ce que nous connaissons comme les plus antiques sociétés organisées, ont vu les humains tout d'abord exclusivement guidés par leur instinct originel.

Appartenant à une espèce de singes mordeurs de grande taille vivant en groupes, ils ignoraient les prédateurs et n'avaient rigoureusement aucun besoin de ce que bien plus tard nous avons baptisé « le progrès ». Quel fauve se hasarderait à risquer les morsures d'un groupe de grands singes solidaires, alors qu'il ne risque rien à attaquer une girafe ou un lapin ? Les seuls humains susceptibles d'attirer un fauve seraient les petits humains encore très jeunes. Qui, justement, très tôt savent courir très vite pour rejoindre la protection des humains plus grands. Capacité qu'ils ont conservé de nos jours et effrayent quand ils traversent une route. Les humains ont commencé à inventer des outils, des industries, pour s'amuser, pour jouer. Et, ce faisant, comme je l'ai déjà écrit par ailleurs dans ce blog, ils ont inventé le savoir, le savoir erroné ou erreur et l'absence de savoir ou ignorance.

La transmission du savoir nécessite du temps. Ce qui a entraîné un trouble majeur chez les humains : le phénomène de « l'enfance prolongée ». Alors qu'un humain est autonome dès l'âge où il peut s'alimenter tout seul, donc vers l'âge de quatre ans environ, les petits humains ont vu leur enfance prolongée. Cet état est à l'origine d'un problème majeur actuel de « l'amour ». Qui dit enfance prolongée dit : infantilisation. Donc, se sentant dépendant des grandes personnes, le petit humain ne va pas acquérir son indépendance morale à l'âge de quatre ans environ. Il se sentira petit, malingre, chétif, vulnérable et ayant un besoin vital du savoir des grandes personnes. Ce seront pour lui des sortes de dieux infaillibles. Ce qui fait qu'il va complètement débiliter son esprit, sa capacité d'initiatives. Cet handicap, il continuera à le traîner comme un boulet. Il ne saura pas prendre de décisions indépendantes. Or, justement, en amour, c'est ce dont il aurait le plus besoin. Mais il aura peur de décider.

Cet état de choses sera particulièrement calamiteux. Alors qu'il devrait prendre des initiatives, aller vers l'autre, lui parler... il hésitera, attendra des « garanties ». Ne saura pas comment s'assumer. Aura peur, bafouillera... Alors qu'il devrait se montrer brillant pour « séduire » il se montrera nul, minable, apeuré. Son incapacité à prendre des initiatives l'impuissantera, et pas seulement dans le domaine de « l'amour ». Ça pourra être dans le domaine du travail, de la politique, de la religion. Il sera comme un petit enfant maladroit qui attend d'être rassuré par ses parents. Alors qu'il devrait s'assumer tout seul par lui-même.

Combien d'hommes, de femmes, conservent le souvenir cuisant de rencontres où ils n'ont pas su faire « le premier pas » ? D'occasions ratées de faire de belles connaissances ? Il y en a plein. La faute en revient au conditionnement issu de cette « enfance prolongée » que nous portons en nous et avons du mal à éliminer.

Le deuxième problème essentiel à la source des vicissitudes de « l'amour » est d'ordre économique. La société humaine est organisée sur la base d'unités économiques baptisées « familles ». Dans celles-ci, les enfants dépendent matériellement de leurs parents nourriciers, naturels ou adoptifs. Ce qui n'est pas sans conséquences.

Une femme qui souhaite avoir des enfants est contrainte et forcée de considérer la solvabilité de l'homme avec lequel elle aura ses enfants. Solvabilité qui est absolument indépendante des sentiments. Un homme adorable peut être pauvre et une crapule vicieuse riche, ou inversement. Le facteur économique va venir bousculer le beau paysage de l'amour « pur » et « désintéressé ».

De nos jours, il n'est pas de bon ton de dire : « je veux un homme qui ait de la thune ! » On usera de termes alambiqués : « je veux un mec solvable », je veux « un compagnon raisonnable », je veux « quelqu'un que je n'ai pas à entretenir », qui « sache tenir un budget », qui « a le sens pratique ». Toutes ces formules seront employées pour éviter de dire simplement : « je veux un homme qui ait du fric ! » Ce qui ferait pute. Une femme qui s'était débarrassé d'un amant pauvre au bénéfice d'un amant riche me disait : « mais, je ne suis pas entretenue ! J'ai également mes ressources indépendantes propres ! »

La réalité est là et bien là. Un homme pauvre sera rejeté par les femmes, même s'il a toutes sortes de qualités. Et l'habitude aidant, même s'il n'est plus question d'enfants à avoir, les hommes pauvres seront poubellisés. Souligner cet aspect « économique et financier » de l'amour fera hurler certaines. Mais c'est bien là la vérité. De même si l'homme est vieux ou malade, il sera bon pour la poubelle de Cupidon. Et alors, vieux, pauvre et malade, je ne dis pas. Ce sera un déchet qui ne trouvera pour compagnes que d'autres se considérant déchets également. Ce qu'on appelle : « des filles à problèmes ».

Mais, même « les filles à problèmes » savent mettre les déchets masculins à la poubelle... Tant que cet impératif économique subsistera, le paysage de l'amour échappera à la douceur et l'harmonie.

Pour quantité de femmes l'amour est considéré comme un plus. S'il est là, tant mieux. S'il n'est pas là, mais que l'homme est relativement fidèle, plutôt gentil, solvable et bon père, tant pis, on s'en contentera. Cette façon de voir la question ne doit pas être explicitée publiquement. On déclarera « aimer » l'autre. C'est plus simple et plus présentable. Même si on se contente de supporter sa compagnie. Mais : « on ne peut pas tout avoir ». A une femme sympathique, mariée, mère de famille et proche de la retraite qui me déclarait que « trouver l'amour, ça faisait bien longtemps qu'elle y avait renoncé », je faisais remarquer : « mais, vous êtes mariée ! » Alors, elle a rit et s'est exclamée : « les hommes se croient tous irrésistibles ! »

Quand on n'a pas « l'amour » on « s'arrange ». On se contente « de ce qu'on a ». Voilà la vérité de quantité de « couples » qui n'ont de « couples » que le nom.

La troisième grande source des vicissitudes de l'amour relève de l'ignorance. Un très grand nombre d'hommes et de femmes sont des analphabètes tactiles, sexuels et sentimentaux.

Notre civilisation a confisqué la tendresse et l'a littéralement prostitué. Si je veux poser ma main sur l'épaule d'une fille agréable, ou lui passer la main dans les cheveux, ça signifie : « je te baise ! »

Je connais une jolie fille qui a plein de qualités. Tous les hommes de son entourage se sentent obligés et intelligents de lui « faire la cour ». C'est totalement stupide. Mais ils sont ignorants. L'amour est bien plus vaste que le cul. Mais comment le faire savoir en pratique quand c'est le cul qui domine notre culture ? Je dirais à cette fille : « tu me plais, mais ce n'est pas baiser avec toi qui m'intéresse », je passerais pour un dragueur vulgaire et maladroit. La parole est interdite, confisquée, de même que le geste, le contact, la caresse. Je peux caresser un chat, un chien que je ne connais pas, pas une femme ou un homme, sans passer pour quelqu'un qui cherche « le sexe », le coït.

Notre société est barbare et pas prête à se civiliser. Il n'y a qu'à voir les gloussements qui accueillent toutes les allusions ou blagues sorties en société dès qu'elles traitent de sujets « en dessous de la ceinture ».

Les hommes et les femmes ne savent pas toucher. Et leurs connaissances dans le domaine sexuel sont remplies de bourdes gigantesques. Ainsi, par exemple, dans le registre génital masculin, la plupart des gens s'imaginent qu'il existe deux états : la flaccidité et l'érection. Et que l'érection exprime le désir de coït. Tout ceci est très largement faux. Il existe bien plus de deux états du pénis. Par exemple, il peut être ratatiné ou flasque. Les érections sont d'amplitudes variées. Il existe de larges différences entre midi et treize heures, quatorze heures trente et seize heures au sens figuré. Ce sont des érections différentes et pas un seul type d'érection qui serait plus ou moins réussie. L'érection surgit dans tout un tas de circonstances qui sont indépendantes du désir de coït. Mais, allez l'expliquer à des ignorants ou des ignorantes !

Les hommes se prennent pour des machines à baiser. Et s'étonnent ensuite d'être rejetés ou tenus à distance par les femmes. Et l'analphabétisme sentimental vient s'ajouter aux analphabétismes tactile ou sexuel. Quantité de personnes contrariées dans le domaine de « l'amour » troque la douceur pour la violence, l'amour pour la haine et la peur. Ou pour cette forme combinée de haine et de peur qu'on appelle « la jalousie ».

Tant que les humains ne feront pas un effort pour remettre en question la base des vicissitudes de « l'amour », ils ne risquent guère de le rencontrer et le vivre, en tous cas durablement.

Porter un regard critique sur le comportement amoureux apparaît hors de question pour quantité de personnes déçues par « l'amour ». Alors que dans d'autres domaines, politiques ou professionnels, par exemple, ils n'hésitent pas à remettre en question leurs habitudes de penser.

Pourquoi existerait-il un seul domaine, « l'amour », où la critique n'aurait rien à dire ? On connait la fameuse phrase concernant les joies de la vie et singulièrement l'amour : « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait. » Et pourquoi il ne serait pas possible d'arriver à une organisation sociale et amoureuse générale de la société où la jeunesse saura et la vieillesse pourra ? Pourquoi ce serait impossible ? Y parvenir en vaudrait largement la peine. Sans compter que nombre de problèmes sociétaux sont le fruit de comportements compensatoires d'amoureux déçus par l'amour. Il y a là tout un continent inexploré - ou guère et mal exploré, - qui pourrait nous offrir la possibilité d'arriver à une société où l'homme serait enfin en harmonie avec lui-même. Où les larmes causées par l'amour ne seront plus que des larmes de joie. Où la vie sera enfin la vie. Et où la pratique amoureuse remplacera les frustrations et les discours. Il y a beaucoup à faire. La pratique est possible pour faire enfin de la vie humaine le jardin dont rêvent les humains depuis que le rêve existe.

Basile, philosophe naïf, Paris le 30 novembre 2015

samedi 28 novembre 2015

474 Initiatives humaines et troupeau humain

La nuit du 24 au 25 novembre 2015, j'ai fait un rêve en forme de message. Il était énoncé ainsi avec beaucoup de précision :

« Si on considère que tous les humains qui se contentent de suivre et ne prennent pas d'initiatives – y compris ceux qui travaillent 18 heures par jour et se lèvent la nuit pour aller bosser, – sont de grosses feignasses.

« Si on ne prend en compte comme humains que les humains qui prennent des initiatives. »

« Combien y aurait-il d'humains à compter sur Terre ? 10 000.

« La plupart des enfants s'emmerdent à l'école. »

« L'ennui de ces petits bouchons est une tragédie. »

« Si on leur apprenait à l'école avec, par exemple, des petites saynètes, des petites pièces de théâtre jouées par les enfants, à prendre des initiatives, ce serait déjà bien. »

Juste après mon réveil je réfléchissais au message délivré par ce rêve et considérais deux exemples illustratifs de cette absence d'initiatives chez les humains. L'un, c'est la renaissance des goguettes, l'autre celle du Carnaval de Paris. Je m'efforce depuis 2011 de faire renaître les goguettes, petites sociétés festives et chantantes comptant moins de vingt membres. Et, depuis 1993, j'œuvre à la renaissance du Carnaval de Paris.

J'ai retrouvé la base traditionnelle de la fête en France : la goguette. Ce sont des petits groupes festifs et chantants se réunissant ponctuellement pour passer un bon moment ensemble, boire, manger et chanter des chansons. Leur renaissance ne demande ni argent, ni efforts importants, ni local, ni logistique, ni dépôt de statuts. J'en parle depuis quatre ans sans guère de résultats. Pourquoi ? Parce qu'en créer une nécessite de prendre une initiative. Je l'ai fait avec une goguette que j'ai créé : la Goguette des Machins Chouettes. Pourquoi la naissance d'autres goguettes se fait-elle attendre à ce point ? Pourquoi mon message a du mal à passer ? Parce que, pour le suivre, il faut renoncer à suivre le troupeau humain qui se lamente à propos du manque de communication et de festivité, et agir. Prendre une initiative. Mais, même sans risques et pour le plaisir, la seule initiative, de par sa nature-même impressionne et fait peur. C'est tellement plus rassurant de suivre le troupeau !

Ceci explique en général pourquoi une activité ou une mode interrompue un certain nombre d'années a du mal à redémarrer quand des efforts sont faits en ce sens. Ce qui n'est plus à la mode, même de qualité, a tendance à être rejeté, délaissé. Quand j'étais petit, dans les années 1950, les chevaux de trait, ou porter des sabots, c'était ringard. Aujourd'hui, ça fait chic et écologique. Le Parisien en raffole. Il suffit dans une animation de rue de ramener quelques animaux de ferme, une vieille batteuse à vapeur et il y a foule !

Le second exemple frappant mentionné, illustrant le comportement de troupeau des gens – ici les Parisiens, – et leur peur de prendre des initiatives, c'est la renaissance du Carnaval de Paris. En 1993, je prends l'initiative de la renaissance de cette vieille et grande fête oubliée. A l'époque, c'est de l'archéologie. Personne n'en parle. Les mots « Carnaval de Paris » n'apparaissent nulle part. Le dernier cortège organisé et traditionnel carnavalesque parisien est sorti à petite échelle le dimanche 20 avril 1952 dans le 19ème arrondissement. Je commence mes recherches et démarches. Réalisant que les politiques, apparemment très favorables, à lire leurs courriers en réponse aux miens, ne vont rien faire de concret, je décide d'organiser un cortège de renaissance.

Je rassemble quelques supporters pour créer une association. Nous sommes le 23 juin 1994.

Ce soir-là, à un moment donné je déclare : « bon, alors, nous décidons de sortir le défilé de renaissance le dimanche 6 mars 1995. » Et alors là, réaction unanime de mes deux interlocuteurs et silence de la troisième personne participant avec moi à la réunion.

« Ah non, avant de prendre une décision, il faut voir comment les politiques considèrent la question ! »

Tel est le propos qu'on me tient. Je réalise alors que mes amis ont peur de décider de défiler. Je n'insiste pas. On décide de créer une association. Et, quelques temps plus tard, suite à une lettre de Dominique Blatin, Commissaire général du Concours général agricole, je le rencontre. Quand je lui évoque l'organisation d'un cortège du Bœuf Gras à Paris, il me réponds : « je ne peux pas vous empêcher de prendre l'initiative d'organiser un cortège du Bœuf Gras à Paris. » Réponse qui, n'étant pas approbative, le met à l'abri d'une demande éventuelle de soutien financier venant de ma part.

Je quitte l'entretien et après rédige un tract où j'annonce que, suite à cette rencontre, j'ai décidé de sortir le cortège du Bœuf Gras le 6 mars 1995. Quand je fais lire mon tract, que j'ai déjà commencé à diffuser, à un des deux amis présents à la réunion de juin, il s'étrangle presque. « Ah bon ? Tu as écrit ça ? » Mais il n'ajoute rien. Et voilà comment j'ai pris l'initiative du retour du Carnaval de Paris. Si j'avais attendu l'avis des politiques, je n'aurais rien fait. Parce que les politiques – en tous les cas la plupart d'entre eux, – détestent la fête vivante et le Carnaval en particulier. Qui est chez nous la plus belle des fêtes. Et pourquoi cette hostilité ? Parce que de telles fêtes sont remplies de nombreuses petites initiatives. Et les politiques ont horreur que les électeurs prennent des initiatives. Il faut qu'ils se contentent de former le troupeau compact et votant qui les porte au pouvoir.

Chez les politiques existe aussi le comportement de troupeau. On défend une orientation politique. Mais elle ne doit jamais être trop audacieuse. Ressembler à une vraie initiative. Je connais un très célèbre exemple à ce propos.

En juin 1940 la France est vaincue militairement par l'Allemagne. Paris est occupé. Le gouvernement français s'installe à Vichy. De son côté, un général cherche à poursuivre la lutte. De Gaulle n'est que simple général de brigade à deux étoiles. Il est très loin d'être le plus haut gradé de l'armée française. Il va alors solliciter un certain nombre de hauts militaires français pour leur suggérer d'appeler à poursuivre le combat. Ils vont tous répondre qu'ils se soumettent aux ordres de Vichy. Vichy qui reconnaît la défaite et préconise une politique de collaboration avec le vainqueur.

En désespoir de cause, De Gaulle se résout à lancer lui-même l'appel à résister. C'est son célèbre « Appel du 18 juin 1940 ». Il passe à l'époque inaperçu d'un très grand nombre de personnes concernées.

Quelques temps plus tard, recevant un de ses premiers partisans à Londres, De Gaulle dira : « vous voyez, mon cher Cassin : la France libre, c'est six personnes et deux machines à écrire. »

Pour dénigrer l'action du général, les partisans de Vichy vont baptiser De Gaulle « le général micro ». Sous-entendu qu'en dehors de son micro à Radio Londres, De Gaulle ne représente absolument rien.

Et c'est grâce à son initiative le 18 juin 1940 contre le troupeau défaitiste que De Gaulle pourra affirmer la présence de la France dans la guerre. Les États-Unis, considérant que le gouvernement français avait collaboré avec l'Allemagne firent préparer de la monnaie d'occupation qui devait entrer en usage en France en tant que pays occupé par les alliés. De Gaulle va interdire son usage.

Et, le 8 mai 1945, à la signature de la capitulation allemande à Berlin, la France est représentée par le général De Lattre de Tassigny. Au dernier moment, on s'aperçut, avant l'arrivée des représentants allemands vaincus, qu'il manquait un drapeau au côté de ceux des autres puissances vainqueurs. Il n'y avait pas de drapeau tricolore français. Vite, un officier français prit du matériel de couture et confectionna un drapeau français. Il était plus petit que les autres drapeaux alliés, mais, accroché comme on pouvait, il était devant les autres.

A leur arrivée les représentants militaires allemands étaient furieux d'apercevoir les Français : « ah, ils sont là aussi, ceux-là ! » Ça n'a pas été leur seul motif d'énervement ce jour-là.

Tout ceci, et aussi la célèbre descente triomphale de l'avenue des Champs-Élysées le 26 août 1944 par De Gaulle est arrivé grâce à un acte : son initiative de lancer l'appel du 18 juin 1940, refuser la défaite, continuer le combat. Et où était les autres politiques français ? Un grand nombre suivait le troupeau qui acceptait la défaite. Encore un exemple de ce qu'est l'initiative et l'absence d'initiatives.

Pour résister à l'Allemagne nazie en 1940-1945 on risquait le pire. Pour résister aujourd'hui aux directives « européennes » calamiteuses et aux diktats du MEDEF on ne risque rien. Mais nos dirigeants politiques ne prennent aucune initiatives en ce sens. Ils suivent le troupeau dont ils font partie. Et qui nous mène au désastre économique et social.

Idem le jeune et beau Alexis Tsipras en Grèce. Quand en 2015 il fallait prendre l'initiative de rompre avec la troïka, il s'est couché. Pourquoi ? Parce qu'il était incapable de prendre l'initiative de se battre. Initiative qu'ont su prendre d'autres hommes politiques ailleurs, en Bolivie ou en Équateur.

Quand j'ai passé des années à chercher à faire renaître le Carnaval de Paris, œuvre où on ne risque rien, j'ai pu apprécier à quel point on trouve des gens qui ont peur de prendre des initiatives. Et pas seulement lors de la réunion du 23 juin 1994. Durant des années, parmi ceux disposant de leviers importants pour débloquer la situation, il n'y a eu personne qui ait décidé de m'aider.

Le cortège, prêt à défiler en février 1995 a été interdit. Il fallait un soutien élevé pour arriver à faire lever l'interdiction. Personne ne s'est hasardé à le faire. Et ça a duré des années !

Jusqu'à ce qu'un politique atypique : Alain Riou, s'est engagé pour la renaissance du Carnaval de Paris, fin 1997.

A la différence de la plupart des politiques, Alain Riou était capable de prendre et prenait des initiatives. C'est ce qui le faisait apprécier ou détester selon les personnes auxquelles il avait affaire.

Notamment il fut en conflit au sein de son propre parti, le parti socialiste. Les élections municipales de 2001 approchaient. Et, élu municipal de ce parti, il réalisa qu'il allait être présenté en position non éligible. Alors, pour rester élu et pouvoir faire quelque chose, il prit la très difficile initiative de quitter son parti et rejoindre les Verts. Alain m'a raconté qu'ensuite, entre les deux tours des élections municipales parisiennes de 2001, le maire socialiste du 20ème arrondissement vint voir les Verts pour leur dire de placer Alain en position non éligible sur la liste commune Verts-socialistes. Les Verts lui répondirent qu'ils étaient libres d'agir autrement !

Quand Alain fut réélu en 2001 en qualité de représentant des Verts, il me raconta très amusé que certains lui avaient dit : « le Carnaval de Paris, c'était un bon truc pour te faire réélire ! A présent tu vas le laisser tomber, bien sûr ! »

Alain considérait que la plus belle chose qu'il avait réussi c'était la renaissance du Carnaval de Paris. Il est mort le 6 décembre 2004. Le Carnaval continue. Il n'a plus un politique en tant que responsable officiel, mais un artiste peintre, poète et philosophe.

Le comportement de troupeau et l'absence d'initiatives chez les humains sont particulièrement éclatant dans d'autres domaines que la politique ou le Carnaval. Dans le domaine dit « de l'amour » c'est vraiment un phénomène courant.

Quand j'ai eu 26 ans, un gars de mon entourage m'a déclaré tranquillement : « tu as 26 ans, il serait temps que tu penses à te marier. » Ce qui m'a frappé dans ce conseil, c'est qu'il ne s'inquiétait nullement de savoir si j'aimais quelqu'un. J'avais 26 ans... et hop ! Il était temps de me marier.

Dans un milieu que je fréquente, je me retrouve célibataire. Et une dame d'un âge proche se trouve être seule dans la vie. Elle ne m'intéresse d'aucune manière. Et voilà que l'entourage se met à exercer des pressions, notamment verbales, à la limite de la grossièreté, pour voir s'arranger le couple ! Sans me demander ce que j'en pense ! Encore l'instinct de troupeau qui se manifeste.

Après quelques années de vie commune avec une amie m'arrive une rupture. Dans ces conditions, il existe un risque : vu le manque et le vide soudain, de tomber dans les bras de la première personne venue. Avec tous les inconvénients qui relèvent du couple mal assorti. Conscient de ce problème, auquel j'ai déjà été confronté, je déclare après cette rupture : « il n'y aura rien avant au minimum six mois. Je resterais seul, sauf événement vraiment extraordinaire. » Les personnes auxquelles j'ai annoncé ma décision ont paru choquées. Pour elles, si je me retrouvais seul après une vie de couple de plusieurs années, je devais logiquement me précipiter pour « retrouver quelqu'un ». Et bien non.

J'ai été amoureux transi et malheureux d'une femme durant onze ans. Finalement c'est passé. Un jour que je lui dit : « heureusement que c'est terminé », cette femme a paru surprise et offusquée.

J'ai vu dans une sorte de camp de vacances arriver une jeune fille au physique de mannequin. Tout un groupe d'hommes s'affole alors et paraît avoir pour idée fixe de coucher avec. Au point que ça m'a parut odieux, ridicule et caricatural. Parmi ces hommes, certains étaient par ailleurs en couple.

Tous ces comportements sont des comportements de troupeaux. Ne pas réfléchir. Suivre les règles et la morale effective dominante. Aucun sens critique, aucune remise en question des idées reçues dans le domaine de « l'amour ».

Ce comportement de troupeau se rencontre partout. J'ai connu un étudiant issu d'une famille aisée. Un jour, lui, qui ne manque de rien, prend un travail pénible et mal payé. Pour quelle raison ? Pour des raisons idéologiques : « il faut, il est bien de travailler, tout le monde travaille, ceux qui ne travaillent pas sont des parasites, quand on travaille on est récompensé par un salaire. » Il n'a en fait aucun besoin de travailler. Même pas pour devenir indépendant de ses parents. Car il ne sait que faire de son salaire et continue à vivre aux crochets de ses parents aisés. Sa paie ne lui sert pas ou guère. Mais il a la satisfaction de « faire comme tout le monde ». C'est une chose que j'ai vu.

Quand on accepte de prendre des initiatives, la vie change. Il y a une quantité de choses possibles et positives qu'on ne fait pas parce qu'elles sortent de la pratique commune. Et des choses pacifiques qui ne troublent pas particulièrement la vie des autres. Mais prendre des initiatives en soit fait peur à la plupart des individus.

Entre être un individu indépendant ou un mouton râleur, quantité de gens préfèrent le second choix. Qui les rassure. Il existe une jolie fable de La Fontaine : « Le loup et le chien ». Notre société est remplie de chiens et compte très peu de loups. Je préfère être un loup plutôt qu'un chien.

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 novembre 2015

jeudi 26 novembre 2015

473 La religion matérialiste scientiste rationaliste et la « mémoire de l'eau »

Qu'est-ce que la religion matérialiste scientiste rationaliste ou religion MSR ? La religion MSR est une religion qui repose sur un système de croyances qu'on peut résumer sommairement ainsi : les adeptes de la religion MSR croient en la non-existence de Dieu et en la non-existence de l'au-delà. Ils sont les adorateurs d'une chose inerte qu'ils ont baptisé « la matière ». Elle serait à la base de tout. Selon certains croyants MSR la matière serait née de rien au moment de la genèse matérialiste baptisée « Big Bang ». La divinité matérialiste peut aussi se définir comme « le pas-Dieu ». Il y aurait, selon les croyants MSR : la matière et pas Dieu.

Ce qui est excessivement drôle, c'est que personne ne saurait déjà définir exactement Dieu. Et les adeptes de la religion MSR considèrent comme une vérité fondamentale de nier son existence. Et donc nier un être indéfini. Voilà qui est d'une précision rare comme base de pensée !

La « matière » serait régie par des règles définies comme « scientifiques ». Et donc sensées être absolues et infaillibles. Au nombre desquelles on trouve la logique. On peut facilement montrer que celle-ci est un outil de la pensée. Et qu'il est limité comme tous les outils. Ne serait-ce que par la célèbre affirmation : « cette phrase est fausse ». Mais ça n'embarrasse pas les croyants MSR.

Comme pour toutes les religions, une époque providentielle est donnée pour la naissance de la religion MSR sensée sauver le monde. Cette époque, c'est le XVIIIème siècle, baptisé : « siècle des lumières ». Siècle se terminant en France avec les plus barbares atrocités de la Terreur et des guerres de Bretagne et de Vendée. Mais les adeptes de la religion MSR ne s'embarrassent pas avec l'existence de ces « détails ». À l'exemple de Georges Clemenceau légitimant les atrocités révolutionnaires dans une intervention à la Chambre des députés, à Paris, le 29 janvier 1891 : « la Révolution française est un bloc dont on ne peut rien distraire ».

La religion MSR a développé un obscurantisme MSR. Tout ce qui lui paraît aller à l'encontre de son corpus de croyances est dénoncé violemment. En 1988 à Paris, le docteur Jacques Benveniste a expérimentalement démontré l'action de dilutions homéopathiques sur des basophiles. Il s'est vu voué aux gémonies pour avoir porté atteinte au sacro-saint « nombre d'Avogadro », une des bases de la religion MSR. Selon le nombre d'Avogadro il n'y avait plus rien dans les dilutions. Donc, les conclusions expérimentales de Benveniste – baptisées par d'autres « mémoire de l'eau », – étaient forcément fausses. Il a été sommé de démontrer par une autre méthode ce qu'il avait démontré. Ou de renoncer à sa découverte. Et il a été abondamment insulté par des prêtres de l'église MSR.

Au nombre des railleries de prêtres de l'église MSR contre Benveniste, on trouve les ricanements qui ont accompagné ses affirmations comme quoi certains effets de l'homéopathie pouvaient se transmettre via le téléphone ou Internet. Il m'a parut intéressant de répondre à ce propos aux obscurantistes matérialistes.

Si à je déclare à Paris prendre un téléphone et appeler quelqu'un à Pékin. Parler avec lui ensuite. De même, si je déclare prendre un ordinateur branché sur Internet et converser par textes avec Pékin. Personne ne trouvera cela ahurissant et fantaisiste. Alors, si la voix ou l'écriture peuvent ainsi franchir des milliers de kilomètres via le téléphone ou Internet, en quoi serait-ce ridicule de prétendre que d'autres phénomènes pourraient prendre le même chemin ?

Les obscurantistes matérialistes rejettent à priori cette prétention comme ridicule et stupide. Ce sont des crétins. Leur pensée unique – ou plutôt absence de pensée, – domine le monde. Pour le moment, car la vérité triomphera un jour de ces gros bœufs. Et on érigera des statues à Benveniste.

Basile, philosophe naïf, Paris le 26 novembre 2015

lundi 23 novembre 2015

472 Les mots camisoles

Un certain nombre de personnes - et probablement la plupart, dont nombre de jeunes, - croient sincèrement en France et à Paris que, entre humains adultes, « aimer » implique de devoir faire l'amour. Que les caresses entre adultes sont des « préliminaires » qui impliquent d'arriver forcément à l'acte sexuel. Considérer ainsi que quand on aime on doit faire l'amour. Que quand on fait des caresses on doit faire l'amour, car ces caresses seraient des « préliminaires »... revient à faire des mots « aimer » et « préliminaires » des mots camisoles, qui empêchent la pensée de fonctionner et les sentiments-même d'être entendus. On y ajoute d'autres fausses « évidences », comme celle que l'érection signifie désir et recherche de l'acte sexuel. Et tout est en place pour faire le malheur des humains, avec pour guide un inextricable schéma soi-disant objectif des rapports humains.

Il y a plus de vingt ans, je me souviens avoir commencé à échanger baisers et caresses avec une dame. Qui s'est subitement exclamé : « on ne peut pas faire l'amour parce qu'il y a le SIDA ! » Je me suis empressé de lui répondre que nous n'étions nullement obligés de « faire l'amour ». Quand après deux heures de caresses et baisers nus forts agréables nous nous sommes interrompu pour prendre le thé, cette dame s'est exclamé : « qu'est-ce qu'on n'a fait ? On n'a rien fait ! » Et elle a rit. Car, pour elle, « faire quelque chose » c'était en l'occurrence « faire l'amour ». Comble de l'absurdité conduisant à nier la vivante réalité. Par la suite elle a tenu à m'accompagner pour voir comment c'était chez moi. A constaté que je n'étais pas riche, loin de là. Et, par la suite, a évité de me revoir. Visiblement pour elle, si j'avais été du même milieu social aisé qu'elle, nous aurions pu ensuite « passer aux choses sérieuses », mettre l'oiseau dans le nid et devenir « amants ». Détail comique et révélateur, les quelques fois où je lui ai téléphoné par la suite, elle arguait d'une infection vénérienne pour ne pas pouvoir me revoir. Comme si le seul échange possible et a envisager devait concerner cet endroit-là. Notre société est bien barbare avec son obsession du cul.

Quand on est très jeunes, s'agissant du sexe, on se demande : que faire ? Puis, une fois qu'on s'est fait baratiner sur le thème « l'essentiel est parvenir au coït », on se demande : quand le faire ?

On se retrouve sensé devoir acceptez ou recherchez des choses, en refuser d'autres. Ça devient très incertain et abstrait. Il y a des imbéciles qui vont considérer le sexe comme un exercice ludique parmi d'autres : un resto, un film, une baise. Non, ça n'est pas égal. A-t-on déjà vu un chagrin d'amour provoqué par une entrecôte trop cuite ou une séance de cinéma ratée ? Le sexe, ça n'est pas une chose anodine, un produit parmi d'autres, à consommer.

Et si, s'agissant du sexe, on commençait simplement par se demander : « qu'est-ce qu'on veut ? »

Et si on s'arrêtait de commettre les erreurs d'interprétation des réactions génitales. Une érection signifie une érection; Elle ne signifie nullement forcément une envie de « faire l'amour ».

A force de placer abusivement le coït au centre des relations humaines entre adultes, les humains abusés finissent par ne plus rien y comprendre. Sauf que, d'évidence, ils souffrent. Et tendent alors souvent à rejeter la responsabilité de leur souffrance sur l'autre ou sur le mauvais sort. Un homme que je connaissais s'est trouvé confronté au refus catégorique de sa femme de « faire l'amour ». Au bout d'un certain nombre d'années de mariage, elle avait décidé d'arrêter de céder aux caprices sexuels de son mari. Ce dernier n'y comprenait rien. « Ça me rend fou ! Et elle, de son côté, elle dort très bien ! » Et lui de conclure : « elle doit être lesbienne ! » Elle a fini par divorcer.

Devant l'incompréhensible et l'insatisfaisant dans le domaine dit « sexuel », on dirait que le mot d'ordre de beaucoup soit : « surtout ne pas réfléchir ! »

Basile,philosophe naïf, Paris les 22 mai et 23 novembre 2015

471 Faiblesses du langage et subtilités du conflit

Le conflit dont il s'agit ici, c'est : SIG. C'est-à-dire, en italien : « siamo in guerra », « nous sommes en guerre ». Il s'agit du conflit très ancien homme-femme. Si ancien qu'on l'attribue à la Nature-même ou à « la fatalité ». SIG est très subtil, car il amène à ne pas poser les bonnes questions. Deux très jeunes filles encore vierges ayant réalisé que je ne développais aucune menace d'agression quelle qu'elle soit envers elles, m'ont posé un jour diverses questions très directes sur le sexe et ma vie sexuelle. Elles souhaitaient ainsi satisfaire une curiosité générale sur un domaine qui les agite beaucoup à leur âge. Une de leurs questions était : « est-ce que faire l'amour c'est agréable ? » La question est très mal posée. Elle revient en effet au même que poser cette autre question : « est-ce que manger est agréable ? » Ça dépend. Manger peut être très agréable, agréable, voire extrêmement désagréable. C'est la même chose pour ce qui est de « faire l'amour ». Cependant, on notera que quantité de livres ou articles font une apologie inconditionnelle de cet acte qui en fait est totalement subordonné à l'ensemble de la relation. Bien trop souvent on fait de l'acte sexuel une sorte de summum de la relation humaine. 

Cette flamboyante ânerie règne en maître dans la tête de nombre d'individus. Quand ils abordent une créature nubile du sexe opposé ayant un joli cul, les garçons, dès treize ou quatorze ans, ont bien souvent cette idée derrière la tête. Et ça ne va pas en s'améliorant avec les années. Soi-disant que ce serait là un effet de « la Nature ». Ladite « Nature » a bon dos. On lui attribue quantité de choses. Ça permet d'éviter de réfléchir et poser les bonnes questions. Ainsi, instrumenté par la pensée unique et omniprésente du tout sexuel, j'ai fonctionné durant bien des années. Je me souviens très bien à ce propos d'un incident qui m'est arrivé il y a six ou sept ans.

Seul dans ma vie, c'est-à-dire sans petite amie, j'avais fait la connaissance d'une jeune et jolie femme. Nous avions un peu sympathisé. Et, un jour, comme nous marchions ensemble, la jeune femme me sort impromptu : « il est exclu que nous fassions l'amour ensemble ! » Je me suis senti intérieurement blessé et contrarié. Stupidement je me suis dit : « mais, je n'ai rien fait ou dit en ce sens. La question ne s'est même pas posée et par avance elle dit non ! C'est un propos abusif ! » Je me suis senti vexé, agressé. Certes, je rêvais de coucher avec elle peut-être un jour... belle illustration de la pensée unique. Une femme égal un cul. Mais comme je me disais : « je n'ai rien dit en ce sens » j'ai interprêté les paroles de la jeune femme comme une agression qui brisait un rêve personnel dont je n'avais pourtant rien dit. J'ai mis six ou sept ans à comprendre ce que signifiait cet incident. Une jeune femme à Paris est agressée trois, quatre, cinq fois par jour quand elle se déplace seule, par des imbéciles qui voient juste un cul à consommer qui passe. Elle est donc sur la défensive face à cet harcèlement. Et, habituée à subir cette situation elle voit bien que moi, pauvre andouille, je suit la même optique.

Certes en évitant d'être grossier. En étant plus aimable que les crétins qui cherchent à l'aborder dans la rue, le métro. Crétin moi-même, je ne réalise pas que c'est facile de m'identifier quand on est habituée à croiser ou rencontrer d'autres crétins. Là, j'ouvre une parenthèse : « les femmes sont-elles contre le fait de faire l'amour? » C'est le point de vue que m'exprimait un dragueur professionnel : « elles ne veulent jamais ! » La question est une fois de plus ici mal posée.

Pour répondre à cette question, j'en poserais une autre. Il existe une banlieue de Paris appelée Gennevilliers. On peut s'y rendre. Et, pourquoi pas ? Y manger des fraises... Et, pourquoi pas ? A la crème. A présent, imaginons que tous les hommes sans pratiquement aucune exception soient obsédés par l'idée de manger des fraises à la crème à Gennevilliers avec la femme qu'ils rencontrent. Ce serait vraiment énervant pour les femmes. Pourquoi ? Parce que c'est du formatage qui nie la réalité de la vie. Avec le sexe, c'est pareil. Une femme est un être humain avec toute sa richesse, sa diversité, son originalité... et, à chaque fois qu'un homme l'aborde, ou presque, surtout si elle est belle, la seule chose qu'il sait lui proposer c'est : « allons ensemble manger des fraises à la crème à Gennevilliers »... Prétendre rétrécir systématiquement la relation homme-femme à la même petite chose, et l'acte sexuel est une petite chose, revient à nier la réalité de la femme en tant qu'être humain. D'où la réaction souvent épidermique des femmes face aux crétins masculins.

Pour rencontrer quelqu'un il faut commencer par éviter de le nier. Ce que font souvent les hommes avec les femmes. Mais les critiques faites ici sur les hommes, ne signifient pas pour autant que les femmes soient parfaites. 

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 avril 2015, avec retouches le 23 novembre 2015

470 Le piège associatif 1901

Quand on veut organiser quelque chose, une fête, par exemple, une fête importante, on s'entend souvent conseiller en France : « il faut une association déclarée selon la loi de 1901 (une ASBL, si c'est en Belgique), avoir un local, trouver des subventions, avoir des soutiens officiels. » Et là, si on suit ces conseils, on s'égare bien souvent et on s'impuissante.

Créer une association consiste à déposer en préfecture des statuts, une liste de deux personnes au minimum, un trésorier et un président, quelques autres documents, et payer son insertion au Journal officiel. Ce qui fait qu'ensuite on croit avoir fait quelque chose : « on a fondé une association ». Il y avait à l'origine deux abrutis avec une idée. À présent, il y a toujours deux abrutis avec une idée. Mais, à présent, ils se prennent pour autre chose : une association. C'est le premier piège. Il y en a d'autres. Mais s'obnubiler sur la démarche « associative » fait partie des aberrations courantes en France. Bien des rêves sombrent avec la création de la sacro-sainte « association ». Qui dit association dit : cotisations, par exemple... Au début, elles rentrent facilement. Ensuite, ça devient plus dur. Et celui qui récolte les cotisations fini par se sentir un peu comme un huissier poursuivant des mauvais payeurs.

Autre travers nuisible de cette aventure dite « associative » : le plus souvent, en France, les associations ont un bureau de trois membres : un président, un secrétaire et un trésorier. Qui dit président dit : pouvoir. Qui ajoute secrétaire dit : bureaucratie. Et avec le trésorier arrivent : l'argent et la finance. C'est tout un cadre, un carcan, mis à l'idée de départ. On a dégagé la nécessité d'un chef, de paperasses et de fric. On n'est plus du tout dans le registre de départ. On voulait faire une fête. À présent on veut un chef, des archives, un budget argent.

Et le local ! Qui dit local dit location, qui dit location dit argent, qui dit argent dit subvention, qui dit subvention dit... aller mendier aux politiques la restitution d'une fraction de l'argent de nos impôts, que le fisc nous a confisqué, pour eux, sous la menace de poursuites en cas de refus. La subvention est à l'association ce que le sucre est au chien. Le chien fait le beau pour obtenir le sucre. L'association fait la belle pour toucher sa subvention. Mais, à la différence du chien, l'association ne reçoit pratiquement jamais son sucre. Ou alors, au prix de la rédaction d'un dossier très ennuyeux à fabriquer, elle reçoit un quart ou un cinquième de sucre.

Certains termes sensés indiquer la marche à suivre brillent par leur caractère au bout du compte erroné. Pour être sûr d'obtenir une subvention, il faut « un dossier en béton ». Comme si c'était une question d'arguments. Pour y arriver il faut trouver « les bonnes personnes ». Comme s'il existait forcément quelque part un responsable attendant le moment pour vous recevoir, vous écouter et satisfaire votre attente.

Quand l'idée de départ s'incarne dans une structure dite « associative », on peut faire rentrer ainsi le loup dans la bergerie. L'initiateur de l'association, celui qui en a été l'âme, va devenir juste un membre parmi d'autres. Résultat : il suffira qu'il soit mis en minorité par le vote pour être, y compris, chassé de l'association qu'il a créé ! Ce genre de mésaventures est arrivé un nombre immense de fois à des personnes ayant cru renforcer leur projet, et l'ayant affaibli avec un cadre associatif.

Moins il y a de pouvoir déclaré, de bureaucratie et d'argent, mieux c'est. Les formidables associations de Carnaval de Dunkerque et des villes alentours ne sont pas toutes déclarées. Et beaucoup d'entre elles ne disposent pas d'un local propre, mais sont basées dans des cafés. Ce qui ne les empêche pas d'être la base d'organisation de parmi les plus formidables des carnavals.

Basile, philosophe naïf, Paris les 18 et 23 novembre 2015

469 L'insouciance n'est pas l'indifférence

L'insouciance est une valeur essentielle à défendre contre la morosité, l'angoisse, l'anxiété, le catastrophisme. L'insouciance n'est pas l'indifférence, mais le refus de se « prendre la tête » en permanence avec tous les malheurs du monde. On peut très bien être conscient des problèmes du monde et se distraire et s'amuser. Renoncer à la distraction n'empêchant pas ces problèmes d'exister. Pour vivre il faut savoir s'en abstraire. Sinon ça signifierait laisser toute la place existante aux malheurs du monde. Et comme ils ne sont pas prêts de s'interrompre, ça signifie renoncer à vivre vraiment, tout simplement.

Certains prétendent qu'il faut « partager » les malheurs des autres. Qu'est-ce que ça veut dire ? Une anecdote chinoise me revient à ce propos. Elle se passe à Pékin vers 1900. Un diplomate européen glisse et tombe dans la boue dans une rue de Pékin. Cette mésaventure se passe juste devant deux importants dignitaires chinois, des mandarins vêtus de superbes tenues en soie. Ces deux mandarins se roulent aussitôt par terre dans la boue pour ne pas que l'Européen se sente humilié devant eux. Ils partagent son malheur... Mais, est-ce bien raisonnable ?

Devons-nous faire pareil au sens figuré quand un ennui touche quelqu'un de proche ? Se sentir autant que possible aussi triste que lui ? Est-ce la meilleure façon de soutenir son moral ? Je pense que non. Au contraire, aider consiste à faire penser à autre chose. Pour ma part, j'ai réussi il y a des années à faire rire un ami qui vivait un deuil cruel. Ce qui lui a fait du bien. Au lieu de le laisser s'enfoncer dans sa tristesse, je l'ai hissé hors de celle-ci le temps où il a ri grâce à moi. Il en est resté étonné. J'ai su par la suite qu'il avait confié à un ami commun : « tu te rends compte ? Il a réussit à me faire rire ! »

Un autre domaine où sévissent les empêcheurs de vivre, est celui de la peur. Un fameux trouillard disait un jour : « ignorer la peur, c'est de l'inconscience. Il faut avoir peur ! » Cette personne joue sur les mots pour justifier sa trouille. En fait, on peut être prudent, conscient des dangers et précautions à prendre, et ignorer la peur. J'ai une très belle anecdote à ce propos.

Une jolie fille rentre chez elle seule le soir dans un quartier désert. Un jeune homme inconnu la suit. La rattrape et lui fait une clé au cou. Visiblement c'est un maniaque sexuel. La jeune fille ne s'affole pas et commence à lui parler doucement. Elle l'interroge : « qu'est-ce que tu fais ? » Elle lui parle, lui fait la morale avec des termes mesurés, et, ça aurait pu ne pas marcher mais ça marche. Elle lui fait prendre conscience du caractère désordonné de sa conduite. Tant et si bien qu'il fini par la lâcher et laisser partir. Elle se serait affolé, aurait crié, ça se serait certainement très mal terminé. Cette jeune femme m'a raconté une mésaventure du même ordre arrivée à une copine à elle comédienne. Cette comédienne rentre tard le soir dans un quartier désert et réalise qu'un homme la suit. Alors, elle entreprends d'avoir le comportement le plus répugnant possible. Se mettant un doigt dans le nez et slurpant sa morve, se grattant bruyamment, etc. Tant et si bien que l'apprenti sadique qui la suivait fini par s'en aller dégouté, abandonnant celle qu'il avait choisi pour proie.

En fait il faut savoir ce qu'on entend par « ignorer sa peur ». On peut très bien décider d'ignorer sa peur et le faire très raisonnablement. Il m'est arrivé une petite histoire illustrative de cette démarche. Je suis monté à pied faire l'excursion jusqu'en haut du pic du Midi de Bigorre. Seul, à l'aller, pas fier, je me trainait plus ou moins à quatre pattes ou sur les fesses dans les passages de caillasse. Au retour, j'avais rencontré un homme âgé qui redescendait en même temps que moi. Je me suis dit : « il ne faut pas que je lui fasse peur en ayant visiblement peur de tomber et me faire mal. » Résultat : dans les passages de la descente un peu difficile, dans la caillasse, je réussissais parfaitement et facilement à marcher debout sur mes deux jambes.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 novembre 2015

468 Lettre à une stagiaire de vingt ans

Vous m'avez écrit pour solliciter « un stage dans ma structure ». Je ne vois aucun inconvénient à vous aider à clore vos études. Cependant, j'imagine que vous pensez trouver bureaux, structures, administrations, subventions et réunions pour préparer le Carnaval de Paris.

Je dois vous prévenir que vous arrivez dans une structure originale.

Le Carnaval de Paris est un événement autogéré organisé sur la base d'une structure dormante horizontale mise en route ponctuellement chaque année par une nébuleuse de direction où s'inscrit un commandement central régie par la « règle du gâteau », les traditions christiques et les traditions aristocratiques impériales russes.

Le développement de cet événement - dont le succès se confirme chaque année, - pourrait et devrait se faire à travers la renaissance du mouvement traditionnel français des goguettes, petites sociétés festives et chantantes de moins de vingt membres, régies par la « règle du gâteau ».

La « règle du gâteau » se base sur l'expérience culinaire et pâtissière : un gâteau, quand il est bon, sa pâte crue est bonne au goût. Cuite, elle est meilleure. De même, la préparation de la fête doit être agréable et la fête l'être également. Si la préparation commence à être pénible, ça signifie qu'on fait fausse route. Il est préférable d'organiser agréablement une fête avec 2000 participants - ou même juste 75 participants, - plutôt que de souffrir en organisant une fête avec 500 000 participants.

Le but d'organisation de la fête c'est le plaisir, y compris de ses organisateurs, et en aucun cas le pouvoir, la richesse matérielle ou la célébrité. Quantité de fêtes réussies sont réussies et restent inconnues du grand public.

La référence aux traditions christiques signifient que le motif premier du Carnaval est l'amour de son prochain. La référence à l'aristocratie impériale russe tient à ce que le refondateur du Carnaval de Paris est issu d'une famille noble russe qui durant cinq siècles servit les tsars dans la cavalerie de la garde impériale. La famille ayant fuit la Russie - suite à la Révolution bolchévique de 1917, - a quitté la tradition militaire depuis deux générations. À présent, le refondateur du Carnaval ne sert pas les tsars, mais sert le Carnaval. Son but est de rendre à cette occasion le plus de gens heureux possible. Comme il le rappelle souvent : « s'amuser est une affaire très sérieuse ». Et même, sur le mode humoristique, il dit plutôt : « s'amuser est la seule activité sérieuse ».

Vu le fonctionnement original du Carnaval de Paris, quelle pourrait être votre implication pratique ? Elle pourrait s'inscrire dans la reconstruction du mouvement des goguettes, base traditionnelle de l'organisation de la fête populaire en France. Il y avait jadis des milliers de goguettes chez nous.

Si, à l'issue de votre stage, vous avez réussi à mettre en route un nombre même très restreint de goguettes, votre stage sera pleinement réussi. Une goguette, c'est un groupe chantant de moins de vingt personnes, qui se réunit ponctuellement pour passer un moment agréable et chanter des chansons. C'est la clé de la réussite des plus beaux carnavals de France, à Dunkerque et dans les villes alentours. Là, en chantant et dans une joie indescriptible, et une chaleureuse fraternité, toute la population participe à la fête. Les goguettes portent dans cette région le nom de « sociétés philanthropiques et carnavalesques ». Le nombre de leurs participants est le plus souvent de douze, exceptées trois ou quatre sociétés qui en comptent une cinquantaine. Si vous voulez participer à cette renaissance à Paris, vous êtes la bienvenue. Et vous aurez de quoi faire et agréablement. Alors, à bientôt peut-être.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 novembre 2015

dimanche 22 novembre 2015

467 Le bolneur d'être heulleux...

Un dimanche matin, prenez une couette bien chaude, un pyjama confortable et une agréable veste d'intérieur. Glissez vous seul sous la couette. Uni-libre, jouissez du bolneur d'être heulleux. Pas de réveil-matin pour vous agresser en vous envoyant bosser revoir la tête de con de votre chef adoré. Pas de bonne femme échevelée à vous grogner d'une voix éraillée : « lèves-toi, et vas chercher du pain pour le petit déjeuner ! » Non, rien de tout ça, la tranquillité, le bonheur ? Ah oui, aussi, pas de journaliste à la con pour vous déverser sur votre table le sac d'ordures puantes des mauvaises nouvelles du monde entier. Sous prétexte de vous informer, il cherche à vous faire pleurer.

Le bonheur ? Non, le bolneur ! Il faut un nouveau mot. Et pourquoi ? Songeais-je sous ma couette. Parce que, soi-disant, le bonheur, c'est obligatoirement avec une femme ou un homme. C'est « l'amour ». J'ai compris, à force de m'en prendre plein la gueule, que l'amour en question est une belle saloperie. Et la recherche de « l'amour » est le meilleur moyen de se rendre malheureux. Seul, on est bien. Mais, à force d'être connoté « amour », il faut bien un autre mot pour ce vrai bonheur libéré de cette saloperie de si bonne réputation. Alors, ce sera le « bolneur ». Et être heureux ? Non, encore un mot connoté « amour ». J'invente un autre mot nouveau : « heulleux ». Et puis, « seul », ça fait triste et moche, de même que « solitude ». Alors, ce sera « uni-libre » et « uni-liberté ».

Comment ? Je blasphème en disant du mal du sacro-saint « amour » tant vanté ? Eh oui ! Inventez autre chose. Moi, je vois mon bonheur et ma tranquillité seul sous ma couette... Oh ! Pardon ! Je voulais dire : je vois mon bolneur et goûte le plaisir, uni-libre, d'être enfin parfaitement heulleux.

J'ai juste été dérangé par le coup de fil d'une amie. Et puis, enfin, me suis levé, mettre à cuire un beau chou-fleur pour le déjeuner. Que je mangerais tout à l'heure avec une excellente saucisse offerte par un ami. Et, en attendant, j'écris ce petit texte jouissif et revendicateur du bolneur.

Vous voulez chercher « l'amour » quand-même ? Eh bien, aillez-y ! Bon courage ! Moi, je vous laisse. J'ai mieux à faire. Je suis heulleux et vais manger mon chou-fleur !

Sans oublier la saucisse. Et qu'on ne me parle pas de « sexe ». De ce côté-ci, on se débrouille très bien tout seul. Et en ne risquant rien, ni maladies vénériennes, ni dépression.

La vie continue. J'ai ouvert Internet. Rien que des mauvaises nouvelles. J'ai fermé Internet. Plus aucune mauvaises nouvelles. Hier, j'ai séché un dîner entre amis. Motif : ils allaient ressasser durant cinq heures les horreurs récentes de l'actualité. Je suis resté chez moi écrire sur divers sujets.

Il est déjà presque treize heures. Je vous laisse. Mon repas m'attends. J'ai faim. Et cette après-midi j'irai chanter des chansons avec des amis dans la Goguette des Machins Chouettes. L'amitié, l'amusement et la fête, il n'y a que ça de vrai ! Et aussi, une couette bien chaude, le dimanche matin, seul, dans son lit, à rêver. Et imaginer de quoi alimenter cette petite page légèrement iconoclaste destinée à enrichir mon blog philosophique.

Je la compléterais peut-être ce soir et la publierais, me dis-je. En attendant : place aux plaisirs de la table avant ceux de la chanson et de l'amitié ! Et puis, finalement, je la met en ligne tout de suite.

Ce soir, je pourrais écrire : la journée est passée comme un rêve. On a chanté. Tout s'est bien passé. Mais, déjà, jeudi soir, j'ai passé plusieurs heures à chanter dans une assemblée bien sympathique. Nous avons résisté à la morosité en chantant de jolies chansons, dont quelques-unes de circonstance. Le bolneur, c'est de chanter !!! Tous mes vœux de bolneur au lecteur !

Basile, philosophe naïf, Paris le 22 novembre 2015

samedi 21 novembre 2015

466 La grève des hommes, échos du machisme ordinaire

J'ai connu, il y a bien des années, un philosophe qui écrivait des livres, faisait de la politique, déclarant défendre des causes justes et généreuses, et enseignait à l'université. De son propre aveu, il passait le plus clair de son temps à écrire tard le soir et jusqu'à un peu dans la nuit. Il dormait ensuite et se levait vers onze heures du matin. Sa femme, elle, avait un emploi classique avec des horaires diurnes. J'étais un jour en visite chez ce philosophe, qui avait donc une belle vie très confortable. Le soir arrive, sa femme rentre, fatiguée par sa journée de travail. Le philosophe l'accueille. Et je l'entends lui dire : « Il y a un colis à chercher à la poste. »

Ce philosophe n'avait pas le temps de faire cette commission et y envoyait tranquillement sa... bonniche d'épouse ! Et vive la généreuse philosophie de ce généreux philosophe !

Les machos, et ils forment l'écrasante majorité de la population mâle de notre planète, sont de parfaits feignants. Qui poussent ou contraignent leur femme à réaliser une immense quantité de tâches ingrates, répétitives, ennuyeuses et ménagères. Ils le font avec la plus grande tranquillité d'âme et la plus sereine et parfaite mauvaise foi du monde.

En 1980 en Angleterre, un jour de grand soleil au camping de Brighton, j'ai vu avec une amie une scène frappante et parlante. Une dame sexagénaire, visiblement très fatiguée, s'escrimant avec un très grand bac en bois où elle lavait du linge. Et, juste à côté, sur un lit en toile pliant, un gros monsieur sexagénaire, en short, allongé et prenant le soleil. Mon amie et moi sommes restés un instant scotchés, au point que l'homme s'est aperçu de notre réaction. Et que ça a paru le déranger.

Un vieil ami à moi s'était fait une spécialité quand sa femme lui demandait d'habiller leur petit garçon le soir pour aller dormir : « Je ne sais pas où est le pyjama du petit. » C'était sa phrase fétiche. Et voilà qu'un jour, c'est « le petit », qui, entendant ces mots familiers, lève le bras et indique d'un doigt mal assuré le meuble où était rangé le fameux pyjama ! Sa maman a été horrifiée. Au bout de dix ans de mariage elle a divorcé. En m'expliquant que, mère de deux enfants, elle en avait assez d'en avoir trois à la maison. Le troisième étant son mari.

Aujourd'hui cet homme, par ailleurs très sympathique, fait dans son foyer de la résistance vaisselière. Quand sa compagne lui dit de faire la vaisselle, il trouve tous les moyens dilatoires pour la remettre à plus tard. Tout en espérant qu'à la fin, un autre la fera à sa place. Il a une fois mis la vaisselle à tremper dans une bassine avec de l'eau. Et ensuite a résisté une dizaine de jours sans y toucher. Au point qu'à la fin des moisissures ont commencé à apparaître dans la bassine !

Et avec ça, ce homme est de la plus totale et parfaite mauvaise foi. Il affirme haut et fort ne pas être machiste ! Son père, que j'ai connu, était exactement comme lui. De nos jours, c'est à la mode à Paris de déclarer ne pas être machiste. Alors qu'on l'est jusqu'au bout des ongles. Le grand truc pour éviter les tâches ménagères consistant à trainer pour les faire. Et si on les fait, les faire mal. Un homme que j'ai connu m'a déclaré avec un grand sourire qu'il ne savait jamais où se trouvait les différentes affaires dans sa maison. Ainsi, c'était toujours finalement sa femme qui faisait à la maison toutes les tâches ménagères.

Cette grève des hommes est très ancienne. Elle a pour but de maintenir les femmes dans leur esclavage domestique, en faisant mine d'être incapable d'assumer les tâches domestiques. On connaît le célèbre et féminin : « laisses ça ! Je sais mieux et plus vite le faire que toi ! » Cette grève des hommes est en fait une tradition très ancienne de manipulation de la femme par l'homme. Chez certains hommes, elle apparaît pratiquement comme une « seconde nature ».

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 novembre 2015

vendredi 20 novembre 2015

465 Changer le paradigme de la relation amoureuse

La relation spécifique, souvent dite « amoureuse » ou « sexuelle », est dans notre société régie par une quantité d'idées, traditions et dogmes. Ainsi, quand deux êtres humains se rapprochent de la sorte, on s'attend à ce que cette relation soit proclamée. Ce qui signifie une annonce publique à l'entourage. « Je sors avec untel ou une-telle », « je suis avec untel ou une-telle », « untel c'est mon copain » ou « une-telle c'est ma copine ».

La relation étant sensée être optimum et donc par définition unique, autorise et même justifie et encourage la jalousie.

À la relation proprement dite s'ajoute un lien matériel. On est « ensemble », on partage le même logement et les mêmes factures d'électricité. Ce qui peut entrainer des étincelles. Celui ou celle qui a l'impression de descendre toujours la poubelle et pas l'autre. Le tube de dentifrice laissé ouvert dans la salle de bain, etc. sont cause d'éventuels incidents. Une amie avec laquelle j'ai partagé ma vie durant quelques années me disait un jour : « tu te rends compte, on ne s'est pas disputé une seule fois à propos de savoir qui descendait la poubelle ! »

Enfin, pièce essentielle de la relation dite « amoureuse » ou « sexuelle » :  le « sexe » ritualisé qui va régler un certain nombre de choses dites « physiques », depuis le bisou sur la bouche, auquel vont s'ajouter des gestes divers au premier chef le coït. Une amie me disait un jour, pour justifier sa séparation de son petit copain : « tu te rends compte, on ne faisait même plus l'amour ! »

Les magazines sont remplies de nos jours d'articles racoleurs et hautement fantaisistes expliquant quel nombre de fois les « amoureux » se doivent de se limer l'un l'autre pour être en accord sentimental. Ces boursouflantes âneries sont autant en vogue aujourd'hui que l'étaient hier les discours inverses. On y vantait la justesse de ne pas faire l'amour trop souvent.

Tous ces discours, conventions et dogmes relationnels confortent deux concepts très en vogue et indéfinissables : la « jeunesse » et la « vieillesse ». Quand est-on jeune ? Quand devient-on vieux ? Mystère et boule de gomme. En fait, on est jeune quand on est baisable. Et vieux quand on ne l'est plus. Tel est le fond hypocritement inavouable de ces définitions.

Je suis moi-même classé parmi les vieux. Pourquoi ? Parce que je suis vieux, moche et pauvre en regard des définitions dominantes de la jeunesse, la richesse et la beauté.

Vieux, car j'ai passé l'âge où « on fonde une famille », donc : vieux.

Moche, parce que je ne suis pas beau en regard des critères esthétiques à la mode.

Pauvre, parce que je ne dispose pas d'argent libre pour faire des dépenses dispendieuses.

Personnellement je me trouve jeune, beau et riche, mais pas dans le sens officiel reconnu de ces mots. Jeune, parce que je suis ouvert d'esprit, curieux, capable de modifier mon point de vue et que j'aime les gens. Beau, parce que je fais de belles choses et pas parce que j'ai de très belles dents artificielles comme beaucoup de célébrités. Et riche, car je pense être riche de cœur. Pour ce qui est du matériel je ne vais pas me plaindre parce que je ne suis pas riche de ce point de vue. Il y a une très grande quantité de gens riches ou très riches qui me semblent moins heureux et serein que moi.

Mais je sais que pour quantité de gens, rien qu'à me voir ou savoir mon âge, ils me classeront automatiquement dans les « vieux ». Et, si je m'adresse à une jeune femme ou jeune fille, ils seront incapable de s'imaginer que je ne cherche pas à la draguer, à vivre « une aventure ». Ils sont tellement stupides qu'ils vont tout de suite penser : « mais, il pourrait être son père ou son grand-père !! » Alors que cette phrase ne veut rien dire, sauf qu'on se situe sur le terrain des définitions classiques en vogue de la « vieillesse » : pas baiseur, pas baisable, et de la jeunesse : baiseur, baisable. Ceux qui raisonne ainsi sont des ânes. Ils sont très nombreux. Le malheur est que ce genre de déraisonnements est aussi l'apanage de gens paraissant de prime abord raisonnables et sensés.

Les règles et dogmes régnants sont inadaptés à la vie. Il faut tout changer.

Et pour cela trouver, définir un autre paradigme de la relation amoureuse.

Tout d'abord il n'y a pas lieu qu'une relation dite « amoureuse » soit proclamée ou niée. Elle existe et concerne les personnes impliquées. Il n'y a pas lieu de prétendre « l'officialiser » avec des mots. Chaque relation étant différente des autres il est de plus stupide de vouloir lui fixer un cadre identique aux autres.

La jalousie est à rejeter, de même que le  refus de la jalousie. Il faut expliquer ici le sens de ces mots. Jaloux, tout le monde sait ce que ça signifie. En revanche, il arrive que des personnes très malignes déclarent « refuser la jalousie ». En réalité, très souvent, elles ne quittent pas le terrain de la jalousie et la jalousie même. J'ai connu une telle situation. L'amie que j'avais m'avait déclaré rejeter la jalousie. En fait ça l'assurait ainsi de sa pleine liberté de faire ce qu'elle voulait. En revanche, alors que je n'avais aucune intention spéciale, comme je lui parlais de mes connaissances féminines, elle s'arrangeait pour m'en isoler. Tout le profit était pour elle. En fait, il faut simplement respecter soi et l'autre. Ces discours sur l'absence de jalousie dissimulent souvent bien autre chose. Je préfère quelqu'un qui me dira simplement et sincèrement : « je suis jalouse », à quelqu'un qui me dira hypocritement : « je rejette la jalousie ».

S'agissant du lien matériel entre amoureux, il n'a ni à être accepté, ni à être refusé. Il doit cesser d'être lié à « l'amour ». S'il existe des liens matériels, ils existent comme ils pourraient exister en général entre deux individus qui ne sont pas « amoureux ». De tels liens doivent être banalisés.

Le « sexe » ou le refus du « sexe » doivent être également rejetés. Ce qui est à rechercher, c'est l'authenticité. La question « doit-on ou ne doit-on pas faire l'amour ? » est ridicule et stupide. Elle est égale à la question : « doit-on ou ne doit-on pas manger ? » La réponse est : ça dépend.

Le désir authentique est plutôt rare. Quant à l'acte sexuel, il n'est ni le but de la vie, ni la base de la relation.

Combien de gens sont prêts à remettre en question les règles existantes, plutôt qu'à persister à bricoler celles-ci, tricher et mentir ? Peu, sans doute, mais quand on en fait partie, c'est pour la vie.

La recherche est inhérente à l'homme. D'autres, tout comme moi, cherchent également. J'espère bien en rencontrer.

Mais je me sens un peu comme un mutant. Vous me voyez abordant une jolie fille et lui expliquant : « changeons de paradigme » ? Elle se dira très certainement : « il est bizarre, celui-là ». Ou bien encore : « il utilise une méthode de drague très originale, totalement stupide et ridicule ». Avec ça, il est facile de se sentir isolé et coupé des autres, mais lucide. Ce que je préfère, plutôt qu'être, comme d'autres, dans l'obscurité et la brume, avec l'illusion rassurante de voir clair.

 La lucidité n'apporte pas forcément le bonheur, mais donne la sérénité.

Basile, philosophe naïf, Paris le 20 novembre 2015

mardi 17 novembre 2015

464 L'obligation de remplir l'espace médiatique

Les hommes et les femmes politiques sont des gens qui se sont mit en tête d'être nos chefs. Ce à quoi ils excellent parfois. Ce rôle qu'ils ont choisi les contraint à devoir remplir une étrange obligation : le remplissage de l'espace médiatique. Car ils sont en permanence en campagne électorale ou inter-campagnes électorales pour recueillir nos voix.

Or, comme tout homme ou toute femme, ces leaders sont compétents dans certains domaines ou pas. Mais, il leur faut paraître quasiment infaillible en tout. Le résultat, en plus de certains flops fameux, est la vacuité de certains chapitres de certains programmes politiques. On sent qu'il a fallu remplir ceux-ci avec quelques phrases creuses, car on ne savait pas quoi y mettre. Ainsi, on a répondu à l'ensemble de toutes les préoccupations ! Il ne faut surtout pas dire qu'on ne sait pas. Ce qui est humain. Mais, l'électeur moyen ne veut pas d'un candidat humain à élire. Il veut, il exige, un candidat plus qu'humain, une sorte de super-héros de bande dessinée. Mais les super-héros, justement, n'existent que dans l'imaginaire et pas dans la réalité. Le super-héros politique doit être d'une moralité absolue, ne jamais mentir, être toujours courageux, poli, honnête, prévoir l'avenir, protéger la veuve et l'orphelin, etc. Ce portrait infantile du leader politique témoigne, ou bien qu'on est dans une dictature, ou bien qu'on est dans une démocratie où les électeurs sont des rêveurs.

Un aspect du remplissage nécessaire de l'espace médiatique fait qu'il faut faire des déclarations en permanence sur tout ce qui est important, même s'il n'y a rien à dire. Ainsi, quand une enquête est en cours après une incident désagréable quelconque, il faudrait attendre son résultat. Mais non ! Il faut déjà faire des déclarations martiales anticipant les conclusions des enquêteurs.

Quand un désastre arrive, il faut accourir assurer les victimes ou leurs proches de sa solidarité. Et si on ne ressent rien, il faut feindre l'émotion. Il existe à ce propos une anecdote célèbre qui date du 4 juin 1922 dans un cimetière de Verdun. En France, au début des années 1920, le Président de la République Raymond Poincaré devait sacrifier à de nombreuses obligations concernant l'hommage aux soldats morts durant la Grande Guerre. On imagine le tableau. Mines de circonstances, discours remplis de beaux clichés patriotiques, dépôts de gerbes de fleurs, serrage de mains, etc.

Mais, à force de faire des dizaines de fois les mêmes gestes, ils deviennent mécaniques et vides de sentiments. Poincaré n'était pas forcément un méchant homme indifférent aux multiples drames de la guerre. Mais, quand arrive pour la énième fois la visite d'un cimetière militaire, on peut finir par penser à autre chose. Et, justement, lors d'une de ces visites funèbres, selon une version, un colonel qui accompagnait le Président de la République lui glisse à l'oreille une bonne blague. On ignore laquelle. Ce qui est sûr en revanche, c'est que Poincaré rit en l'entendant. Et, juste à ce moment, un photographe immortalise l'instant. Le cliché ensuite sera abondamment diffusé avec le commentaire qu'il entraîne : « Poincaré, l'homme qui rit dans les cimetières. » On le voit, on n'a pas attendu l'apparition des téléphones qui filment pour surprendre et dénoncer ainsi la supposée absence de sincérité d'un homme politique. D'autres disent que le soleil fit grimacer Poincaré, qui n'a pas rit.

Dans un domaine nettement plus pacifique, j'ai pu, au début des années 1990, voir que les obligations des hommes politiques n'avaient pas changées depuis les années 1920. Dans un petit village, en Auvergne, je connaissais un peu le maire. Et, un jour où j'étais en visite chez lui, voilà qu'il doit s'en aller. Dans un hameau du village il va vite rejoindre la fête annuelle du four à pain. L'épouse du maire, visiblement excédée par l'obligation de son mari d'aller assister à ce rituel, s'est exclamée devant moi : « tu vas encore devoir aller à la fête du four ! » Eh oui, les hommes et les femmes politiques sont tenus de faire de la représentation ainsi. Et si ça peut paraître bête, c'est à l'image de la bêtise de leurs électeurs.

Basile, philosophe naïf, Paris le 17 novembre 2015

 L'Humanité, 19 juillet 1922, page 2, 3ème colonne.

463 Information et passionalisation

Quand un événement arrive, les médias peuvent en informer le public. Il leur arrive également de n'en parler ensuite que pour ajouter de l'émotion. Ce n'est plus de l'information, mais de la passionalisation.

L'exemple le plus classique est le suivant : un accident arrive. Les médias annoncent cet accident et informent qu'il a fait une victime. Là, c'est de l'information. Ensuite, les médias commencent à donner des détails sur la vie de la victime. Détails sans rapports avec l'accident, mais destinés à soumettre la sensibilité du public à un bombardement d'émotions. On va chercher à rendre la victime systématiquement la plus proche possible de gens qui ne la connaissaient pas.

Là, on est en pleine passionalisation. On cherche à confisquer l'émotivité du public. On ne l'informe plus. On l'intoxique avec une émotion qu'on va lui insuffler et qui ne lui apportera rien, excepté de la tristesse. Les médias sont alors, au nom de l'information, en pleine nuisance.

J'ai remarqué ce mode de procéder classique en lisant des journaux en Italie. La victime d'un événement grave survenu dans un autre pays était progressivement décrite. Visiblement pour que le lecteur soit persuadé qu'elle lui ressemblait. Et que ce qui lui était arrivé de tragique aurait put aussi bien lui arriver.

La passionalisation a notamment pour but de permettre de servir de l'information réchauffée. Quand un événement arrive, il fait vendre. Après, pour continuer à en parler, s'il y n'y a rien de nouveau, il faut bien en ajouter du côté passionnel. Comme ça, apparemment, il y a encore de l'information.

La passionalisation peut aussi servir à faire passer un message. Qui n'est pas forcément lié à l'événement. On va, par exemple, insister sur un aspect de l'événement. Qui confortera l'orientation politique du média concerné. Là on passera à la manipulation.

L'usage de l'image et de la vidéo servira massivement la passionalisation. Reprises en boucle, les vidéos accentueront la peine et l'angoisse du téléspectateur. L'usage de mots « forts », de clichés impressionnants, et l'appel à d'illustres inconnus « spécialistes » auto-proclamés et adoubés par les rédactions, pourront servir à alourdir un peu plus le tableau.

Au bout d'un certain temps, variable selon les périodes et les événements, l'information sensationnelle, comme un demi-citron pressé, sera jetée de côté par les médias, qui parleront d'autre chose.

Un des sujets sensationnels très repris ces dernières années concerne l'écologie. On annonce la fin du monde. Et l'instant d'après on parle d'autre chose dans le journal télévisé, par exemple d'un spectacle ou du dernier match de football.

Ce qui traduit bien l'indifférence des transmetteurs d'émotion. J'ai pu en avoir la démonstration il y a une quinzaine d'années. Je connaissais l'auteur d'un reportage télévisé sur un événement très tragique survenu en bord de mer. Il m'a raconté ce reportage comme une agréable excursion professionnelle. Il avait tourné un beau « sujet ». Avec une équipe sympathique était allé au bord de la mer. Et au cours de ce reportage, au restaurant, avait très bien mangé. Rien que du bonheur !

Mais le public de téléspectateurs qui avait reçu son reportage tragique en pleine figure ? Il n'y pensait même pas.

Basile, philosophe naïf, Paris le 17 novembre 2015

lundi 16 novembre 2015

462 Élections

462 Élections

Il paraît qu'il va y avoir
Des « élections ».
Ça veut dire qu'un certain nombre de gens
Inscrit sur un truc appelé « listes électorales »
Seront invités à se rendre
En un certain nombre d'endroits, généralement des écoles.
Là on leur remettra
Une enveloppe
Et une quinzaine de petits bouts de papier.
Ils devront choisir un de ces bouts de papier
Et le mettre dans l'enveloppe
En se cachant derrière un petit rideau.
Puis ils vont mettre l'enveloppe
Ainsi garnie
Dans une boîte.
On appellera cela :
« Voter ».
Ceux qui auront ainsi voté
Seront sensés être « le peuple souverain ».
Le concept de « peuple souverain »
Est un oxymore.
On est ou bien le souverain
Ou bien le peuple.
On ne peut pas être
Les deux à la fois.
Il ressort de cette constatation
Que tout ce qui précède
Est une vaste blague.

Basile, philosophe naïf, Paris le 16 novembre 2015



461 Le malheur et la fête

Il existe un très étrange point de vue qui prétend que, quand il se passe des choses tristes, il n'est pas correct, décent, raisonnable, admissible de s'amuser et faire la fête. Ce point de vue revient à déclarer que le malheur est un élément qui nous définit. Nous nierions, insulterions même notre identité si, ayant des motifs pour pleurer, nous nous hasarderions à rire. « Quand on est en deuil, ce n'est pas décent de s'amuser... » Au nom de ce « principe », dans quantité de sociétés traditionalistes et religieuses, on voyait les femmes se vêtirent de noir au premier deuil dans leur famille, même un deuil éloigné. Et rester vêtues de la sorte jusqu'à la fin de leur vie. C'était vrai encore il y a quelques décennies, par exemple en Pologne et je crois aussi au Portugal. Je me souviens avoir vu une dame comme ça dans les années 1990. Elle prenait le métro aux mêmes heures que moi le matin. Ce qui fait que je l'ai aperçu à plusieurs reprises. C'était assez impressionnant. C'était une dame d'une quarantaine d'années intégralement habillée de noir de la tête aux pieds, du foulard noir sur la tête jusqu'à ses grosses chaussures également noires. Robe noire, bas noirs, tout était noir sur elle.

Les ennemis de la fête et de la joie adorent exhiber ce grand principe qui voudrait qu'au nom de la « décence » il serait naturellement et évidemment prohibé de s'amuser. Par respect des malheureux, il faudrait renoncer à être heureux. Un de mes amis qui préparait le Carnaval de Cherbourg-Octeville il y a quelques années s'est ainsi un jour fait engueuler par un automobiliste qu'il ne connaissait pas. « Comment ? Vous voulez faire Carnaval alors qu'il y a tant de chômage ! »

Donc, il faut, non seulement souffrir du chômage, mais de plus, souffrir de l'absence de distractions. Et, se priver de Carnaval donnera-t-il du travail aux chômeurs ? Bien sûr que non. Sans compter que le Carnaval est une fête gratuite à la portée des pauvres, tandis que la plupart des distractions étant payantes, il ne peuvent pas en profiter. Tuer le Carnaval c'est desservir les pauvres et les chômeurs.

Un prêtre de Venise disait il y a des années à la télévision qu'il faisait Carnaval. Et que ça lui donnait des forces pour aider les malheureux. J'ai parrainé la création d'une compagnie carnavalesque parisienne regroupant des femmes handicapées. J'ai ainsi pu faire profiter à ses adhérentes du Carnaval de Paris. Par la suite, j'ai vu des personnes très malades venir assister à cette fête ou y défiler. J'ai eu l'occasion de voir la photo d'une femme en train de rire. Elle était amputée en trois endroits, costumée en zèbre et installée sur une carriole hippomobile au Carnaval de Paris. Quel meilleur justificatif peut-on fournir de la nécessité et du caractère positif de la fête ?

En 1919 à Dunkerque, les fourriers de la tristesse et la morosité ont tenté une action pour empêcher la renaissance du Carnaval de la ville après l'interruption causée par la Grande Guerre. Une campagne d'affiches fut faite à Dunkerque pour proclamer que s'amuser au Carnaval c'était manquer de respect pour la mémoire des nombreux morts de la guerre ! Non seulement il avait fallu supporter les horreurs et les deuils de la guerre, mais en plus il ne devait plus être question de s'amuser ensuite ! Les Dunkerquois résistèrent à cette campagne. Le Carnaval repris. Ce fut pareil juste après la Seconde guerre mondiale, où les Carnavaleux défilèrent dans leur ville en ruines. La joie est plus forte que la guerre. Les médias veulent souvent nous forcer à ne penser qu'à des choses tristes. L'information triste se vend mieux que l'information joyeuse. Les nouvelles tristes représentent également le fond de commerce de certains politiques. Ils n'ont rien à proposer de positif. Alors, allons-y dans le négatif ! « On vous protège. Si nous n'étions pas là, ça serait pire, » disent-ils. « N'oubliez pas de voter pour nous aux prochaines élections. » Et puis aussi, parler de certaines choses tristes permet de justifier de ne pas régler d'autres choses tristes. Quand j'étais petit, dans les années 1960, le leitmotiv que j'entendais inlassablement répéter dans les déclarations officielles était : « il faut penser aux Français les plus défavorisés ». Ce discours officiel permettait de justifier le fait de ne pas penser à bien d'autres personnes.

Basile, philosophe naïf, Paris le 16 novembre 2015