Le viol est un sujet qui
préoccupe un très grand nombre de gens qui n'en parlent
pratiquement jamais, en tous cas aux hommes dont je fais partie. Rien
qu'utiliser le mot lui-même paraît difficile voire impossible, y
compris à ceux ou celles qui en ont été victimes. Il est
significatif de voir que l'actrice américaine Jane Fonda a attendu
l'âge de soixante-dix-neuf ans pour évoquer brièvement,
publiquement et pour la première fois le viol qu'elle a subi enfant.
Une femme telle que Jane, qui a milité contre la guerre du Vietnam,
n'a trouvé le courage de parler de son agression qu'arrivée dans sa
quatre-vingtième année de vie... Elle a dit avoir eu honte de son
agression. Se retrouve ici le mécanisme classique et effrayant qui
fait des victimes du viol des coupables. A la base de cette
culpabilité on retrouve la culture ou l'anti-culture patriarcale.
Selon le patriarcat la femme appartient à l'homme et doit lui offrir
fidélité et virginité. Si elle n'est pas « fidèle » à
l'homme qui l'a choisi, si elle ne « préserve pas sa
virginité » pour son « seigneur et maître », elle
est fautive...
Le patriarcat qui déforme
et dénature tout ce qu'il touche n'est pas un problème parmi les
autres. C'est le grand problème dont découlent tous les
autres grands problèmes. Je me suis mis ces temps derniers à
parler du problème du patriarcat aux personnes que je rencontre. Les
femmes m'approuvent toutes, mais je remarque qu'aucune femme ne m'en
a parlé auparavant. Ce qui signifie que les femmes ont conscience du
problème posé par l'existence du patriarcat mais ne pense pas utile
d'en parler aux hommes. C'est de la résignation, il faut en sortir.
Il faut aussi pour cela
cadrer les problèmes, bien les identifier avec précision.
S'agissant du viol par exemple. On parle du viol pénétration
sexuelle forcée, ce qui signifie sans le consentement de la personne
violée, homme ou femme.
Mais il faut aussi
définir une autre sorte de viol : le viol social. Il s'agit d'une
apparence d'acte sexuel où on ne force personne. Mais où les
individus impliqués se forcent sous la pression patriarcale à
s'adonner à une apparence d'acte sexuel qui n'est en fait qu'une
masturbation dans un orifice naturel. C'est un viol commis par la
société sur des individus, qui à tort s'adonnent à cette
gymnastique sexuelle. L'acte sexuel pour être bienvenu doit être
amené par un désir authentique. C'est-à-dire une envie naturelle,
claire et nette de pénétrer ou être pénétré, et pas par un
laborieux raisonnement intellectuel. La plupart des prétendus actes
sexuels sont en fait des masturbations dans un orifice naturel. La
pratique de la masturbation dans un orifice naturel mène à terme à
la rupture, avec le départ d'une des deux personnes concernées,
écœurée par cette pratique.
Les tenants masculins du
patriarcat s'enferment dans une tragique solitude morale. Ils ne sont
pas à même d'établir des relations saines avec une femme et avec eux-mêmes. Et se
sentent en permanence en concurrence avec tous les autres hommes.
Ce phénomène va donner
naissance aux pots de colle patriarcaux.
Des hommes se sentant dans un état d'isolement extrême deviendront
de véritables pots de colle dès qu'ils rencontreront un homme qui
leur apparaîtra bien intentionné. Ils voudront littéralement le
contrôler, le traiter en objet à leur disposition. J'ai rencontré
ce genre d'hommes. Je me passe aisément de leur désagréable
compagnie.
Le patriarcat amène
ainsi toutes sortes de troubles dans la relation entre les hommes,
qui vont de l'opposition violente jusqu'à l'attachement abusif. Seul
le recul du patriarcat permet de faire reculer toute cette violence
morale. Quand le patriarcat recule, la violence recule. C'est ce qui
est arrivé politiquement en Europe depuis 1945 : le recul du
patriarcat a fait reculer la guerre entre pays européens. La même
chose pourrait arriver dans d'autres zones géographiques qui
souffrent de la guerre. Mais tant que le patriarcat continuera à
sévir, les risques de conflits entre états subsisteront.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 28 mai 2018
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