Quelle est l'origine des
agressions sexuelles commises par des hommes sur des femmes ? Ce sont
des monstres ! Ce sont des brutes ! Ils méritent la prison, la mort,
la castration ! Des monstres, des brutes ? Je ne suis pas un monstre,
ni une brute. Je n'ai jamais frappé personne. Pourtant, j'ai très
précisément ressenti un jour l'envie de commettre une telle
agression. Envie à laquelle j'ai su résister victorieusement et
heureusement pour moi et l'autre. Mais, cette expérience m'a un peu
éclairé sur le cheminement qui peut amener un homme pacifique et
doux à devenir une brute et un monstre.
Quand j'avais un âge peu avancé, peut-être quatorze ou quinze ans, j'ai commencé une relation sexuelle déjantée avec une jeune fille. Le soir, sans rien dire, ni elle, ni moi, elle faisait semblant de dormir et je la pelotais sous sa couverture, dans son lit. Cette relation a duré plusieurs années. Quand je suis arrivé à l'âge de dix-neuf ans, pour la première fois de ma vie j'ai quitté seul le logis familial. Et suis parti pour deux mois visiter les correspondants que j'avais en Roumanie.
Dans le train du retour, le 9 novembre 1970, j'ai fait la connaissance de Madeleine, une jeune femme française. Elle est monté juste avant la sortie de Roumanie, dans la gare de Curtici, où elle a fait ses adieux à un jeune homme roumain. Nous avons sympathisé elle et moi, dans la voiture qui paraissait vide à part nous. Nous partagions un compartiment couchettes. La nuit est venue. Je me suis couché dans la couchette du bas à gauche. La jeune femme dans celle du milieu à droite.
Le lendemain matin, je me
réveille avant elle. Derrière le store baissé de la fenêtre il
fait déjà jour. Paris approche. Et voilà que je suis pris d'une
terrible envie de me lever. Pour aller glisser ma main sous la
couverture de Madeleine et peloter son intimité ! J'ai dû faire des
efforts terribles pour résister à cette envie ! Finalement, au bout
d'un certain temps que je résistais à cette envie insistante et
très forte, elle s'est réveillé et levé. Nous avons replié les
couchettes. Et, arrivés à Paris, nous sommes quittés en parfaite
cordialité. Et ne nous sommes jamais revus.
Mais quels efforts moraux
j'ai dû faire pour éviter de suivre mon désir de faire avec elle
ce qui aurait été la plus bête et lâche agression sexuelle !
C'est la première fois
que j'ose raconter cette histoire vieille de presque 45 ans jour pour
jour à l'instant où j'écris. Je me souviens très bien de la date,
car le jour de mon arrivée tous les journaux français titraient :
« De Gaulle est mort ». Il est mort le 9 novembre 1970.
Je suppose que le temps d'imprimer les journaux, c'était déjà le
10 novembre.
L'envie à laquelle j'ai
réussi à résister était simple : il fallait faire avec ma voisine
du compartiment couchettes exactement comme je faisais habituellement
avec l'autre jeune fille. Comment ai-je réussi à résister
efficacement ? Probablement parce que je suis resté toujours très
pacifique. Alors, comment aurais-je réagi à cette envie si j'avais
été élevé dans un milieu violent ? Ou, tout simplement, si ma
perception de la réalité aurait été amoindrie par une boisson
alcoolisée ? Je serai très probablement passé à l'acte. Il n'y a
pas si loin finalement entre l'homme sain et le déséquilibré.
Par la suite, j'ai
échangé quelques courriers avec Madeleine, qui habitait en
Bretagne. Nous nous sommes perdus de vue depuis une quarantaine
d'années. Elle m'a probablement oublié. Elle est peut-être grand
mère à l'heure qu'il est. Mais moi je n'ai pas oublié ce combat
contre la tentation que j'ai mené ce matin de novembre 1970. Il
pourrait être utile et éducatif que d'autres personnes qui ont
résisté à de telles inadmissibles tentations racontent leur
expérience. Ça pourrait aider à prévenir des problèmes et
clarifier la pensée d'humains tentés.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 9 novembre 2015
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