vendredi 19 août 2016

617 Bonheur mode d'emploi ???

Sur Internet on trouve de tout s'agissant de la sexualité, et pas seulement un torrent de pornographie. On y trouve des conseils prétendant vous expliquer comment il faut faire pour être grâce au sexe parfaitement heureux et équilibré... eh oui ! M'sieurs-dames, rien que ça : le bonheur est dans le slip, le lit est le centre du monde. Nombre des précieux conseils que j'ai pu glaner en peu de temps sur Internet m'ont donné l'occasion de bien rire ! Ou bien pleurer, si je les prends au sérieux.

Le propre de tous ces jolis sites Internet est de prétendre qu'il existerait un domaine particulier, « le sexe », qui fonctionnerait en quelque sorte de façon indépendante du reste de la vie. Un peu comme si l'appétit pour manger serait distinct de l'alimentation. Alors que les intentions jouent un rôle fondamental dans la relation entre des humains, ici la relation seule serait en quelque sorte un produit de consommation. Je voudrais du sexe, premier choix, qualité bouchère, cordon rouge !

Pourtant, peut-on dire que j'apprécie une femme si je la caresse ? Bien sûr que si. Si le faisant j'apprécie sa sensibilité, sa réceptivité, son bonheur d'être caressée. Et pas « sa viande » comme le ferait un vulgaire dragueur. Mais pousser la compréhension de la relation jusqu'à ce point dépasse visiblement et de très loin les capacités de nombre de brillants conseilleurs trouvés sur Internet.

On trouve sur Internet quantité de sites qui descendent en flammes la masturbation... quand elle est manuelle, mais pas quand on remplace la main par un orifice sui generis d'un ou une partenaire. Se branler dans la main est condamné. Se branler dans un vagin, une bouche ou un anus est encensé. Ainsi je lis sur un site masturbophobe, dans une liste de « remèdes » à la masturbation : « vivez et pensez à planifier votre sexualité avec une ou un partenaire bien réel. »

On voit ici la morale traditionnelle montrer le bout de son nez. Faire sexe doit se faire dans les règles et dans les vases ad hoc. Il faut utiliser un partenaire ou une partenaire bien réel, et alors tout va bien.

Sur un site Internet vantant l'amour libre, il est précisé que « l'amour libre » implique « bien évidemment le respect de la parole donnée qui est la condition impérative de l'harmonie dans une société libre. » Ainsi, la morale traditionnelle qui est présentée comme niée est rétablie aussitôt au nom de « l'harmonie ». Harmonie dont la nature et le contenu exact n'est pas précisé.

Sur un site Internet prônant la jouissance, l'auteur s'empresse de préciser qu'il n'y a pas de « vraie jouissance sans confiance, et pas de confiance sans attachement. » Là également la morale traditionnelle est plébiscitée, au nom de la « vraie jouissance ». En quoi consiste cette « vraie jouissance », et aussi quelle est la nature de la fausse que l'existence de la vraie implique visiblement ? Mystère.

Le moteur du « sexe » serait « le désir ». Moteur indispensable, car sinon, oh horreur ! À en croire un site Internet, votre « relation de couple » risquerait très rapidement de se transformer « en amitié », voire pire encore : « en relation de voisin de palier » !

Mais là, apparaît un problème : Monsieur veut tout le temps, pas Madame, comment peut-on arranger ça sans déranger Monsieur ? D'abord l'excuser, le pauvre, s'il emmerde sans arrêt les nanas en prétendant les sauter, ce n'est absolument pas de sa faute ni de sa responsabilité. C'est la faute à la testotérone. Il n'est pas infidèle, il est juste plus motivé pour le cul que Madame, qu'il reluquera avec insistance quand il rentrera le soir du boulot. Et puis aussi, s'il est perpétuellement en train d'emmerder les nanas, c'est à cause de sa conformation physique. Son pénis est dehors. Tandis que le vagin est dedans. Tout le problème vient d'une question de différence de morphologie. Si ! Si ! C'est vrai. Je l'ai lu sur Internet.

Continuant à excuser le priapisme masculin, un autre site Internet l'explique par « le désir de procréation présent chez l'homme depuis la nuit des temps. » Connaissant la mentalité et les discours des dragueurs, on a ici le droit de rire.

L'ignorance de la physiologie masculine amène un site Internet à présenter l'éjaculation comme « le plaisir ultime » de l'homme. Sachant que le plaisir donné par l'éjaculation peut s'évaluer de moins seize à plus seize, on voit l'ignorance dont témoigne ce propos. Ignorance qui éclate deux phrases plus loin, quand le même auteur prétend que l'érection du réveil est « sexuelle » alors qu'elle ne l'est pas. Et n'a rien à voir avec un quelconque désir de coït.

Mais quand l'homme le soir a une érection réglée à trois heures vingt et pas à midi ou treize heures, et se réveille avec une érection réglée sur midi ou treize heures, il veut en profiter et empêche sa compagne de finir sa nuit de sommeil. Son priapisme frénétique conduira un jour l'homme à voir son sexe obstinément réglé sur six heures et demi. Mais ça viendra plus tard.

L'appétit sexuelle de l'homme, qui est une faim permanente et inassouvissable causée par la masturbation et alimentée par la pornographie, se retrouve sur un site Internet appelée à être calmée... par la cause-même. Il est conseillée à l'épouse harcelée de suggérer à l'homme de se masturber pour arriver à ce qu'il la laisse dormir tranquille la nuit. Mais ce n'est pas tout. Comment assurer à l'homme de pouvoir continuer à harceler tranquillement sa compagne ? Un site Internet répond à cette question.

Il faut que la dame parle au monsieur, mais sans oublier que l'homme est persuadé de « prouver son amour » en baisant. Et une excuse de plus, une !

Mais attendez, restez avec lui, Madame, avec le temps la testostérone sera produite en quantité moindre, votre partenaire surexcité et insupportable se calmera. Il deviendra tendre... Précision qui indique que jusqu'à présent il ne l'était pas. En attendant, ne le rejetez pas. C'est tout juste l'affaire d'une attente longue de quelques petites décennies. Une fois de plus, on voit ici la morale traditionnelle se pointer. Madame, supportez votre mari, c'est votre devoir. Y compris s'il est odieux au lit. Et, cerise sur le gâteau, votre libido croitra cependant que celui de votre seigneur et maître décroitra. Pour trouver enfin le point d'accord parfait. Et ce sera l'accord de la libido des deux mammifères de sexe opposé, et vous parviendrez à une vie sexuelle épanouissante. A condition, une fois encore, que la femme se soumette à l'homme... Ce genre de conseil montre bien qu'au nom de la « sexualité » on repasse le vieux plat réchauffé du machisme le plus traditionnel. Peu importe le sujet, ici encore, on conseille à la femme d'être juste un élément de mobilier dans la vie de l'homme. Je ne suis pas du tout d'accord avec ce mode de voir les choses.

Beaucoup de femmes également, qui font y compris momentanément des efforts d'adaptation à la sexualité dérangée de leur compagnon. Et finissent un jour par en avoir assez et le plaquent.

Il est tellement plus simple, au lieu de suivre ces « précieux conseils sexuels » sur Internet, de tout simplement s'écouter. Et ne pas suivre la mode mais sa nature et son authenticité personnelles. Il faut oublier la mode qui hier disait qu'il ne fallait pas baiser, ou si peu, juste pour se reproduire. Et qui prétend aujourd'hui qu'il faudrait baiser tout azimuts et en permanence pour trouver le bonheur.

Il n'existe qu'une seule recette de bonheur, qui est de vivre. Et justement d'éviter de suivre des listes de recettes qui sont par définition toutes fausses. La vie n'est pas un livre de cuisine à feuilleter pour organiser un bon repas. C'est autre chose, de bien plus varié, vivant, imprévu et passionnant.

Basile, philosophe naïf, Paris le 19 août 2016

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