Il faut libérer l'amour
des chaînes de la « sexualité obligatoire ». Ce qui ne
signifie pas se libérer de la « sexualité » au sens
large du terme. On ne voit pas comment ce serait possible. Mais se
débarrasser de la prétention à imposer l'association de la
recherche de l'acte sexuel à tous les sentiments d'amour.
La perversion des mots a
fait que l'expression « amour libre » est devenu synonyme
d'obligation de baiser. Plus précisément obligation pour les femmes
d'accepter de satisfaire les appétits sexuels des hommes. Accepter
de subir l'acte sexuel quand elles n'en ont pas envie.
Il y a bien des années,
une dame m'a lâché sans raison durant une conversation sur un autre
sujet qu'elle était adepte de « l'amour libre ». Je n'ai
pas relevé. Elle voulait dire en fait avec ces mots qu'elle me
trouvait à son goût pour tâter de ma queue. Depuis, elle m'en
veut.
Durant la période
baptisée « révolution sexuelle », des étudiantes d'une
université américaine qui en avaient marre en suivant la mode de
servir de vide-couilles à tous les obsédés de leur établissement,
organisèrent une riposte. S'étant concertées, elles rédigèrent
et diffusèrent un tract où elles comparaient le niveau des
« prestations » sexuelles des divers coqs locaux. Ce
tract fit un effet épouvantable à tous les adeptes présents de la
soi-disant « liberté sexuelle » et disparu très vite.
L'anecdote m'a été racontée par une étudiante iranienne de Paris
au début des années 1970. Je n'ai pas pensé à lui demander le nom de
l'université américaine concernée.
A la même époque, cette
même étudiante se plaignait que dans les codes en usage dans les
facultés parisiennes le fait pour un étudiant de dire à une
étudiante « tu viens prendre un café ? » signifiait
tout simplement : « tu viens baiser avec moi ? »
Durant ces années-là,
dans certains milieux intellectuels ça baisait dans tous les coins.
Les hommes adeptes de la tendance du moment avaient l'impression que
la société se muait en un immense bordel gratuit. Ça dura un
temps. Ensuite, dès l'arrivée du SIDA, quantité de jeunes filles
s'appuyèrent sur la peur de la contagion pour envoyer bouler les
dragueurs qui les sollicitaient. L'un d'eux, déçu et étonné,
s'exclamait devant moi : « on dirait qu'elles en ont toutes
peur ! »
Le temps a passé. Le
discours s'est institutionnalisé. Le sexe est devenu un produit à
consommer comme un autre. Il n'est pas question d'amour dans les
magazines et les sites Internet. Il est question de « couples ».
Un « couple » se caractérise par le fait que ses deux
composantes baisent et doivent baiser régulièrement ensemble. Si
l'une des deux composantes ou les deux n'en ont pas envie, il y a
« panne de désir ». Ce propos inepte fait de la faim
sexuelle une faim institutionnelle. Vous devez la ressentir. Sinon
vous devez consulter un psy.
Cette manière de voir la
vie signifie que l'amour est forcément associé à la recherche de
l'acte sexuel. C'est un non sens absolu. L'amour est indépendant du
coït.
Affirmer cette vérité
c'est aller à l'encontre d'innombrables écrits, livres, articles,
discours, sites Internet et émissions de radio ou de télévision
qui font du sexe un sport national. Mais au fond, mettre mal à
l'aise les adeptes de la bêtise et du mensonge, si nombreux
soient-ils, n'est pas un problème. Le grand débat sur l'amour et la
sexualité n'a jamais été vraiment ouvert. Les hommes se sont
beaucoup écouté parler. Les femmes se sont beaucoup tues. Il est
très largement temps que cette situation change radicalement. Que
les hommes acceptent d'entendre des vérités si désagréables
soient-elles pour eux. Qu'on commence à sortir enfin de ce bourbier.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 28 août 2016
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