Manger peut être un
plaisir. On m'a un jour raconté que certains Romains de l'Antiquité
avaient poussé cette recherche plus loin que tout ce que nous
connaissons aujourd'hui comme plaisir culinaire. Ils buvaient un peu
de vinaigre pour s'ouvrir l'appétit. Mangeaient. Puis se faisaient
vomir. Reprenaient du vinaigre et recommençaient. Trouverions-nous
cette pratique séduisante aujourd'hui ? Je crois bien que non.
Pourtant, c'est exactement celle qui se trouve aujourd'hui très
largement promue et glorifiée s'agissant de l'activité dite
« sexuelle ».
Si on n'a pas faim,
s'ouvrir artificiellement l'appétit, par exemple avec de la
pornographie. Trouver un ou plusieurs partenaire mâles ou femelles.
Les consommer sans liens avec la fonction relationnelle. Rejeter le
ou les partenaires : on dira « ne pas s'attacher », ce
qui revient au même. À
nouveau s'ouvrir artificiellement l'appétit. Consommer un ou
plusieurs nouveaux partenaires : on dira « avoir du succès »,
« faire de nouvelles conquêtes ». Puis recommencer
l'opération.
Ce qui est assez
étonnant, ce sont les étapes successives de l'envahissement
progressif de la société par la pornographie. La pornographie va à
contrario du puritanisme machiste obsédé par la condamnation
virulente de la sexualité. Et par exemple montre très fréquemment
les femmes et jeunes filles prenant des postures cuisses écartées
pour montrer leur entre-cuisses. Ces derniers mois, ce genre de
postures a gagné la publicité pour la lingerie féminine. Bien sûr,
le sexe reste ici caché par l'étoffe de la culotte. Mais la posture
« suggestive » est exactement la même que dans la
pornographie. Après la lingerie, la mode de ces postures à commencé
à s'étendre au grand public.
J'ai observé tout à
l'heure dans un square parisien deux jeunes filles qui prenaient
« innocemment » les postures correspondantes à celles
ci-dessus mentionnées. Elles portaient toutes les deux des
mini-shorts. L'une des deux était nettement plus audacieuse que
l'autre et finissait par entraîner l'autre. Et son short la moulait
judicieusement en telle sorte qu'il soulignait la raie de ses fesses
et la fente de son sexe. Ces deux jeunes filles ont passé une bonne
heure et demi à converser ensemble tout en prenant ces postures tout
à fait par hasard bien entendu. Et absolument indépendamment du
fait qu'elles se savaient regardées par au moins deux personnes de
sexe opposé.
S'agissait-il d'avances
sexuelles délibérées ou d'un simple jeu de séduction ? Le
savaient-elles également ? Je n'en sais rien, étant donné que ni
moi, ni l'autre homme qui était dans les parages de leur banc, et les
apercevait, n'a cherché à en savoir plus.
Certaines jeunes filles
d'aujourd'hui paraissent pratiquer la provocation sexuelle directe,
imitant en cela des comportements masculins classiques. Ce n'est pas
nécessairement la meilleure voie à choisir pour améliorer la
qualité des rapports entre hommes et femmes.
J'en parlais à un ami
retraité qui a connu depuis cinquante ans l'évolution de la société
française dans le domaine sexuel. Il n'y relevait que le positif
de la libération des mœurs du poids étouffant des traditions.
Comme je lui faisais remarquer que de nos jours quantité de gens
sont moralement paumés, il me répliqua que tel était et est le cas
à toutes les époques.
Le discours sommaire et
consumériste de la pornographie tend à servir à présent
d'éducation sexuelle à une très large part de la population. Qui
voit dans le sexe un objet de consommation délectable parmi
d'autres. Et à consommer dans le même esprit où certains Romains
stimulaient leur appétit, mangeaient, vomissaient et recommençaient.
Il m'apparaît très difficile de parvenir à exposer un point de vue
critique à nombre d'hommes. Il leur semble que la société est
passée d'un état monacal à celui d'un immense bordel gratuit où
tout ou presque serait possible et acceptable.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 30 juillet 2016
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