J'ai connu, il y a bien
des années, un philosophe qui écrivait des livres, faisait de la
politique, déclarant défendre des causes justes et généreuses, et
enseignait à l'université. De son propre aveu, il passait le plus
clair de son temps à écrire tard le soir et jusqu'à un peu dans la
nuit. Il dormait ensuite et se levait vers onze heures du matin. Sa
femme, elle, avait un emploi classique avec des horaires diurnes.
J'étais un jour en visite chez ce philosophe, qui avait donc une
belle vie très confortable. Le soir arrive, sa femme rentre,
fatiguée par sa journée de travail. Le philosophe l'accueille. Et
je l'entends lui dire : « Il y a un colis à chercher à la
poste. »
Ce philosophe n'avait pas
le temps de faire cette commission et y envoyait tranquillement sa...
bonniche d'épouse ! Et vive la généreuse philosophie de ce
généreux philosophe !
Les machos, et ils
forment l'écrasante majorité de la population mâle de notre
planète, sont de parfaits feignants. Qui poussent ou contraignent
leur femme à réaliser une immense quantité de tâches ingrates,
répétitives, ennuyeuses et ménagères. Ils le font avec la plus
grande tranquillité d'âme et la plus sereine et parfaite mauvaise
foi du monde.
En 1980 en Angleterre, un
jour de grand soleil au camping de Brighton, j'ai vu avec une amie
une scène frappante et parlante. Une dame sexagénaire, visiblement
très fatiguée, s'escrimant avec un très grand bac en bois où elle
lavait du linge. Et, juste à côté, sur un lit en toile pliant, un
gros monsieur sexagénaire, en short, allongé et prenant le soleil. Mon amie
et moi sommes restés un instant scotchés, au point que l'homme s'est
aperçu de notre réaction. Et que ça a paru le déranger.
Un vieil ami à moi
s'était fait une spécialité quand sa femme lui demandait
d'habiller leur petit garçon le soir pour aller dormir : « Je
ne sais pas où est le pyjama du petit. » C'était sa phrase
fétiche. Et voilà qu'un jour, c'est « le petit », qui,
entendant ces mots familiers, lève le bras et indique d'un doigt mal
assuré le meuble où était rangé le fameux pyjama ! Sa maman a été
horrifiée. Au bout de dix ans de mariage elle a divorcé. En
m'expliquant que, mère de deux enfants, elle en avait assez d'en
avoir trois à la maison. Le troisième étant son mari.
Aujourd'hui cet homme, par ailleurs très sympathique, fait dans son foyer de la résistance vaisselière. Quand sa compagne lui dit de faire la vaisselle, il trouve tous les moyens dilatoires pour la remettre à plus tard. Tout en espérant qu'à la fin, un autre la fera à sa place. Il a une fois mis la vaisselle à tremper dans une bassine avec de l'eau. Et ensuite a résisté une dizaine de jours sans y toucher. Au point qu'à la fin des moisissures ont commencé à apparaître dans la bassine !
Et avec ça, ce homme est
de la plus totale et parfaite mauvaise foi. Il affirme haut et fort
ne pas être machiste ! Son père, que j'ai connu, était exactement
comme lui. De nos jours, c'est à la mode à Paris de déclarer ne pas être
machiste. Alors qu'on l'est jusqu'au bout des ongles. Le grand truc
pour éviter les tâches ménagères consistant à trainer pour les
faire. Et si on les fait, les faire mal. Un homme que j'ai connu m'a
déclaré avec un grand sourire qu'il ne savait jamais où se
trouvait les différentes affaires dans sa maison. Ainsi, c'était
toujours finalement sa femme qui faisait à la maison toutes les
tâches ménagères.
Cette grève des hommes
est très ancienne. Elle a pour but de maintenir les femmes dans leur
esclavage domestique, en faisant mine d'être incapable d'assumer les
tâches domestiques. On connaît le célèbre et féminin : « laisses
ça ! Je sais mieux et plus vite le faire que toi ! » Cette
grève des hommes est en fait une tradition très ancienne de
manipulation de la femme par l'homme. Chez certains hommes, elle
apparaît pratiquement comme une « seconde nature ».
Basile, philosophe
naïf, Paris le 21 novembre 2015
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