Il y a quatre ans environ
j'ai rencontré un homme qui m'a fait une remarque qui m'a fait
réfléchir. « Pourquoi m'a-t-il dit, cherches-tu
systématiquement à te mettre en valeur par tes propos auprès des
autres alors que pour être estimé tu te suffit par toi-même ? Les
personnes que tu rencontres voient bien comment tu es. Si elles ont
envie de t'apprécier elle le feront sans que tu ais besoin
d'argumenter. » C'est en gros ce qu'il m'a dit. Et,
effectivement, jusqu'alors, chaque fois que je rencontrais quelqu'un
je me sentais « obligé » de lui démontrer ma qualité
par mes propos. Ce que m'a fait remarquer l'homme qui a ainsi
« décrypté » ma manière d'agir. Je l'ai modifié. J'ai
cessé de sortir des discours justificateurs de ma qualité à chaque
fois que je rencontre quelqu'un. C'est beaucoup mieux et nettement
plus tranquille ainsi. Mais je ne me suis pas alors posé la question
du motif de ma conduite ainsi corrigée.
Aujourd'hui, je
descendais un sac poubelle et j'ai pensé : « dans quelle
poubelle ce sera le mieux de la déposer ? » Et là, cette
pensée m'a interpellé : « comment puis-je accorder une
importance au récipient choisi, alors qu'au fond la seule et unique
chose qui importe est de me débarrasser de mon sac d'ordures ? Que
vient faire ici cette recherche de perfection pour une tâche
absolument mineure ? »
Quand un homme quelques
heures après a été aimable avec moi, j'ai ressenti une gratitude
excessive pour pas grand chose. La même que j'ai déjà remarqué
simplement quand une inconnue me sourit. J'éprouve souvent une
sympathie débordante pour une réaction tout à fait mineure.
J'ai rapproché ces trois
phénomènes dans mes réactions, et cherchant l'explication de leur
origine elle m'est apparue d'évidence. Quand j'étais un très petit
garçon, je m'efforçais de plaire à ma maman. En me mettant en
valeur. En accordant une prodigieuse importance à sa réaction
souriante. En cherchant à être « le meilleur ». Ce
comportement infantile a duré plusieurs de mes tendres années. Et a
généré un conditionnement, dont je m'empresse de me débarrasser à
présent. J'ai déjà commencé à le faire en arrêtant mes discours
justificatifs de ma qualité. J'ôte à présent cette absurde envie
permanente de perfection pour rien et cette gratitude débordante
pour pas grand chose.
Nous sommes ainsi
conditionné durant notre enfance, sans le réaliser. Sortir de ces
conditionnements simplifie et allège la vie.
Je connais ainsi un homme
qui a passé son enfance et sa jeunesse à se cacher de sa mère dans
les toilettes pour lire. Ça fait à présent plus de dix ans que sa
mère est morte. Il continue à s'enfermer dans les toilettes
plusieurs heures par jour pour lire. Comme si sa mère était encore
là et qu'il serait encore un petit garçon !
Combien d'autres
bizarreries se rencontre ainsi dans la vie quotidienne ? On croit
que c'est la personnalité des gens qui s'exprime. Et c'est juste le
souvenir de conditionnements anciens qui restent imprimés en nous.
Il suffit d'arriver à la
racine de ces conditionnements pour les démonter et parvenir à s'en
libérer. Ils sont le produit du poids excessif des parents durant
notre enfance prolongée qui commence vers l'âge de quatre
ans. En étant maintenu dans une sorte d'enfance artificielle nous ne
parvenons pas à trouver nos points de repères. Nous soumettons
notre conscience à une dépendance : au pouvoir des « grandes
personnes » de notre entourage qui nous semblent mieux savoir.
« Qui savent toujours mieux ». Et, finalement, devenus
avec l'âge des « grandes personnes », nous persistons à
rester des enfants prolongés, refusant d'assumer notre très
pacifique et agréable liberté d'adulte.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 4 juillet 2016
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