jeudi 5 novembre 2015

448 Étrangetés humaines : les toupideks idéologiques

Chez les humains existent, entre autres étrangetés, la prétention à vouloir les faire obéir à des sortes d'entités intellectuelles fantasmiques qu'ils ont eux-mêmes créé ou imaginé avoir créé. Chez les esquimaux existe la croyance en la possibilité de transformer des créatures, les toupideks, en objets animés par les toupideks. Il s'agit ici de toupideks idéologiques. Ils « animent » des mots.

Il en est ainsi des « promesses ». Tu prononces les mots : « je promets », ou : « je te promets », ou : « je vous promets ». Et, dès ce moment, tu ne t'appartiens plus, ta personne, ta pensée, ta vie doivent se prosterner devant le souvenir de cette formule magique. Tu as promis. Donc tu dois obéir à... ta promesse. Le souvenir de sons que tu as émis avec la bouche. Ou les traces sombres que tu as généré sur un écran d'ordinateur ou une feuille de papier. Tu as écris : « je promets », tu as signé, donc, tu dois obéir à « ta promesse », « honorer (!!!) ta signature ». Ça peut aussi prendre une autre forme formelle. Il s'agira d'un « engagement ». Jadis, saoulé par un sergent recruteur, le jeune homme qui avait tracé une croix au bas d'un « engagement » militaire était tenu à passer trente années dans l'armée. Et, sinon, il était bon pour les galères.

Autre contorsion verbale et idéologique : le « contrat ». Tu as signé un « contrat » de vente, de travail, de location... Ce mot magique, les traces d'encre qui le forment, vont te commander. Sinon, tu seras puni, dénoncé comme « sans honneur », etc. Plus solennel encore : le « serment ». Tu « prêtes serment sur... » C'est-à-dire que tu agites ta main au dessus d'un objet, par exemple, une bible. Et tu prononces les mots : « je jure que... » Et le tour est joué ! Tu n'es plus libre. Tu es « lié par ton serment ». Lié comment ? A quoi ? Avec quoi ? Mystère.

Et tous ces mots, prononcés ou écrits, ces supports, papier ou électronique, sont des fabrications de l'homme. Et voilà qu'il prétend obéir à ces fabrications ! Prétentions parfaitement absurdes !

« Mais, si on ne les suit pas, rien ne va plus, » diront certains. Si vous observez bien ceux qui parlent ainsi, vous constaterez qu'ils sont très bien placés dans le système. Rien ne leur manque. Ce sont des privilégiés. Alors, comme par hasard, le système leur plaît. Il ne faut surtout rien changer au monde quand dans celui-ci on touche par exemple 20 000 euros tous les mois. Ne changez rien ! Ou alors, si doucement et lentement que finalement rien ne change.

Les donneurs de leçons bien gras et bien nourris ne trouveront rien à redire de bien grave au système dont ils sont les prébendiers. « Peut-être faut-il changer des choses ? » Diront-ils. Bien sûr qu'il faut les changer, demain, toujours demain et jamais aujourd'hui, tout de suite.

Bien des politiques se sont découverts une vocation irrésistible de réformateurs à long terme. Ça doit changer, dans cinquante ans. Allez-y à fond, quand nous serons morts. Après moi, le déluge. Mais avant, ne dérangez surtout rien.

Les plus grands farceurs sont les donneurs de leçons au monde entier, exceptés certains pays, où l'arbitraire aurait un goût différent de l'habituel. Il existe en France un blogueur, politicien bruyant et brillant. Quand il parle du Tibet, il se révèle être un supporter in-con-di-tio-nnel de Pékin contre les « lamas esclavagistes » et le sinistre et dangereux Dalaï Lama agent de Bouddha et de la CIA... Ce blogueur, avec ses colères feintes et ses raisonnements argumentés, soutient à fond les manettes le pouvoir chinois ultra-capitaliste et hyper-répressif. Tout en critiquant par ailleurs les mêmes turpitudes quand elles ne sont pas commises par le gouvernement et la bourgeoisie rouge chinoises. En résumé : vive les gentils exploiteurs et adorables dictateurs de la Chine ! A bas les horribles dictateurs et affreux exploiteurs d'autres pays ! Ce blogueur est une étrange anguille politique.

Basile, philosophe naïf, Paris le 5 novembre 2015

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