Quand on veut organiser
quelque chose, une fête, par exemple, une fête importante, on
s'entend souvent conseiller en France : « il faut une association
déclarée selon la loi de 1901 (une ASBL, si c'est en Belgique),
avoir un local, trouver des subventions, avoir des soutiens
officiels. » Et là, si on suit ces conseils, on s'égare bien
souvent et on s'impuissante.
Créer une association
consiste à déposer en préfecture des statuts, une liste de deux
personnes au minimum, un trésorier et un président, quelques autres
documents, et payer son insertion au Journal officiel. Ce qui
fait qu'ensuite on croit avoir fait quelque chose : « on a
fondé une association ». Il y avait à l'origine deux abrutis
avec une idée. À
présent, il y a toujours deux abrutis avec une idée. Mais, à
présent, ils se prennent pour autre chose : une association. C'est
le premier piège. Il y en a d'autres. Mais s'obnubiler sur la
démarche « associative » fait partie des aberrations
courantes en France. Bien des rêves sombrent avec la création de la
sacro-sainte « association ». Qui dit association dit :
cotisations, par exemple... Au début, elles rentrent facilement.
Ensuite, ça devient plus dur. Et celui qui récolte les cotisations
fini par se sentir un peu comme un huissier poursuivant des mauvais
payeurs.
Autre travers nuisible de
cette aventure dite « associative » : le plus souvent, en
France, les associations ont un bureau de trois membres : un
président, un secrétaire et un trésorier. Qui dit président
dit : pouvoir. Qui ajoute secrétaire dit : bureaucratie. Et
avec le trésorier arrivent : l'argent et la finance. C'est
tout un cadre, un carcan, mis à l'idée de départ. On a dégagé la
nécessité d'un chef, de paperasses et de fric. On n'est plus du
tout dans le registre de départ. On voulait faire une fête. À
présent on veut un chef, des archives, un budget argent.
Et le local ! Qui dit
local dit location, qui dit location dit argent, qui dit argent dit
subvention, qui dit subvention dit... aller mendier aux politiques la
restitution d'une fraction de l'argent de nos impôts, que le fisc
nous a confisqué, pour eux, sous la menace de poursuites en cas de
refus. La subvention est à l'association ce que le sucre est au
chien. Le chien fait le beau pour obtenir le sucre. L'association
fait la belle pour toucher sa subvention. Mais, à la différence du
chien, l'association ne reçoit pratiquement jamais son sucre. Ou
alors, au prix de la rédaction d'un dossier très ennuyeux à
fabriquer, elle reçoit un quart ou un cinquième de sucre.
Certains termes sensés
indiquer la marche à suivre brillent par leur caractère au bout du
compte erroné. Pour être sûr d'obtenir une subvention, il faut
« un dossier en béton ». Comme si c'était une question
d'arguments. Pour y arriver il faut trouver « les bonnes
personnes ». Comme s'il existait forcément quelque part un
responsable attendant le moment pour vous recevoir, vous écouter et
satisfaire votre attente.
Quand l'idée de départ
s'incarne dans une structure dite « associative », on
peut faire rentrer ainsi le loup dans la bergerie. L'initiateur de
l'association, celui qui en a été l'âme, va devenir juste un
membre parmi d'autres. Résultat : il suffira qu'il soit mis en
minorité par le vote pour être, y compris, chassé de l'association
qu'il a créé ! Ce genre de mésaventures est arrivé un nombre
immense de fois à des personnes ayant cru renforcer leur projet, et
l'ayant affaibli avec un cadre associatif.
Moins il y a de pouvoir
déclaré, de bureaucratie et d'argent, mieux c'est. Les formidables
associations de Carnaval de Dunkerque et des villes alentours ne sont
pas toutes déclarées. Et beaucoup d'entre elles ne disposent pas
d'un local propre, mais sont basées dans des cafés. Ce qui ne les
empêche pas d'être la base d'organisation de parmi les plus formidables des
carnavals.
Basile, philosophe
naïf, Paris les 18 et 23 novembre 2015
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