Satisfaire nos besoins
nous donne du plaisir. Par exemple : manger quand on a faim et donc
besoin de manger. En revanche, quand le plaisir et non la satiété
devient le but, alors que la satiété est déjà atteinte, il y a
dérangement. Manger devient alors uniquement une drogue. Là c'est
manger, ça peut être d'autres choses aussi qui peuvent servir de
drogues. La recherche du plaisir ainsi déconnecté de la justesse de
la fonction peut devenir une véritable addiction. Ainsi, on pourra
prendre systématiquement l'habitude de manger, quand on n'en aura
pas besoin. Le plaisir recherché se fera au détriment du bon
fonctionnement de la digestion et nuira à la santé : on deviendra
obèse, avec tous les problèmes que cela apportera : diabète,
maladies cardiaques, etc.
Les malades de
l'addiction au plaisir déconnecté du besoin sont des
endorphinomanes. Ils pratiquent l'endorphinomanie, c'est-à-dire
qu'ils s'auto-droguent aux endorphines. Dans le domaine financier,
l'endorphinomane va par exemple s'acharner à accumuler des masses
d'argent qu'il n'aura pas l'occasion d'employer à quelque chose. Son
plaisir consistera uniquement à se dire : « j'ai ça. »
Le domaine le plus connu
où prospère l'endorphinomanie est celui qu'on a baptisé « le
sexe ». Alors qu'ils n'ont pas beaucoup de besoin sexuel on
verra quantité d'hommes s'acharner à rechercher le flash
d'endorphines causé par l'éjaculation. Flash qui pourra finalement
être très petit et même être remplacé par de la douleur au
moment de l'éjaculation. Ce flash endorphinomaniaque pourra être
obtenu par diverses variétés de masturbation : par la main, entre
les cuisses (fémorale), dans un vagin (vaginale), une bouche
(buccale) ou un anus (anale), etc. Il sera détaché de la
satisfaction d'un besoin réel. Le but sera le flash, indépendamment
du contexte, considéré finalement comme secondaire. Ça pourra y
compris être de la baise virtuelle : une excitation causée par des
images pornographiques de personnes parfaitement inconnues qui
serviront à obtenir le fameux flash et rien d'autre. Le vide
succédant au flash pourra créer une certaine tristesse, mais pas
toujours.
On trouve des
endorphinomanes dans des domaines très divers. Un endorphinomane en
politique trouvera le plaisir de la lutte plus important que
d'atteindre son but. La lutte sera sa source de drogue auto-produite.
L'endorphinomanie pourra également consister à imiter les autres
dans différents domaines. Par exemple la façon de s'habiller. On
obtiendra la satisfaction parfaitement idiote « d'être à la
mode ».
L'endorphinomane pourra
s'inventer une identité et trouver son plaisir dans l'acharnement à
la suivre. Au début des années 1980 je m'étais trouvé l'identité
de « poète ». Pour l'attester et y trouver mon plaisir,
je rédigeais des petits textes qu'au bout d'un mois je regroupais,
mis au propre et légèrement illustrés. Photocopiés et mis sous
enveloppes je les baptisais « vrac poétique », les
numérotais et distribuais autour de moi. Cette endorphinomanie
n'était pas très dangereuse. Elle m'a permis de me faire des amis.
Mais que dire de « l'homme de lettres » auto-proclamé
qui toise avec mépris son entourage, tant il est fier d'être un
« artiste créateur » ? Et que dire du politique qui se
gargarise de son pouvoir, qu'il a obtenu en écrasant les uns et
trahissant les autres ?
Une légère
endorphinomanie ne porte pas trop à conséquence. Mais à un stade
plus développé elle génère bien des malheurs et des
catastrophes. La folie de la recherche du pouvoir montre chaque jour
les dégâts invraisemblables qu'elle entraîne. Des hommes et des
femmes qui ont tout ce qu'il faut pour vivre bien vont s'acharner à
conquérir quelques miettes magiques qui leur feront croire qu'ils
sont devenu « quelqu'un ». Parce qu'ils siègent à
présent dans de confortables fauteuils de cuir, dans de beaux palais
anciens sous la protection de gardes armés. Leur ambition est
risible, mais l'os du pouvoir paraît toujours fabuleux aux chiens qui
se le disputent. Alors qu'il y a tant de belles choses à vivre et
réussir loin des illusions de ce « pouvoir » tant
convoité !
Basile, philosophe
naïf, Paris le 6 juillet 2016
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