Chez les humains
existent, entre autres étrangetés, la prétention à vouloir les
faire obéir à des sortes d'entités intellectuelles fantasmiques
qu'ils ont eux-mêmes créé ou imaginé avoir créé. Chez les
esquimaux existe la croyance en la possibilité de transformer des
créatures, les toupideks, en objets animés par les toupideks. Il
s'agit ici de toupideks idéologiques. Ils « animent »
des mots.
Il en est ainsi des
« promesses ». Tu prononces les mots : « je
promets », ou : « je te promets », ou : « je vous promets ». Et, dès ce moment,
tu ne t'appartiens plus, ta personne, ta pensée, ta vie doivent se
prosterner devant le souvenir de cette formule magique. Tu as
promis. Donc tu dois obéir à... ta promesse. Le souvenir de
sons que tu as émis avec la bouche. Ou les traces sombres que tu as
généré sur un écran d'ordinateur ou une feuille de papier. Tu as
écris : « je promets », tu as signé, donc, tu dois
obéir à « ta promesse », « honorer (!!!) ta
signature ». Ça peut aussi prendre une autre forme formelle.
Il s'agira d'un « engagement ». Jadis, saoulé par un
sergent recruteur, le jeune homme qui avait tracé une croix au bas
d'un « engagement » militaire était tenu à passer
trente années dans l'armée. Et, sinon, il était bon pour les
galères.
Autre contorsion verbale
et idéologique : le « contrat ». Tu as signé un
« contrat » de vente, de travail, de location... Ce mot
magique, les traces d'encre qui le forment, vont te commander. Sinon,
tu seras puni, dénoncé comme « sans honneur », etc.
Plus solennel encore : le « serment ». Tu « prêtes
serment sur... » C'est-à-dire que tu agites ta main au dessus
d'un objet, par exemple, une bible. Et tu prononces les mots : « je
jure que... » Et le tour est joué ! Tu n'es plus libre. Tu es
« lié par ton serment ». Lié comment ? A quoi ? Avec
quoi ? Mystère.
Et tous ces mots,
prononcés ou écrits, ces supports, papier ou électronique, sont
des fabrications de l'homme. Et voilà qu'il prétend obéir à ces
fabrications ! Prétentions parfaitement absurdes !
« Mais, si on ne
les suit pas, rien ne va plus, » diront certains. Si vous
observez bien ceux qui parlent ainsi, vous constaterez qu'ils sont
très bien placés dans le système. Rien ne leur manque. Ce sont des
privilégiés. Alors, comme par hasard, le système leur plaît. Il
ne faut surtout rien changer au monde quand dans celui-ci on touche
par exemple 20 000 euros tous les mois. Ne changez rien ! Ou alors,
si doucement et lentement que finalement rien ne change.
Les donneurs de leçons
bien gras et bien nourris ne trouveront rien à redire de bien grave
au système dont ils sont les prébendiers. « Peut-être
faut-il changer des choses ? » Diront-ils. Bien sûr qu'il faut
les changer, demain, toujours demain et jamais aujourd'hui, tout de
suite.
Bien des politiques se
sont découverts une vocation irrésistible de réformateurs à long
terme. Ça doit changer, dans cinquante ans. Allez-y à fond, quand
nous serons morts. Après moi, le déluge. Mais avant, ne dérangez
surtout rien.
Les plus grands farceurs
sont les donneurs de leçons au monde entier, exceptés certains
pays, où l'arbitraire aurait un goût différent de l'habituel. Il
existe en France un blogueur, politicien bruyant et brillant. Quand
il parle du Tibet, il se révèle être un supporter
in-con-di-tio-nnel de Pékin contre les « lamas esclavagistes »
et le sinistre et dangereux Dalaï Lama agent de Bouddha et de la
CIA... Ce blogueur, avec ses colères feintes et ses raisonnements
argumentés, soutient à fond les manettes le pouvoir chinois
ultra-capitaliste et hyper-répressif. Tout en critiquant par
ailleurs les mêmes turpitudes quand elles ne sont pas commises par
le gouvernement et la bourgeoisie rouge chinoises. En résumé : vive
les gentils exploiteurs et adorables dictateurs de la Chine ! A bas
les horribles dictateurs et affreux exploiteurs d'autres pays ! Ce
blogueur est une étrange anguille politique.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 5 novembre 2015
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