La Mi-Carême 1874 fêtée à Paris dans un lavoir du quartier Plaisance.
Le duc de Bourgogne, puissant chef d'état de jadis, octroyait l'Ordre de la Toison d'or à diverses personnalités, qui lui en étaient donc redevables. Le roi de France Louis XI, soucieux de lui faire concurrence, créa en 1469 l'Ordre de Saint Michel. Cet ordre disposait d'une chapelle construite à cet effet dans l'île de la Cité, à Paris. Ça devait être une très riche et très belle chapelle. Où est-elle à présent ? Disparue, rasée, détruite par un imbécile nommé Georges Haussmann, ceci afin de poursuivre un mur du XVIIème siècle !
Haussmann a saccagé
Paris. L'île de la Cité, par exemple, aux rues anciennes et
chapelles nombreuses, a été pratiquement détruite pour sa plus
large part. Si elle avait été conservée, aujourd'hui ses rues
étroites et trésors architecturaux seraient l'objet de la visite
des touristes émerveillés du monde entier. Au nombre de ses actes
de vandalisme en cette île, Haussmann fit abattre un des trois côtés
de la place Dauphine. Et cela pour dégager la perspective sur un
escalier monumental, disgracieux, inutile, que personne ne connaît,
et qu'il a fait construire à l'arrière du Palais de Justice. Celui
qui a conçu ledit escalier et ceux qui l'ont construit ont empoché
leurs profits de parasites immobiliers. Ils sont morts depuis
longtemps. Le résultat est toujours là.
Le gros argument pour
justifier la plupart du temps ces destructions, c'était
l'insalubrité. A contrario, à Lyon existe toujours un grand
quartier formé d'immeubles du XVIème siècle. Nettoyés, modernisés
à l'intérieur, les maisons de ce quartier n'ont rien d'insalubres.
Mais la chasse au microbe servait à justifier la spéculation de
jadis.
En détruisant Paris,
Haussmann détruisait les liens entre les habitants qu'il chassait de
leurs maisons, leurs rues, leurs quartiers. Le Parisien était
suspect. Mais, les habitants ne changeaient pas aussitôt. Ils
conservaient des liens, certes distendus par la dispersion,
l'éloignement des lieux où ils avaient vécu. Pour preuve, la
festivité a longtemps résisté à Paris. Quand, après la guerre de
1870, le siège de Paris, la famine, la Commune et le massacre d'au
moins 30 000 Parisiens par l'armée versaillaise, la paix revint, la
fête revint également. Dès 1872, on fêtait à nouveau le Carnaval
à Paris. La Mi-Carême se dansait dans les lavoirs dès les années
situées juste après 1870-1871.
Encore bien plus tard, on
trouvait une vie de quartier en de nombreux endroits à Paris. En
1996, je discutais de la festivité parisienne avec un fleuriste âgé,
Monsieur Huguet. Il me racontait que dans les années 1960, quand il
faisait beau, entre voisins ils sortaient table et chaises et
déjeunaient sur le trottoir. Ça se passait rue Raymond Losserand,
tout près de l'avenue du Maine, dans le XIVème arrondissement. Et
puis ? Plus rien, « ils ont aseptisé la rue », me disait
ce fleuriste.
Comment faire pour que
revienne la festivité parisienne ? La recette existe. Comparons
aujourd'hui deux villes distantes de 66 kilomètres : Lille et
Dunkerque. À Lille, aujourd'hui, il n'y a plus de Carnaval. Il était
jadis très important. À Dunkerque, le Carnaval est énorme. Comme me
disait il y a un an environ une Dunkerquoise : « nous, à
Dunkerque, quand vient l'hiver, on est joyeux, car ça va bientôt
être le Carnaval. À Lille, par contre, ils sont tristes, parce que
le temps est mauvais. »
Qu'est-ce qui fait cette
différence entre deux villes pourtant très proches géographiquement
? Et Dunkerque est une ville nettement moins riche que Lille et n'a
pas d'université comme elle.
À Dunkerque et dans les
villes alentours existent des petites sociétés festives. Il y en a
des dizaines, déclarées ou non. Certaines se reforment juste au
moment du Carnaval et se redissolvent juste après. Leur taille est
de douze membres, sauf quelques-unes. Demandez à un Dunkerquois :
« une société de Carnaval, c'est petit ? » Il vous
rétorquera du tac au tac : « mais, bien sûr, que c'est petit
! » À Dunkerque et dans les villes aux alentours, c'est une
évidence pour tout le monde.
Petites, ces sociétés n'ont pas les inconvénients des sociétés à vocation plus grande. Pas de profiteurs qui viennent parasiter. Pas de chefs qui se prennent la grosse tête. Pas de problème de gestion, orientation, local, subvention. La plupart de ces sociétés ont pour siège un café.
Petites, ces sociétés n'ont pas les inconvénients des sociétés à vocation plus grande. Pas de profiteurs qui viennent parasiter. Pas de chefs qui se prennent la grosse tête. Pas de problème de gestion, orientation, local, subvention. La plupart de ces sociétés ont pour siège un café.
Avec ces dizaines de
sociétés festives, Dunkerque et les villes alentours possèdent un
maillage festif qui assure la réussite du Carnaval. A présent,
imaginons un peu ce que ce serait ailleurs.
Prenons un quartier de Paris. Si dans ce quartier se créent disons 8 sociétés de 12. Ça va donner 96 festifs organisés. Le jour d'une fête, le Carnaval, par exemple, ces 96 pourront drainer au moins un nombre équivalent de proches, amis, parents... Total : environ 200 personnes qui se seront préparées pour le défilé, se seront costumées, dotées de carnets de chansons, petites percussions, bigophones, auront répété... Ces 200 attireront bien une foule équivalente, soit 400 personnes concernées qui participent à la fête. Une fête avec 400 personnes est une fête réussie pour animer un quartier.
Et cette estimation, je l'ai volontairement faite ici très modeste. Il faut ajouter que ces sociétés festives se maintiennent toute l'année, car elles se réunissent régulièrement, pour passer un bon moment ensemble, chanter des chansons. Ces sociétés existaient jadis à Paris. C'était l'équivalent des sociétés festives de Dunkerque et ses environs qui existent toujours actuellement.
Prenons un quartier de Paris. Si dans ce quartier se créent disons 8 sociétés de 12. Ça va donner 96 festifs organisés. Le jour d'une fête, le Carnaval, par exemple, ces 96 pourront drainer au moins un nombre équivalent de proches, amis, parents... Total : environ 200 personnes qui se seront préparées pour le défilé, se seront costumées, dotées de carnets de chansons, petites percussions, bigophones, auront répété... Ces 200 attireront bien une foule équivalente, soit 400 personnes concernées qui participent à la fête. Une fête avec 400 personnes est une fête réussie pour animer un quartier.
Et cette estimation, je l'ai volontairement faite ici très modeste. Il faut ajouter que ces sociétés festives se maintiennent toute l'année, car elles se réunissent régulièrement, pour passer un bon moment ensemble, chanter des chansons. Ces sociétés existaient jadis à Paris. C'était l'équivalent des sociétés festives de Dunkerque et ses environs qui existent toujours actuellement.
À Paris, on les appelait
des goguettes. Il y en avait des centaines. Le nombre de ses
participants n'excédait pas 19. Et puis, elles ont disparu. Pourquoi
? Parce qu'on a voulu les faire plus grandes. Et les maladies des
groupes les ont anéanti. On n'a pas su rester petit.
À Dunkerque et dans ses alentours, les sociétés de Carnaval étaient
des sociétés de marins-pêcheurs. Ils partaient en mer aller pêcher
la morue avec des équipages de 12 hommes. Ce format est resté
inscrit dans la tradition locale. Cependant qu'à Lille ou Paris
cette tradition marine n'existait pas. A partir de 1835, on a voulu
faire plus grand, plus ambitieux, et on a tout détruit.
Refaire des goguettes, c'est facile, agréable. Ça ne coute rien financièrement. En relançant les goguettes à Paris, on rendrait sa gaité à la ville. Depuis une quinzaine de mois j'en ai créé une : la Goguette des Machins Chouettes. Nous sommes 12 à nous réunir une fois par mois pour chanter ensemble, passer un moment agréable. Et nous irons, bien sûr, au Carnaval de Paris.
Pour faire comme nous, il
suffit de se prendre par la main. Savoir que la limite extrême du
groupe sera 19. Pourquoi 19 ? Parce qu'à 20 le groupe commence à se
diviser, les problèmes arrivent. Si on veut faire renaître la
festivité, il faut, avec patience, créer des goguettes. Quand il y
aura à nouveau des centaines de goguettes à Paris, Paris retrouvera
pleinement la gaité qui faisait jadis sa célébrité.
Cette œuvre festive est
plaisante et à la portée de chacun, pourvu qu'il y croit et
persévère dans ce but. Il y a à Paris des millions de carnavaleux
potentiels. Ils sont en train de s'ennuyer devant leur téléviseur.
Que s'offre à eux, qu'ils s'offrent à eux, de renouer avec la
tradition parisienne des goguettes. Et la ville revivra. Je rêve du
jour où on trouvera dans les encombrants, les déchetteries de
Paris, les postes de télévision, par centaines, milliers, même. La
vie ne consiste pas à rester à regarder placidement, béatement,
une boite en plastique avec une image mobile dessus. La vie, c'est
vivre, se rencontrer, chanter ensemble, rire, s'amuser. Et pas s'user
les yeux à consommer à forte dose des programmes ineptes de
« distraction » comme ils disent. Je me souviens comment,
au début des années 1970, des milliers de lycéens défilaient dans
Paris au moment de l'affaire Guyot, et, en plus de leurs slogans
revendicatifs, ils criaient : « ouvrez les yeux ! Cassez la
télé ! » Ne la regardant pas, je ne comprenais pas vraiment
le motif du slogan. A présent je dis : « fermez la télé ! Et
chantez ! Créez vos goguettes ! Amusez-vous ! N'interposez plus
un écran entre vous et la vie ! »
Basile, philosophe
naïf, Paris le 8 novembre 2015
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