Quelle est l'origine du
besoin insatisfait de câlins chez les humains adultes ? Certes, il y
a ce fameux sevrage tactile intervenant vers l'âge de quatre ans. Il
y a chez les adultes cette prise des câlins en otages par une
sexualité brutale, onaniste et artificielle. Mais il y a aussi un
autre phénomène : le manque de contacts de soi à soi causé par
les vêtements.
Nous sommes pratiquement
habillés en permanence, y compris quand il fait très chaud. Le
résultat est un prodigieux manque de contacts de soi à soi. Voilà
de quoi il s'agit : imaginons un humain adulte habillé debout les
jambes rapprochées qui serre son épaule gauche avec sa main droite.
Quelle partie de sa peau touche une autre partie de sa peau ? Aucune
! Imaginons à présent le même humain dans la même position nu.
Quantité de parties de sa peau touche une autre partie de sa peau.
Ses jambes et ses cuisses se touchent, ses cuisses touchent son sexe,
son bras, son avant bras et son poignée touchent sa poitrine et sa
main touche son épaule. Toutes ces sensations sont absentes dans le
cas où l'individu en question porte des vêtements. Ce manque de
contacts de soi à soi perturbera et pour le compenser, le jour où
des contacts seront possible avec un autre, il y aura soif de câlins.
Et l'analphabétisme tactile amènera une grande maladresse pour toucher
l'autre. Sans parler des idées et préjugés stupides divers qui
viendront troubler la relation tactile formellement possible.
Si la relation tactile
persiste, elle pourra s'apaiser. Rassasiés de contacts, chaleur,
proximité, les deux humains concernés « ne feront plus rien
de particulier ». C'est ainsi que des couples pourront vivre
ensemble et question toucher le seul fait de dormir à proximité
l'un de l'autre leur suffira.
Si on vit nu en
permanence, on pourra aussi, bien que seul, s'auto-rassasier de
contacts physiques de soi à soi par ce seul fait. On se sentira
bien, tout simplement, sans éprouver une quelconque faim de
caresses. Il faudra cependant plusieurs années au moins pour arriver
à cet état de sérénité.
Arriver à un état où
on ne désire rien, ne demande rien, n'attend rien, où on vit tout
simplement, et on vit bien, à côté de la rumeur du monde est un
sentiment étrange. On s'y fait.
Je vois autour de moi
s'agiter toutes sortes de personnes, y compris tout à fait
sympathiques. Que tourmentent la recherche de « l'amour »,
celle des câlins, du sexe, ou du refus du sexe. Et ne me sent pas
particulièrement concerné. Je commence à me sentir comme un humain
herbivore que rassasie son herbe, perdu dans un troupeau d'humains
carnivores recherchant désespérément de la viande. Je les comprend
un peu. Ce sont des carnivores. Mais bien qu'humain comme eux cette
faim qui les tourmente m'apparaît tout à fait étrangère.
Je vois des jolies femmes
et me dis : « elles sont belles ». Je vois des jolis
hommes et me dis : « ils sont beaux ». Et puis passe à
autre chose, cependant que ça drague, ça rêve, ça courtise, ça
rit, ça pleure, ça s'énerve, autour de moi. Je n'en ai
absolument rien à faire. Suis-je sur une autre planète ?
Apparemment oui, et la mienne me paraît plus tranquille que celle de
la masse des gens qui m'entoure. Et parmi cette masse de gens, il y a
y compris des personnes que j'aime et qui ne comprennent pas grand
chose à ma manière de penser, agir et réagir. Pour nombre de gens
il est évident qu'on doit chercher le sexe ou refuser le sexe en
bien des circonstances. Tandis que j'aurais plutôt envie de leur
dire : « faites ce que vous voulez avec vos histoires de sexe. Cherchez-le. Refusez-le, etc. Moi, cette vaine agitation ne me
concerne pas. Je n'ai rien contre le sexe, ni rien pour non plus. Je
vis et j'existe sans toutes ces histoires-là. Quant à l'amour, je
ne le cherche pas. Si je dois le rencontrer ce sera à lui de me
trouver. Allez en paix. Continuez aussi si vous voulez à vous
agiter. Moi, pendant ce temps-là, je vais écrire un joli texte ou
faire un beau dessin. Et ça me suffira pour me sentir vivre et bien
vivre. »
Basile, philosophe
naïf, Paris le 3 juillet 2016
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