Aujourd'hui, le monde
marche sur la tête, car il croit avoir inventé « le bonheur
obligatoire » pour tous. Comme me le disait un jeune homme
rencontré aux Beaux-Arts il y a une quarantaine d'années : « tout
le monde trouve chaussure à son pied ». Un jeune loubard de
province, d'allure plutôt pacifique, me disait il y a deux ou trois
décennies : « je veux rencontrer une jeune fille sérieuse. »
Quantité de sites Internet vous expliquent comment mitonner,
corriger, réparer, assurer le bonheur clé en main. Ou plutôt cul
et cœur en main : ce serait l'amour, c'est-à-dire deux louches de
sentiments chauds, plus une louche de sexe brulant, et quelques
cuillerées de malentendus glacés, à réussir avec intelligence à
éliminer. Et le bonheur serait là, garanti, à durée illimitée.
Ne dit-on pas que « l'amour est éternel » ? Comme c'est
étrange : l'amour serait éternel entre deux humains qui, par
définition, ne le sont pas. Diable ! Il doit y avoir quelque chose
qui cloche là-dessous !
Mais ce bonheur « idéal »
de quoi s'agit-il ? Deux individus généralement plutôt de sexe
opposé, mais pas toujours pour tout le monde, s'aiment et font
l'amour. Doivent faire obligatoirement et impérativement l'amour.
Mais comment le bonheur, qui sous-entend détente et liberté peut-il
s'accommoder d'une telle obligation. Et quelle en est l'origine ?
Le modèle choisi est
masculin. L'homme se branle régulièrement dès l'âge de 12-13-14
ans et veut conséquemment baiser en permanence. Donc l'Humanité,
c'est-à-dire l'autre partie de l'humanité, la femme, doit
soi-disant se régler sur lui. D'ailleurs, pour plus de sureté,
notre code civil français disait jadis : « la femme doit
obéissance au mari. » Donc, elle devait aussi lui obéir au
paddock.
Mais où a-t-on été
chercher cette idée de baise régulière et obligatoire accompagnant
« l'amour » ? Où et quand les hommes ont-ils pratiqué
régulièrement ainsi leurs exercices sexuels ? Dans un lieu
considéré très longtemps comme parfaitement honorable : le bordel.
Dans celui-ci le client paie avec de l'argent. Dans le couple idéal,
il paie en nature et le contrat est réciproque : « tu me
baises, je te baise en échange et le contrat est rempli. »
Cette vision de
« l'amour » est celle qui corresponds à un michetonnage
réciproque. Un « micheton » c'est le client d'une
prostituée. Là, chacun est le client de l'autre et paie avec son
corps. Et le résultat serait « le bonheur ». Et pourquoi
donc serait-ce le bonheur?
Et si la baise s'arrête,
le contrat est rompu, on se sépare. Mais, alors, la base de
« l'amour » serait... la baise ? Ce ne serait pas des
sentiments mais un petit exercice physique à assurer régulièrement
? Quelle poésie ! Quel romantisme ! Le bonheur reposerait sur
l'émission de quelques centilitres de sperme dans un vagin ? Mais de
qui et quoi se moque-t-on?
Pour ma part, j'y ai cru.
J'en suis revenu. Ce discours ne tient que parce qu'on l'entend un
peu partout. C'est ça ou « n'importe quoi ». Et ce qui
rassure c'est que c'est honorable, reconnu, défini comme
« naturel ». Je ne me prononcerais pas ici pour dire si
« le mariage » est bon ou non, convient à tout le monde
ou non. J'ai moi y compris failli me marier et de bonne foi. C'est
l'autre qui s'est dérobé ensuite. Mais je remarque que
l'institution matrimoniale varie suivant les régions et les époques.
Ainsi, par exemple, au Tibet traditionnellement quand une femme
épousait un homme, elle épousait simultanément tous ses frères.
Dans certains pays le mari peut avoir plusieurs femmes, dans d'autres
non. C'est donc quelque chose de culturel. Si c'était naturel, il
n'existerait qu'une seule sorte de mariage et pas plusieurs. Donc,
même si on y adhère, le mariage n'est pas un phénomène naturel
mais culturel. C'est important à relever. Car l'invocation à la
Nature sert à justifier quantité de choses. Et la confiance dans
« la Nature » ainsi définie amène quantité de
déceptions. Par contre une chose est sûre : il peut être
parfaitement naturel de ne pas baiser ni se masturber et bien vivre.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 22 août 2016
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