Les hommes et les femmes
politiques sont des gens qui se sont mit en tête d'être nos chefs.
Ce à quoi ils excellent parfois. Ce rôle qu'ils ont choisi les
contraint à devoir remplir une étrange obligation : le remplissage
de l'espace médiatique. Car ils sont en permanence en campagne
électorale ou inter-campagnes électorales pour recueillir nos voix.
Or, comme tout homme ou
toute femme, ces leaders sont compétents dans certains domaines ou
pas. Mais, il leur faut paraître quasiment infaillible en tout. Le
résultat, en plus de certains flops fameux, est la vacuité de
certains chapitres de certains programmes politiques. On sent qu'il a
fallu remplir ceux-ci avec quelques phrases creuses, car on ne savait
pas quoi y mettre. Ainsi, on a répondu à l'ensemble de toutes les
préoccupations ! Il ne faut surtout pas dire qu'on ne sait pas. Ce
qui est humain. Mais, l'électeur moyen ne veut pas d'un candidat
humain à élire. Il veut, il exige, un candidat plus qu'humain, une
sorte de super-héros de bande dessinée. Mais les super-héros,
justement, n'existent que dans l'imaginaire et pas dans la réalité.
Le super-héros politique doit être d'une moralité absolue, ne
jamais mentir, être toujours courageux, poli, honnête, prévoir
l'avenir, protéger la veuve et l'orphelin, etc. Ce portrait
infantile du leader politique témoigne, ou bien qu'on est dans une
dictature, ou bien qu'on est dans une démocratie où les électeurs
sont des rêveurs.
Un aspect du remplissage
nécessaire de l'espace médiatique fait qu'il faut faire des
déclarations en permanence sur tout ce qui est important, même s'il
n'y a rien à dire. Ainsi, quand une enquête est en cours après une
incident désagréable quelconque, il faudrait attendre son résultat.
Mais non ! Il faut déjà faire des déclarations martiales
anticipant les conclusions des enquêteurs.
Quand un désastre
arrive, il faut accourir assurer les victimes ou leurs proches de sa
solidarité. Et si on ne ressent rien, il faut feindre l'émotion. Il
existe à ce propos une anecdote célèbre qui date du 4 juin 1922
dans un cimetière de Verdun. En France, au début des années 1920,
le Président de la République Raymond Poincaré devait sacrifier à
de nombreuses obligations concernant l'hommage aux soldats morts
durant la Grande Guerre. On imagine le tableau. Mines de
circonstances, discours remplis de beaux clichés patriotiques,
dépôts de gerbes de fleurs, serrage de mains, etc.
Mais, à force de faire
des dizaines de fois les mêmes gestes, ils deviennent mécaniques et
vides de sentiments. Poincaré n'était pas forcément un méchant
homme indifférent aux multiples drames de la guerre. Mais, quand
arrive pour la énième fois la visite d'un cimetière militaire, on
peut finir par penser à autre chose. Et, justement, lors d'une de
ces visites funèbres, selon une version, un colonel qui accompagnait
le Président de la République lui glisse à l'oreille une bonne
blague. On ignore laquelle. Ce qui est sûr en revanche, c'est que
Poincaré rit en l'entendant. Et, juste à ce moment, un photographe
immortalise l'instant. Le cliché ensuite sera abondamment diffusé
avec le commentaire qu'il entraîne : « Poincaré, l'homme qui
rit dans les cimetières. » On le voit, on n'a pas attendu
l'apparition des téléphones qui filment pour surprendre et dénoncer
ainsi la supposée absence de sincérité d'un homme politique. D'autres disent que le
soleil fit grimacer Poincaré, qui n'a pas rit.
Dans un domaine nettement
plus pacifique, j'ai pu, au début des années 1990, voir que les obligations des hommes
politiques n'avaient pas changées depuis les années 1920. Dans un
petit village, en Auvergne, je connaissais un peu le maire. Et, un
jour où j'étais en visite chez lui, voilà qu'il doit s'en aller.
Dans un hameau du village il va vite rejoindre la fête annuelle du
four à pain. L'épouse du maire, visiblement excédée par
l'obligation de son mari d'aller assister à ce rituel, s'est
exclamée devant moi : « tu vas encore devoir aller à la fête
du four ! » Eh oui, les hommes et les femmes politiques sont
tenus de faire de la représentation ainsi. Et si ça peut paraître
bête, c'est à l'image de la bêtise de leurs électeurs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire