dimanche 10 juillet 2016

590 À quoi sert la pudeur ?

À quoi sert la pudeur ? Dans une société où le mâle domine, où la femme est dominée, harcelée; ennuyée en permanence par des sollicitations insistantes et mal venues, la pudeur sert à empêcher le débat. Interdire de questionner... et remettre en cause le pouvoir abusif du mâle dominant. La chose est très claire quand on considère le viol. La plupart des victimes sont des femmes, qui peuvent être de tous les âges, tous les milieux. Que doit faire une femme quand elle a été violée ? Réponse : se taire... Pourquoi ? Mais par « pudeur » voyons ! On voit à qui ce discours profite : à l'agresseur. Et si la femme dénonce malgré tout ce qui lui est arrivé ? Eh bien, c'est simple : « elle est coupable ». Pourquoi ? « Parce qu'elle a provoqué ». Donc, si on me vole mon portefeuille, je suis coupable, car à ma vue le voleur a été tenté. Belle logique ! Dans le domaine baptisé « sexuel » elle règne. Et, au nom de la « pudeur », la femme est systématiquement tenue responsable de tout ce que peut lui faire l'homme et qu'elle n'a pas demandé. L'homme c'est, selon cette « culture » régnante, le mâle dominant. Il domine un peu comme jadis le blanc propriétaire d'esclaves dominait les esclaves noirs travaillant dans ses plantations. Gare aux fortes têtes, on saura les réprimer !

La « pudeur » c'est « la loi du silence » au bénéfice de l'homme agresseur de la femme et pas seulement. J'ai lu de tristes récits où dans des zones dites évoluées et civilisées de notre société des violeurs s'en prenant à de très jeunes victimes bénéficiaient du silence général de leur entourage.

Le bâillon est subtil. J'en porte témoignage. Un jour, une jeune femme de ma connaissance me paraît bouleversée. Elle me raconte que son père l'a invitée à faire avec lui un beau voyage... et puis, rien de précis, mais celle qui me parle s'exclame : « je n'ai plus de père ! » Il m'a parut évident surtout avec le lieu choisi du voyage, Venise, destination mythique pour des voyages d'amoureux, que le père en question avait tenté de violer sa fille... Eh bien, ai-je dit quelque chose ? Non, rien... par « pudeur ». Au lieu de soutenir le moral de la jeune femme, je suis resté silencieux.

Ce problème m'a trotté dans la tête. C'était il y a des dizaines d'années. Bien après cette conversation, j'avais perdu de vue la jeune femme en question. Je me disais « il faut que je la retrouve, lui explique ce que j'ai compris à l'époque, que je regrette n'avoir rien dit alors. » Je retrouve la jeune femme en question. Passe un après-midi entier avec elle et... ne lui ai rien dit de ce que j'avais pensé lui dire. Pourquoi ? Encore « par pudeur », je suis resté muet.

Un jour, une amie me convie à venir la voir dans un café. Là, elle me révèle qu'elle a été dominée, battue et violée régulièrement durant dix ans par son père, mort depuis. Qu'elle vient enfin de parvenir à révéler cette histoire à un thérapeute et m'en fait part à présent. Je l'ai écouté. Elle m'a dit qu'ensuite je ne voudrais plus la voir après ces révélations. Je l'ai assuré que non. J'ai continué à la fréquenter durant des années. Mais, lui ai-je dit un mot de réconfort ? L'ai-je pris dans mes bras pour la consoler ? NON. Je n'ai rien fait de tel, pourquoi ? Encore par « pudeur »... Il est classique de dire des mots de réconfort à une personne qui vit un deuil, mais à une femme victime de viols, il arrive qu'on ne dise rien ou pas grand chose. En tous cas c'est ce qui m'est arrivé.

Il faut démonter et mettre à nu ce système perfide et vicieux qui « au nom du respect » couvre les méfaits de criminels abuseurs. Le viol est un crime à dénoncer et les victimes sont à réconforter. Si « la pudeur » s'y oppose, elle doit être dénoncée. Ce concept bizarre est conçu pour assurer l'impunité des coupables, le sentiment de culpabilité des victimes et le silence de l'entourage.

Le jour où la « pudeur » règnera moins, la jeune femme qui se fait coller par un abruti dans le métro bondé, se retournera et engueulera son ennuyeur, voire lui en collera une... et la rame applaudira.

Basile, philosophe naïf, Paris le 10 juillet 2016

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