lundi 2 novembre 2015

445 Être et ne pas être, avoir ou non le pouvoir, déléguer ou ne pas déléguer

Dans la société française et parisienne règne un mode de pensée : la logique. Elle est tellement dominante et hégémonique qu'elle paraît inévitable, incontournable... logique. « C'est logique » signifie : « c'est vrai », « c'est évident », le contraire est faux.

Pourtant, il existe d'autres formes de pensées, la pensée analogique, par exemple. Telle chose et telle autre chose se ressemblent, donc cela implique tel phénomène commun. La pensée intuitive : j'ai l'intuition que... je sens que ça ne marchera pas... mon petit doigt me dit que... etc.

Ces formes de pensées sont en fait des outils pour aborder la réalité. Et ces outils ont, comme tous les outils, leurs limites. Dans la vie de tous les jours ils sont utiles mais pas toujours. Et peuvent même nous égarer et amener à des conduites ou des raisonnements absurdes ou discutables. Ainsi, la logique veut qu'une cause entraîne un effet. Mais, si on se pose la question de « l'origine » de « l'univers », on voit qu'il y a problème. Car si l'univers est l'ensemble du tout, comme une chose ne peut commencer que par rapport à une autre, être petite ou grande, croître ou se réduire, être chaude ou froide, vieille ou récente, que par rapport à une autre, on voit ici que ça ne marche pas.

Sans parler de paradoxes tels que la fameuse phrase : « cette phrase est fausse ». Si elle est fausse, elle est donc vraie. Mais, si elle est vraie, elle ne peut pas être fausse, etc. Voyons les limites de la logique.

Vous venez chez des gens voir un ami. Il dort. Est-il là ou pas là ? Il est là... et pas là.

Vous vous réveillez et vous mettez à réfléchir à diverses questions. Soudain, au bout d'un certain temps, un bruit vous réveille... Vous en avez le sentiment. Ce qui signifie que vous pensiez ou pensiez penser alors que déjà vous vous étiez rendormi. Ou pas rendormi ? En fait, ni l'un, ni l'autre, entre les deux, vous étiez endormi et pas endormi. Il arrive que dans ces états intermédiaires entre la veille et le sommeil on trouve la réponse à des problèmes que jusqu'alors on n'arrivait pas à trouver.

Quand j'étais petit, vers l'age de six ou sept ans, je trouvais que « la mort » c'est loin, ça ne me concerne pas. Quand un soir, au lit depuis peu, une pensée terrorisante me traversa l'esprit : « nous changeons en permanence, donc, d'une certaine façon nous mourons en permanence, donc le Basile d'à l'instant, moi, vais mourir, suis en train de mourir pour laisser la place à un autre, et ainsi de suite... Horreur ! Je meurs à l'instant ! » Cette pensée m'affola au point que je me levais et filais dare-dare voir mon père qui était dans la cuisine et ne dormait pas encore. Je m'empressais de lui expliquer le motif de ma peur. Je ne me souviens pas quels furent les quelques mots qu'il prononça alors pour me répondre. Tout ce que je sais et me souviens, c'est que je fus parfaitement rassuré et retournais tranquillement me coucher. En fait, la juste réponse était : « oui, tu changes en permanence et en même temps tu restes le même ». C'est la vérité et elle n'obéit pas à la logique. C'est cette vérité qui fait aussi le charme des fêtes traditionnelles. Le monde change, la fête est toujours là, imperturbable, elle revient chaque année. Même si elle peut subir des évolutions, elle reste en quelque sorte inchangée. Il en est de même des géants de Carnaval, qui ne vieillissent pas.

Un autre domaine échappant à la logique est l'amour. Quand vous vivez une relation d'amour qui vous comble et remplit de joie et sérénité, êtes-vous un ou deux ? En fait, vous êtes toujours un, et l'autre, aussi. Et, en même temps que vous êtes deux, vous êtes un à vous deux. C'est ainsi, quand vous allez dormir ensemble auprès de votre bien-aimée. Vous vous collez contre elle, par exemple, la prenez dans vos bras. Vous êtes un. Pourtant vous êtes aussi deux. Ce phénomène, c'est l'union des deux énergies Yin et Yang, qui sont symétriques, dynamiques, opposées et complémentaires. Si vous passez par la suite de un à deux avec une rupture, alors là vous souffrirez grandement. Il faudra retrouver l'équilibre que vous aviez avant sans le savoir.

Ces raisonnements paraissent peut-être sans importance. Mais, si on regarde bien, la logique n'arrête pas de nous jouer des tours.

Par exemple, en politique, quantité de gens cherchent systématiquement qui a raison et qui a tort. Qui sont les sales types et les gens bien. Et le langage lui-même, basé sur la logique, se prête à bien des égarements et des confusions. Vous allez, par exemple, qualifier un homme politique de menteur ou voleur. Et croirez avoir donné une réponse définitive à la question : « qui est cet homme et de quoi est-il capable ou pas ? »

Un slogan qui est un redoutable oxymore est : « le pouvoir au peuple ». Il a été vraisemblablement inventé à une époque où, officiellement, le pouvoir appartenait au roi. Pour justifier son renversement, ceux qui ont pris sa place ont proclamé être « le peuple ». Mais parler de « pouvoir du peuple », « pouvoir populaire », est un non sens. Un pouvoir, c'est toujours une minorité qui commande et décide à la place de la majorité.

Il y a divers types de pouvoirs. Mais prétendre que le peuple est au pouvoir, c'est comme prétendre que le bas est en haut, c'est absurde. On peut, par contre, chercher à développer des éléments limitant le pouvoir. Ce qu'on appelle des « contre-pouvoirs ». Ceux qui ont le pouvoir se heurtent à d'autres qui ont le pouvoir de, par exemple, faire grève ou manifester. Mais, si on veut renverser le pouvoir et mettre « le peuple » à sa place, le résultat est toujours caricatural par rapport à l'ambition avancée. Et on s'aperçoit également avec le temps que le suffrage universel est parfaitement compatible le plus souvent avec le pouvoir des riches.

Mais alors, quelle est la solution politique idéale ? Existe-t-elle ? Pas forcément, si elle émane de l'homme, qui n'est pas parfait. On ne voit pas pourquoi et comment il pourrait arriver à la perfection. C'est même impossible. Il serait plus raisonnable de se dire : « la solution parfaite n'existe pas. Quelle est la solution la moins mauvaise ? » Mais, vous voyez un parti politique aller aux élections en proclamant : « des voleurs et des profiteurs, il y en aura toujours, alors nous allons essayer de limiter leur nuisance tout en acceptant cette fatalité ? » Si un tel parti se présente, a-t-il ses chances auprès des électeurs ?

On a eu un exemple il y a quelques années, où un parti s'est présenté aux élections nationales de son pays en déclarant : « il y des problèmes. On continuera à en avoir. Nous ne parviendrons pas à les résoudre car il n'existe pas de solutions parfaites. Mais nous ferons notre possible pour améliorer la situation ou éviter sa trop forte aggravation. » Ce parti a tenu un discours comme ça, empreint de réalisme. Cependant que des partis politiques concurrents se présentaient aux électeurs en débitant un discours démagogique. Ils allaient tout arranger. Qu'est-il arrivé ? Le parti au discours réaliste s'est ramassé une gamelle mémorable. Les partis démagogues ont remporté les élections. Et les ennuis ont continué pour le pays. Mais, on aime bien croire au Père Noël. Y compris quand on a passé 18 ans et qu'on a une carte d'électeur en poche.

Dans ces conditions, si vous vous présentez aux élections, il vaut mieux venir avec des contes de fées auxquels y compris vous ne croyez pas, si vous voulez arriver à remporter la timbale des élections. Et si vous êtes trop attaché à la droiture et la sincérité pour mentir de la sorte aux autres, alors, faites autre chose que de la politique. Ou résignez-vous à ne jamais arriver au pouvoir par les élections.

Aux élus le peuple « délègue » son pouvoir. Et celui-ci se retrouve systématiquement détenu par des gens qui oublient leurs électeurs dès le lendemain des élections. Il serait bon de trouver une autre solution pour gérer le monde. Laquelle ? Je ne sais pas.

Basile, philosophe naïf, Paris le 2 novembre 2015

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