Dans la société
française et parisienne et bien au delà, la plupart du temps
il est impossible de dire à quelqu'un « je t'aime ». La raison
est que ces mots sont piégés de manière sophistiquée. Soi-disant
l'homme aurait tout le temps envie de « faire l'amour ».
« Je t'aime » impliquerait cet « amour »
ainsi défini. Ce qui confère aux mots « je t'aime » le
sens direct de « je baise avec toi ». À
la base de ce sens impératif donné à ces mots on trouve donc cette
prétention à l'existence naturelle - ou tout au moins en tous les
cas effective, - d'un état masculin généralisé de rut permanent.
Cette
prétention se retrouve perturbant et empêchant d'autres aspects
relationnels. Le toucher se retrouve complètement sinistré ou
presque. On invente le mortifère et ridicule concept des
« préliminaires » : échanger des caresses conduirait
soi-disant forcément au coït. La communication visuelle voit la
nudité condamnée ou associée également au coït impératif.
Détaillant la « nudité », des zones de l'épiderme
humain sont proclamées plus « érotiques » que d'autres.
Les femmes et jeunes filles qui voudront ne pas se faire harceler
sexuellement encore plus que d'habitude auront donc intérêt à les
cacher. Un concept faux et abominable fera florès : celui de « zones
érogènes ». Soi-disant certaines zones de l'épiderme et des
muqueuses seraient vouées au coït impératif. Ce concept est faux. De plus une zone à priori pas du tout « érogène » pourra
causer à l'occasion par la caresse des effets voluptueux
extraordinaires. Et une zone très classiquement classée « érogène »
pourra à l'occasion rester largement insensible à la caresse. Tout
dépendra du moment, de la relation où s'inscrivent les caresses et
de l'état d'esprit des personnes caressantes et caressées.
Le
langage, le toucher, la vue ainsi censurés, l'amour pourra quand
même s'élancer entre deux individus qui sont ainsi privés de
moyens de communiquer. Ce qui pourra amener des situations confuses.
Les personnes concernées cherchant à exprimer l'amour qu'elles
éprouvent et ne sachant comment le faire. Ainsi, un jour, une jeune
fille cru bon de me montrer sa nudité. Je lui répondis non pas en y
« mettant les mains », mais par une poésie que je lui
fis parvenir par la suite.
La communication en usage dans notre société apparaît un peu comme un alphabet auquel manquerait certaines lettres, ou un dictionnaire encyclopédique auquel manquerait certains volumes. Comment se débrouiller alors pour communiquer et se faire comprendre ?
La communication en usage dans notre société apparaît un peu comme un alphabet auquel manquerait certaines lettres, ou un dictionnaire encyclopédique auquel manquerait certains volumes. Comment se débrouiller alors pour communiquer et se faire comprendre ?
Quand
je pense à un échange de caresses sans coït le mot qui me vient à
l'esprit pour le définir c'est : « coucher avec ».
Pourtant ces mots sont inadaptés. Ils évoquent le fait d'être
forcément allongés et forcément baiser. Le mot précis n'existe
pas ou du moins pas encore.
Et
si j'imagine une telle relation naissant entre une personne et moi,
il m'apparaît d'évidence que l'entourage y verra forcément une
relation coïtale. Ce qu'elle ne sera pas forcément.
Le
raisonnement de l'entourage sera faux et suivra notamment un autre
aspect de l'incompréhension établie : s'il y a caresses entre
adultes, il y a réactions au niveau génital. Donc, selon de très
nombreux imbéciles des deux sexes dont j'ai très longtemps fait
partie, ça implique le coït. Ce qui fait d'ailleurs que la vue de
l'érection, associée au coït, est définie comme indécente.
Cette
façon de classer l'érection conduit à l'existence du « slip
naturiste ». Chez l'homme, il consiste en une serviette portée
en, permanence à la main ou sur le bras ou les épaules par le
naturiste bien éduqué. Officiellement, cette serviette est là pour
s'asseoir. En fait, elle sert à dissimuler les « accidents »
quand la quéquette bondit vers le ciel. Le slip naturiste féminin
consiste en l'interdit non écrit de laisser voir son entrecuisses
visible. On le voit, même les naturistes réputés plus libéraux
que les autres sont loin d'échapper aux pièges sophistiqués et
invalidants de notre culture !
Basile,
philosophe naïf, Paris le 2 août 2016
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