Sur Internet on trouve de
tout s'agissant de la sexualité, et pas seulement un torrent de
pornographie. On y trouve des conseils prétendant vous expliquer
comment il faut faire pour être grâce au sexe parfaitement heureux
et équilibré... eh oui ! M'sieurs-dames, rien que ça : le bonheur
est dans le slip, le lit est le centre du monde. Nombre des précieux
conseils que j'ai pu glaner en peu de temps sur Internet m'ont donné
l'occasion de bien rire ! Ou bien pleurer, si je les prends au
sérieux.
Le propre de tous ces
jolis sites Internet est de prétendre qu'il existerait un domaine
particulier, « le sexe », qui fonctionnerait en quelque
sorte de façon indépendante du reste de la vie. Un peu comme si
l'appétit pour manger serait distinct de l'alimentation. Alors que
les intentions jouent un rôle fondamental dans la relation entre des
humains, ici la relation seule serait en quelque sorte un produit de
consommation. Je voudrais du sexe, premier choix, qualité bouchère,
cordon rouge !
Pourtant, peut-on dire
que j'apprécie une femme si je la caresse ? Bien sûr que si. Si le
faisant j'apprécie sa sensibilité, sa réceptivité, son bonheur
d'être caressée. Et pas « sa viande » comme le ferait
un vulgaire dragueur. Mais pousser la compréhension de la relation
jusqu'à ce point dépasse visiblement et de très loin les capacités
de nombre de brillants conseilleurs trouvés sur Internet.
On trouve sur Internet
quantité de sites qui descendent en flammes la masturbation... quand
elle est manuelle, mais pas quand on remplace la main par un orifice
sui generis d'un ou une partenaire. Se branler dans la main
est condamné. Se branler dans un vagin, une bouche ou un anus est
encensé. Ainsi je lis sur un site masturbophobe, dans une liste de
« remèdes » à la masturbation : « vivez et pensez
à planifier votre sexualité avec une ou un partenaire bien réel. »
On voit ici la morale
traditionnelle montrer le bout de son nez. Faire sexe doit se faire
dans les règles et dans les vases ad hoc. Il faut utiliser un
partenaire ou une partenaire bien réel, et alors tout va bien.
Sur un site Internet
vantant l'amour libre, il est précisé que « l'amour libre »
implique « bien évidemment le respect de la parole donnée qui
est la condition impérative de l'harmonie dans une société
libre. » Ainsi, la morale traditionnelle qui est présentée
comme niée est rétablie aussitôt au nom de « l'harmonie ».
Harmonie dont la nature et le contenu exact n'est pas précisé.
Sur un site Internet
prônant la jouissance, l'auteur s'empresse de préciser qu'il n'y a
pas de « vraie jouissance sans confiance, et pas de confiance
sans attachement. » Là également la morale traditionnelle est
plébiscitée, au nom de la « vraie jouissance ». En quoi
consiste cette « vraie jouissance », et aussi quelle est
la nature de la fausse que l'existence de la vraie implique
visiblement ? Mystère.
Le moteur du « sexe »
serait « le désir ». Moteur indispensable, car sinon, oh
horreur ! À en croire un site Internet, votre « relation de
couple » risquerait très rapidement de se transformer « en
amitié », voire pire encore : « en relation de voisin de
palier » !
Mais là, apparaît un
problème : Monsieur veut tout le temps, pas Madame, comment peut-on
arranger ça sans déranger Monsieur ? D'abord l'excuser, le pauvre,
s'il emmerde sans arrêt les nanas en prétendant les sauter, ce
n'est absolument pas de sa faute ni de sa responsabilité. C'est la
faute à la testotérone. Il n'est pas infidèle, il est juste plus
motivé pour le cul que Madame, qu'il reluquera avec insistance quand
il rentrera le soir du boulot. Et puis aussi, s'il est
perpétuellement en train d'emmerder les nanas, c'est à cause de sa
conformation physique. Son pénis est dehors. Tandis que le vagin est
dedans. Tout le problème vient d'une question de différence de
morphologie. Si ! Si ! C'est vrai. Je l'ai lu sur Internet.
Continuant à excuser le
priapisme masculin, un autre site Internet l'explique par « le
désir de procréation présent chez l'homme depuis la nuit des
temps. » Connaissant la mentalité et les discours des
dragueurs, on a ici le droit de rire.
L'ignorance de la
physiologie masculine amène un site Internet à présenter
l'éjaculation comme « le plaisir ultime » de l'homme.
Sachant que le plaisir donné par l'éjaculation peut s'évaluer de
moins seize à plus seize, on voit l'ignorance dont témoigne ce
propos. Ignorance qui éclate deux phrases plus loin, quand le même
auteur prétend que l'érection du réveil est « sexuelle »
alors qu'elle ne l'est pas. Et n'a rien à voir avec un quelconque
désir de coït.
Mais quand l'homme le
soir a une érection réglée à trois heures vingt et pas à midi ou treize
heures, et se réveille avec une érection réglée sur midi ou
treize heures, il veut en profiter et empêche sa compagne de finir
sa nuit de sommeil. Son priapisme frénétique conduira un jour
l'homme à voir son sexe obstinément réglé sur six heures et demi.
Mais ça viendra plus tard.
L'appétit sexuelle de
l'homme, qui est une faim permanente et inassouvissable causée par
la masturbation et alimentée par la pornographie, se retrouve sur un
site Internet appelée à être calmée... par la cause-même. Il est
conseillée à l'épouse harcelée de suggérer à l'homme de se
masturber pour arriver à ce qu'il la laisse dormir tranquille la
nuit. Mais ce n'est pas tout. Comment assurer à l'homme de pouvoir
continuer à harceler tranquillement sa compagne ? Un site Internet
répond à cette question.
Il faut que la dame parle
au monsieur, mais sans oublier que l'homme est persuadé de « prouver
son amour » en baisant. Et une excuse de plus, une !
Mais attendez, restez
avec lui, Madame, avec le temps la testostérone sera produite en
quantité moindre, votre partenaire surexcité et insupportable se
calmera. Il deviendra tendre... Précision qui indique que jusqu'à
présent il ne l'était pas. En attendant, ne le rejetez pas. C'est
tout juste l'affaire d'une attente longue de quelques petites
décennies. Une fois de plus, on voit ici la morale
traditionnelle se pointer. Madame, supportez votre mari, c'est votre
devoir. Y compris s'il est odieux au lit. Et, cerise sur le gâteau,
votre libido croitra cependant que celui de votre seigneur et maître
décroitra. Pour trouver enfin le point d'accord parfait. Et ce sera
l'accord de la libido des deux mammifères de sexe opposé, et vous
parviendrez à une vie sexuelle épanouissante. A condition, une fois
encore, que la femme se soumette à l'homme... Ce genre de conseil
montre bien qu'au nom de la « sexualité » on repasse le
vieux plat réchauffé du machisme le plus traditionnel. Peu importe
le sujet, ici encore, on conseille à la femme d'être juste un
élément de mobilier dans la vie de l'homme. Je ne suis pas du tout
d'accord avec ce mode de voir les choses.
Beaucoup de femmes
également, qui font y compris momentanément des efforts
d'adaptation à la sexualité dérangée de leur compagnon. Et
finissent un jour par en avoir assez et le plaquent.
Il est tellement plus
simple, au lieu de suivre ces « précieux conseils sexuels »
sur Internet, de tout simplement s'écouter. Et ne pas suivre la mode
mais sa nature et son authenticité personnelles. Il faut oublier la
mode qui hier disait qu'il ne fallait pas baiser, ou si peu, juste
pour se reproduire. Et qui prétend aujourd'hui qu'il faudrait baiser
tout azimuts et en permanence pour trouver le bonheur.
Il n'existe qu'une seule
recette de bonheur, qui est de vivre. Et justement d'éviter de
suivre des listes de recettes qui sont par définition toutes
fausses. La vie n'est pas un livre de cuisine à feuilleter pour
organiser un bon repas. C'est autre chose, de bien plus varié,
vivant, imprévu et passionnant.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 19 août 2016
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