Quand on se penche sur
l'amour entre les humains, on réalise que celui-ci paradoxalement
est invoqué comme la recette-même du « bonheur ». Et,
simultanément, comme la cause-même des plus grandes souffrances
morales dans le cadre de la vie relationnelle quotidienne de tous les
jours. En quelque sorte ce mot est tout à la fois synonyme de rêve
et de cauchemar. Effectivement, si on considère les causes de
suicides et crimes passionnels, d'alcoolisme et dépressions, l'amour
est très souvent la cause de ces drames. On ne sait renoncer à
l'amour. Et on n'arrive guère à parvenir à en jouir. Tel apparaît
« l'amour » dans la vie d'innombrables personnes des deux
sexes. Et ces souffrances frappent y compris des hommes et des femmes
paraissant bien dotés pour affronter la vie et rechercher la
réussite amoureuse. Jeunes, belles, sympathiques, cultivées,
aisées, etc. telles apparaissent nombre de victimes de souffrances
amoureuses considérables. Puis, l'âge venant, viennent les regrets
de ne pas avoir su « profiter de la jeunesse », sensée
être « le temps des amours ».
A toutes choses existent des explications. Quelles sont les causes des vicissitudes de « l'amour » ? Je les classerais en trois groupes. Le premier relève de la psychologie, le second de l'organisation sociale et le troisième de l'ignorance.
Au début de la vie, y
compris aujourd'hui, l'être humain est littéralement un « petit
singe ». Il est semblable aux nouveaux-nés des époques
lointaines, où l'homme n'avait pas encore créé d'industries, de
« civilisations ». Ces temps, qui ont duré des centaines
de milliers d'années et ont précédé ce que nous connaissons comme
les plus antiques sociétés organisées, ont vu les humains tout
d'abord exclusivement guidés par leur instinct originel.
Appartenant à une espèce
de singes mordeurs de grande taille vivant en groupes, ils ignoraient
les prédateurs et n'avaient rigoureusement aucun besoin de ce que
bien plus tard nous avons baptisé « le progrès ». Quel
fauve se hasarderait à risquer les morsures d'un groupe de grands
singes solidaires, alors qu'il ne risque rien à attaquer une girafe
ou un lapin ? Les seuls humains susceptibles d'attirer un fauve
seraient les petits humains encore très jeunes. Qui, justement, très
tôt savent courir très vite pour rejoindre la protection des
humains plus grands. Capacité qu'ils ont conservé de nos jours et
effrayent quand ils traversent une route. Les humains ont commencé à
inventer des outils, des industries, pour s'amuser, pour jouer. Et,
ce faisant, comme je l'ai déjà écrit par ailleurs dans ce blog,
ils ont inventé le savoir, le savoir erroné ou erreur et l'absence
de savoir ou ignorance.
La transmission du savoir nécessite du temps. Ce qui a entraîné un trouble majeur chez les humains : le phénomène de « l'enfance prolongée ». Alors qu'un humain est autonome dès l'âge où il peut s'alimenter tout seul, donc vers l'âge de quatre ans environ, les petits humains ont vu leur enfance prolongée. Cet état est à l'origine d'un problème majeur actuel de « l'amour ». Qui dit enfance prolongée dit : infantilisation. Donc, se sentant dépendant des grandes personnes, le petit humain ne va pas acquérir son indépendance morale à l'âge de quatre ans environ. Il se sentira petit, malingre, chétif, vulnérable et ayant un besoin vital du savoir des grandes personnes. Ce seront pour lui des sortes de dieux infaillibles. Ce qui fait qu'il va complètement débiliter son esprit, sa capacité d'initiatives. Cet handicap, il continuera à le traîner comme un boulet. Il ne saura pas prendre de décisions indépendantes. Or, justement, en amour, c'est ce dont il aurait le plus besoin. Mais il aura peur de décider.
La transmission du savoir nécessite du temps. Ce qui a entraîné un trouble majeur chez les humains : le phénomène de « l'enfance prolongée ». Alors qu'un humain est autonome dès l'âge où il peut s'alimenter tout seul, donc vers l'âge de quatre ans environ, les petits humains ont vu leur enfance prolongée. Cet état est à l'origine d'un problème majeur actuel de « l'amour ». Qui dit enfance prolongée dit : infantilisation. Donc, se sentant dépendant des grandes personnes, le petit humain ne va pas acquérir son indépendance morale à l'âge de quatre ans environ. Il se sentira petit, malingre, chétif, vulnérable et ayant un besoin vital du savoir des grandes personnes. Ce seront pour lui des sortes de dieux infaillibles. Ce qui fait qu'il va complètement débiliter son esprit, sa capacité d'initiatives. Cet handicap, il continuera à le traîner comme un boulet. Il ne saura pas prendre de décisions indépendantes. Or, justement, en amour, c'est ce dont il aurait le plus besoin. Mais il aura peur de décider.
Cet état de choses sera
particulièrement calamiteux. Alors qu'il devrait prendre des
initiatives, aller vers l'autre, lui parler... il hésitera, attendra
des « garanties ». Ne saura pas comment s'assumer. Aura
peur, bafouillera... Alors qu'il devrait se montrer brillant pour
« séduire » il se montrera nul, minable, apeuré. Son
incapacité à prendre des initiatives l'impuissantera, et pas
seulement dans le domaine de « l'amour ». Ça pourra être
dans le domaine du travail, de la politique, de la religion. Il sera
comme un petit enfant maladroit qui attend d'être rassuré par ses
parents. Alors qu'il devrait s'assumer tout seul par lui-même.
Combien d'hommes, de
femmes, conservent le souvenir cuisant de rencontres où ils n'ont
pas su faire « le premier pas » ? D'occasions ratées de
faire de belles connaissances ? Il y en a plein. La faute en revient
au conditionnement issu de cette « enfance prolongée »
que nous portons en nous et avons du mal à éliminer.
Le deuxième problème
essentiel à la source des vicissitudes de « l'amour »
est d'ordre économique. La société humaine est organisée sur la
base d'unités économiques baptisées « familles ». Dans
celles-ci, les enfants dépendent matériellement de leurs parents
nourriciers, naturels ou adoptifs. Ce qui n'est pas sans
conséquences.
Une femme qui souhaite
avoir des enfants est contrainte et forcée de considérer la
solvabilité de l'homme avec lequel elle aura ses enfants.
Solvabilité qui est absolument indépendante des sentiments. Un
homme adorable peut être pauvre et une crapule vicieuse riche, ou
inversement. Le facteur économique va venir bousculer le beau
paysage de l'amour « pur » et « désintéressé ».
De nos jours, il n'est
pas de bon ton de dire : « je veux un homme qui ait de la thune
! » On usera de termes alambiqués : « je veux un mec
solvable », je veux « un compagnon raisonnable »,
je veux « quelqu'un que je n'ai pas à entretenir », qui
« sache tenir un budget », qui « a le sens
pratique ». Toutes ces formules seront employées pour éviter
de dire simplement : « je veux un homme qui ait du fric ! »
Ce qui ferait pute. Une femme qui s'était débarrassé d'un amant
pauvre au bénéfice d'un amant riche me disait : « mais, je ne
suis pas entretenue ! J'ai également mes ressources indépendantes
propres ! »
La réalité est là et
bien là. Un homme pauvre sera rejeté par les femmes, même s'il a
toutes sortes de qualités. Et l'habitude aidant, même s'il n'est
plus question d'enfants à avoir, les hommes pauvres seront
poubellisés. Souligner cet aspect « économique et financier »
de l'amour fera hurler certaines. Mais c'est bien là la vérité. De
même si l'homme est vieux ou malade, il sera bon pour la poubelle de
Cupidon. Et alors, vieux, pauvre et malade, je ne dis pas. Ce sera un
déchet qui ne trouvera pour compagnes que d'autres se considérant
déchets également. Ce qu'on appelle : « des filles à
problèmes ».
Mais, même « les
filles à problèmes » savent mettre les déchets masculins à
la poubelle... Tant que cet impératif économique subsistera, le
paysage de l'amour échappera à la douceur et l'harmonie.
Pour quantité de femmes
l'amour est considéré comme un plus. S'il est là, tant mieux. S'il
n'est pas là, mais que l'homme est relativement fidèle, plutôt
gentil, solvable et bon père, tant pis, on s'en contentera. Cette façon de voir la
question ne doit pas être explicitée publiquement. On déclarera
« aimer » l'autre. C'est plus simple et plus présentable.
Même si on se contente de supporter sa compagnie. Mais : « on
ne peut pas tout avoir ». A une femme sympathique, mariée,
mère de famille et proche de la retraite qui me déclarait que
« trouver l'amour, ça faisait bien longtemps qu'elle y avait
renoncé », je faisais remarquer : « mais, vous êtes
mariée ! » Alors, elle a rit et s'est exclamée : « les
hommes se croient tous irrésistibles ! »
Quand on n'a
pas « l'amour » on « s'arrange ». On se
contente « de ce qu'on a ». Voilà la vérité de
quantité de « couples » qui n'ont de « couples »
que le nom.
La troisième grande
source des vicissitudes de l'amour relève de l'ignorance. Un très
grand nombre d'hommes et de femmes sont des analphabètes tactiles,
sexuels et sentimentaux.
Notre civilisation a
confisqué la tendresse et l'a littéralement prostitué. Si je veux
poser ma main sur l'épaule d'une fille agréable, ou lui passer la
main dans les cheveux, ça signifie : « je te baise ! »
Je connais une jolie
fille qui a plein de qualités. Tous les hommes de son entourage se
sentent obligés et intelligents de lui « faire la cour ».
C'est totalement stupide. Mais ils sont ignorants. L'amour est bien
plus vaste que le cul. Mais comment le faire savoir en pratique quand
c'est le cul qui domine notre culture ? Je dirais à cette fille :
« tu me plais, mais ce n'est pas baiser avec toi qui
m'intéresse », je passerais pour un dragueur vulgaire et
maladroit. La parole est interdite, confisquée, de même que le
geste, le contact, la caresse. Je peux caresser un chat, un chien que
je ne connais pas, pas une femme ou un homme, sans passer pour
quelqu'un qui cherche « le sexe », le coït.
Notre société est
barbare et pas prête à se civiliser. Il n'y a qu'à voir les
gloussements qui accueillent toutes les allusions ou blagues sorties
en société dès qu'elles traitent de sujets « en dessous de
la ceinture ».
Les hommes et les femmes
ne savent pas toucher. Et leurs connaissances dans le domaine sexuel
sont remplies de bourdes gigantesques. Ainsi, par exemple, dans le
registre génital masculin, la plupart des gens s'imaginent qu'il
existe deux états : la flaccidité et l'érection. Et que l'érection
exprime le désir de coït. Tout ceci est très largement faux. Il
existe bien plus de deux états du pénis. Par exemple, il peut être
ratatiné ou flasque. Les érections sont d'amplitudes variées. Il existe de larges
différences entre midi et treize heures, quatorze heures trente et
seize heures au sens figuré. Ce sont des érections différentes
et pas un seul type d'érection qui serait plus ou moins réussie. L'érection surgit dans tout un tas de circonstances qui sont
indépendantes du désir de coït. Mais, allez l'expliquer à des
ignorants ou des ignorantes !
Les hommes se prennent
pour des machines à baiser. Et s'étonnent ensuite d'être rejetés
ou tenus à distance par les femmes. Et l'analphabétisme sentimental
vient s'ajouter aux analphabétismes tactile ou sexuel. Quantité de
personnes contrariées dans le domaine de « l'amour »
troque la douceur pour la violence, l'amour pour la haine et la peur.
Ou pour cette forme combinée de haine et de peur qu'on appelle « la
jalousie ».
Tant que les humains ne
feront pas un effort pour remettre en question la base des
vicissitudes de « l'amour », ils ne risquent guère de le
rencontrer et le vivre, en tous cas durablement.
Porter un regard critique
sur le comportement amoureux apparaît hors de question pour quantité
de personnes déçues par « l'amour ». Alors que dans
d'autres domaines, politiques ou professionnels, par exemple, ils
n'hésitent pas à remettre en question leurs habitudes de penser.
Pourquoi existerait-il un
seul domaine, « l'amour », où la critique n'aurait rien
à dire ? On connait la fameuse phrase concernant les joies de la vie
et singulièrement l'amour : « si jeunesse savait, si
vieillesse pouvait. » Et pourquoi il ne serait pas possible
d'arriver à une organisation sociale et amoureuse générale de la
société où la jeunesse saura et la vieillesse pourra
? Pourquoi ce serait impossible ? Y parvenir en vaudrait largement la
peine. Sans compter que nombre de problèmes sociétaux sont le fruit
de comportements compensatoires d'amoureux déçus par l'amour. Il y
a là tout un continent inexploré - ou guère et mal exploré, - qui
pourrait nous offrir la possibilité d'arriver à une société où
l'homme serait enfin en harmonie avec lui-même. Où les larmes
causées par l'amour ne seront plus que des larmes de joie. Où la
vie sera enfin la vie. Et où la pratique amoureuse remplacera les
frustrations et les discours. Il y a beaucoup à faire. La pratique
est possible pour faire enfin de la vie humaine le jardin dont rêvent
les humains depuis que le rêve existe.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 30 novembre 2015
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