Chez les humains des deux
sexes d'aujourd'hui, en tous cas en France et à Paris, et
certainement aussi en de nombreux autres lieux, la parole n'est pas
libre. J'entends ici s'agissant spécifiquement de la relation
particularisée entre les sexes. Relation considérée souvent comme
« sexuelle » ou « relevant de la sexualité »,
sans trop de précisions quant à ses limites exactes.
S'agissant de leur
première et principale activité sexuelle, les hommes n'en parlent
autant dire jamais. Il s'agit bien sûr de la masturbation, qu'ils
pratiquent dès l'âge de 12-13-14 ans et tout le long de leur vie.
Remplaçant à l'occasion leur main par un orifice naturel d'un ou
une partenaire utilisé comme substitutif. Et non dans le cadre d'une
relation sexuelle effective entre deux êtres humains.
Dans l'art et la
littérature, je n'ai trouvé parler de la masturbation que dans les
souvenirs de Cavanna et dans une chanson de Manu Lods. Dans la vie
courante, j'ai croisé des milliers de personnes depuis ma jeunesse.
Je n'ai rencontré qu'une seule et unique fois un jeune homme un peu
« rock'n rolle » qui s'est exclamé devant un groupe
qu'il s'était masturbé ce jour-là et s'en était bien ressenti.
Sinon, c'est le silence absolu.
Dans ma famille, j'ai
deux frères. Seul l'un d'eux y a fait devant moi une vague allusion
une seule fois. L'autre, je ne l'ai jamais entendu évoquer ce sujet.
Qu'il a certainement « abordé » pratiquement, vu son
goût pour l'achat de revues aux photos féminines dénudées que je
lui ai connu.
S'agissant de mon père,
il ne m'en a parlé que deux fois. Quand j'étais enfant, je
feuilletais un ouvrage médical rédigé par un médecin catholique
très puritain. Et tombe sur une page traitant un maux de santé
inconnu : la « masturbation ». Je ne connaissais pas le
sens de ce mot. Je demande à mon père quel est sa signification. Il
me répond que c'est quand quelqu'un se frotte cet endroit là. Et
pourquoi donc ? A ma question ainsi formulée, il me répond :
« parce qu'il est fou. » Ma mère, présente et qui a
tout entendu, n'ajoute rien à ces propos paternels ineptes et
culpabilisants. Des dizaines d'années plus tard, j'interroge mon
père. Il a passé durant la dernière guerre trois années en
captivité en qualité de prisonnier de guerre français. Je le
questionne à propos de la captivité : « et l'absence de
femmes, ça n'était pas trop dur ? » Il me répond : « non,
il y avait la masturbation. »
La masturbation est un
sujet tabou chez les garçons. En tous les cas ceux que j'ai pu
approcher durant ma vie. Ils n'en parlent jamais. Ou alors, il n'en
parle pas librement, leur parole est comme prisonnière.
S'agissant des femmes,
celles-ci ne parlent jamais aux hommes du harcèlement sexuel
permanent qu'elles subissent tous les jours. Et qui peut culminer au
viol, dont elles ont une crainte permanente. Une femme en général
ne dira jamais simplement non à un homme qui la harcèle, mais
invoquera un motif extérieur à sa volonté. Elle dira par exemple :
« je ne peux pas te dire oui, parce que je suis amoureuse. »
Et non pas : « je te dis non, parce que je n'ai pas envie de ce
que tu me propose. »
La critique du
comportement sexuel masculin est très rarement faite ouvertement.
J'avais tout dernièrement exposé mon point de vue critique sur le
comportement sexuel masculin courant. Mon interlocutrice se retrouve
peu après devant moi en compagnie de deux hommes proches d'elle.
Elle fait une brève allusion sans précisions à notre conversation
et passe très vite à autre chose. Dans notre société on a appris
aux femmes à se taire. Éviter de parler de façon critique du
comportement sexuel masculin courant. Là aussi la parole n'est pas
libre. Il serait grand temps que la parole se libère. Sinon, comment
pourrons-nous avancer ? Pour ma part, je fais des efforts en ce sens.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 18 août 2016
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