mardi 17 novembre 2015

463 Information et passionalisation

Quand un événement arrive, les médias peuvent en informer le public. Il leur arrive également de n'en parler ensuite que pour ajouter de l'émotion. Ce n'est plus de l'information, mais de la passionalisation.

L'exemple le plus classique est le suivant : un accident arrive. Les médias annoncent cet accident et informent qu'il a fait une victime. Là, c'est de l'information. Ensuite, les médias commencent à donner des détails sur la vie de la victime. Détails sans rapports avec l'accident, mais destinés à soumettre la sensibilité du public à un bombardement d'émotions. On va chercher à rendre la victime systématiquement la plus proche possible de gens qui ne la connaissaient pas.

Là, on est en pleine passionalisation. On cherche à confisquer l'émotivité du public. On ne l'informe plus. On l'intoxique avec une émotion qu'on va lui insuffler et qui ne lui apportera rien, excepté de la tristesse. Les médias sont alors, au nom de l'information, en pleine nuisance.

J'ai remarqué ce mode de procéder classique en lisant des journaux en Italie. La victime d'un événement grave survenu dans un autre pays était progressivement décrite. Visiblement pour que le lecteur soit persuadé qu'elle lui ressemblait. Et que ce qui lui était arrivé de tragique aurait put aussi bien lui arriver.

La passionalisation a notamment pour but de permettre de servir de l'information réchauffée. Quand un événement arrive, il fait vendre. Après, pour continuer à en parler, s'il y n'y a rien de nouveau, il faut bien en ajouter du côté passionnel. Comme ça, apparemment, il y a encore de l'information.

La passionalisation peut aussi servir à faire passer un message. Qui n'est pas forcément lié à l'événement. On va, par exemple, insister sur un aspect de l'événement. Qui confortera l'orientation politique du média concerné. Là on passera à la manipulation.

L'usage de l'image et de la vidéo servira massivement la passionalisation. Reprises en boucle, les vidéos accentueront la peine et l'angoisse du téléspectateur. L'usage de mots « forts », de clichés impressionnants, et l'appel à d'illustres inconnus « spécialistes » auto-proclamés et adoubés par les rédactions, pourront servir à alourdir un peu plus le tableau.

Au bout d'un certain temps, variable selon les périodes et les événements, l'information sensationnelle, comme un demi-citron pressé, sera jetée de côté par les médias, qui parleront d'autre chose.

Un des sujets sensationnels très repris ces dernières années concerne l'écologie. On annonce la fin du monde. Et l'instant d'après on parle d'autre chose dans le journal télévisé, par exemple d'un spectacle ou du dernier match de football.

Ce qui traduit bien l'indifférence des transmetteurs d'émotion. J'ai pu en avoir la démonstration il y a une quinzaine d'années. Je connaissais l'auteur d'un reportage télévisé sur un événement très tragique survenu en bord de mer. Il m'a raconté ce reportage comme une agréable excursion professionnelle. Il avait tourné un beau « sujet ». Avec une équipe sympathique était allé au bord de la mer. Et au cours de ce reportage, au restaurant, avait très bien mangé. Rien que du bonheur !

Mais le public de téléspectateurs qui avait reçu son reportage tragique en pleine figure ? Il n'y pensait même pas.

Basile, philosophe naïf, Paris le 17 novembre 2015

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