Un certain nombre de
personnes - et probablement la plupart, dont nombre de jeunes, -
croient sincèrement en France et à Paris que, entre humains
adultes, « aimer » implique de devoir faire l'amour. Que
les caresses entre adultes sont des « préliminaires »
qui impliquent d'arriver forcément à l'acte sexuel. Considérer
ainsi que quand on aime on doit faire l'amour. Que quand on
fait des caresses on doit faire l'amour, car ces caresses
seraient des « préliminaires »... revient à faire des
mots « aimer » et « préliminaires » des mots
camisoles, qui empêchent la pensée de fonctionner et les
sentiments-même d'être entendus. On y ajoute d'autres fausses
« évidences », comme celle que l'érection signifie
désir et recherche de l'acte sexuel. Et tout est en place pour faire
le malheur des humains, avec pour guide un inextricable schéma
soi-disant objectif des rapports humains.
Il y a plus de vingt ans,
je me souviens avoir commencé à échanger baisers et caresses avec
une dame. Qui s'est subitement exclamé : « on ne peut pas
faire l'amour parce qu'il y a le SIDA ! » Je me suis empressé
de lui répondre que nous n'étions nullement obligés de « faire
l'amour ». Quand après deux heures de caresses et baisers nus
forts agréables nous nous sommes interrompu pour prendre le thé,
cette dame s'est exclamé : « qu'est-ce qu'on n'a fait ? On n'a
rien fait ! » Et elle a rit. Car, pour elle, « faire
quelque chose » c'était en l'occurrence « faire
l'amour ». Comble de l'absurdité conduisant à nier la vivante
réalité. Par la suite elle a tenu à m'accompagner pour voir
comment c'était chez moi. A constaté que je n'étais pas riche,
loin de là. Et, par la suite, a évité de me revoir. Visiblement
pour elle, si j'avais été du même milieu social aisé qu'elle,
nous aurions pu ensuite « passer aux choses sérieuses »,
mettre l'oiseau dans le nid et devenir « amants ». Détail
comique et révélateur, les quelques fois où je lui ai téléphoné
par la suite, elle arguait d'une infection vénérienne pour ne pas
pouvoir me revoir. Comme si le seul échange possible et a envisager
devait concerner cet endroit-là. Notre société est bien barbare
avec son obsession du cul.
Quand on est très
jeunes, s'agissant du sexe, on se demande : que faire ? Puis, une
fois qu'on s'est fait baratiner sur le thème « l'essentiel est
parvenir au coït », on se demande : quand le faire ?
On se retrouve sensé
devoir acceptez ou recherchez des choses, en refuser d'autres. Ça
devient très incertain et abstrait. Il y a des imbéciles qui vont
considérer le sexe comme un exercice ludique parmi d'autres : un
resto, un film, une baise. Non, ça n'est pas égal. A-t-on déjà vu
un chagrin d'amour provoqué par une entrecôte trop cuite ou une séance de
cinéma ratée ? Le sexe, ça n'est pas une chose anodine, un produit
parmi d'autres, à consommer.
Et si, s'agissant du
sexe, on commençait simplement par se demander : « qu'est-ce
qu'on veut ? »
Et si on s'arrêtait de
commettre les erreurs d'interprétation des réactions génitales.
Une érection signifie une érection; Elle ne signifie nullement
forcément une envie de « faire l'amour ».
A force de placer
abusivement le coït au centre des relations humaines entre adultes,
les humains abusés finissent par ne plus rien y comprendre. Sauf
que, d'évidence, ils souffrent. Et tendent alors souvent à rejeter
la responsabilité de leur souffrance sur l'autre ou sur le mauvais
sort. Un homme que je connaissais s'est trouvé confronté au refus
catégorique de sa femme de « faire l'amour ». Au bout
d'un certain nombre d'années de mariage, elle avait décidé
d'arrêter de céder aux caprices sexuels de son mari. Ce dernier n'y
comprenait rien. « Ça me rend fou ! Et elle, de son côté,
elle dort très bien ! » Et lui de conclure : « elle doit
être lesbienne ! » Elle a fini par divorcer.
Devant l'incompréhensible
et l'insatisfaisant dans le domaine dit « sexuel », on
dirait que le mot d'ordre de beaucoup soit : « surtout ne pas
réfléchir ! »
Basile,philosophe naïf,
Paris les 22 mai et 23 novembre 2015
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