Je parcourais un article
récent qui, sur Internet, parlait du naturisme, autrement dit le
fait de pouvoir se mettre collectivement à poil dans des enceintes
plus ou moins fermées et réservés au poilage. Une dame expliquait
que ça avait été sa pratique familiale et bienvenue. Jusqu'au jour
où son fils, « comme beaucoup d'adolescents » avait
refusé de continuer... On touche ici à un des plus bels exemples
classiques d'hypocrisie dans les propos sur le sujet. Pourquoi les
« adolescents » subitement n'acceptent plus de se mettre
à poil en public ? Tout le monde le sait parfaitement bien, mais
fait semblant de l'ignorer. C'est parce qu'arrivé à 12, 13 ou 14
ans, les jeunes gens bandent très facilement. Et c'est là que se
montre « le slip naturiste ».
On pourrait croire que
les naturistes se promènent à poil et en public en toute
simplicité. Pas du tout ! Leur slip, ils le portent dans la tête.
Ce slip consiste pour le côté féminin et dès l'âge de 3 ou 4 ans
à interdire de laisser voir sa fente. C'est un naturiste qui m'a
raconté avec indignation la scène à laquelle il a assisté. Une
maman naturiste engueulant sa fille âgée de quatre ans parce
qu'elle avait écarté les jambes en compagnie d'un garçonnet de son
âge. Et une naturiste nouvelle et trentenaire me fit part un jour du
regard réprobateur que lui a jeté une naturiste plus âgée pour
lui signifier de resserrer ses cuisses qu'elle tenait écartées.
Ce slip naturiste qui se
manifeste très tôt côté féminin, se manifeste plus tard côté
masculin. Dès que le membre cherche à se mettre au garde à vous, il faut
le cacher.
Du slip naturiste on ne
parle pas ou guère dans les milieux naturistes. Un naturiste m'a dit
il y a une quarantaine d'années que, pour éviter les érections
publiques, des camps naturistes voyaient d'un mauvais œil la venue
d'hommes seuls.
Il est intéressant
d'analyser le slip naturiste. Premièrement il consiste à faire
honte simplement d'exister. Une fille sans fente, ça n'existe pas.
Sauf en peinture, gravure, sculpture classiques où elle est
mystérieusement gommée. De très grands cons ont même détruit
celle qui se trouvait au bas du ventre de la statue en bronze de
Houdon figurant Diane nue. Elle est au musée du Louvre. Cet acte de
vandalisme fut commis il y a longtemps par des responsables du musée.
Quant aux garçons, c'est
pareil que pour les filles : faire honte d'exister. A un certain âge
on bande pour un rien, c'est la Nature et rien d'autre. En faire
honte c'est remettre en question le seul fait d'être de son âge et
en bonne santé de ce point de vue là. Qu'est-ce que j'ai pu
moralement en souffrir très jeune et sans faire du naturisme !
J'avais honte de bander pour un rien. C'est aussi con qu'en être
fier. Cet interdit des érections qui arrivaient ainsi et très
généreusement me donnait l'impression que mon « corps »
m'échappait. Qu'il était défectueux, honteux par définition.
Merci aux adultes pour m'avoir pollué avec leurs problèmes et leur
incapacité à gérer leur physiologie naturelle ! Autre cadeau de
l'imbécilité régnante : la honte des rêves humides, dont on n'est
pourtant nullement responsable. Ils arrivent naturellement et sans
qu'on ait rien demandé pour leur venue.
Fait essentiel à
relever, le slip naturiste comporte implicitement une des pires
erreurs de la culture régnante, que ce soit pour une fille ou un garçon. L'erreur consiste à croire que la seule vue de la fente ou
la seule érection est « sexuelle », c'est-à-dire axée sur
l'acte sexuel. C'est totalement faux. Et cette erreur courante fait
des dégâts. Ainsi, la plupart des érections n'ont aucun lien
direct avec l'acte sexuel. Par exemple, on peut en avoir une du seul fait
de voir une jolie fille. Mais, pour autant, a-t-on envie de faire
l'amour ? La plupart des fois absolument pas, mais, propagandé par
la culture régnante, on se dit oui. Cette démarche sans
authenticité est à terme ou d'emblée la cause de la mésentente
plus ou moins grave entre l'homme et la femme. Car la femme est
ici généralement moins déformée par la culture régnante et reste
plus authentique dans ses réactions.
Des milliards d'hommes et
de femmes abusés par l'équation érection égal acte sexuel font
les cons tous les jours. J'en ai fait partie. C'est bien fini. Je
sais que le désir de baiser, si désir il y a, c'est autre chose que
simplement et uniquement un phénomène mécanique apparemment axé
sur la réalisation de l'acte sexuel.
Troisième catastrophe à
laquelle participe le phénomène du slip naturiste : le slip
implique que si c'est sexuel, c'est honteux. Comme « c'est
honteux », on évitera le débat. On ne parlera pas, on ne
communiquera pas sur ce sujet, ou si peu et si mal. Les discussions
sérieuses seront évitées. Ce qui va conforter d'autres aspects
catastrophiques de la société où je vis. Celle-ci vit sous le
règne du paluchisme et du pornographisme.
En argot, se masturber
peut se dire de diverses manières. L'une d'elles c'est « se
palucher ». Le paluchisme, mot que j'invente ici, consiste à
clamer le bien inconditionnel de la branlette. Aujourd'hui, c'est
très chic et moderne de dire que c'est une activité inévitable,
délicieuse, hygiénique, positive, naturelle, et tutti quanti.
Le « modèle » étant l'homme, qui se branle à gogo. A
la femme est reproché fréquemment sur Internet de ne pas en faire
autant. Seuls quelques imbéciles vont condamner la branlette en
l'accusant de maux terrifiants et imaginaires. Par exemple de causer
le cancer de la prostate ou la calvitie. Si ! Si ! Je l'ai lu sur
Internet.
Mais voilà, si un homme
se branle tous les jours une fois, en dix ans il va se branler 3650
fois... Vous croyez que ça n'a rigoureusement aucune conséquence ?
Et bien si, c'est comme trop manger. On se détraque l'appétit
sexuel. On a envie de baiser tout le temps et on emmerde les femmes,
qui elles ne fonctionnent pas comme ça. Elles sont plus authentiques
dans leur fonctionnement. Une jeune fille à qui je disais récemment
que le problème que les hommes posaient aux femmes est qu'ils
avaient trop et tout le temps envie de baiser, a tout de suite
rectifié : « non ! Le problème est qu'ils ont tout le temps
envie. »
Le complément du
paluchisme, c'est le porno, et vanter celui-ci comme un grand
« progrès », c'est faire du pornographisme, autre mot
que j'invente ici. Notre société parisienne vit aujourd'hui sous le
règne du paluchisme et du pornographisme. Une conséquence de ce
double règne est de diviser les hommes. Si la baise est
omniprésente, ça signifie que tous les hommes sont en permanence en
concurrence auprès de la masse des femmes désirables. Ils sont en
opposition. De plus, dans une société excessivement sexualisée, le
rapprochement entre hommes devient tout de suite suspecté de
dissimuler le fait de chercher à profiter sexuellement de l'autre.
Même si ce n'est absolument pas le cas. Ayant complètement arrêté
branlette et pornographie depuis bientôt six mois, j'ai constaté
une nette amélioration de mes relations aussi bien avec moi-même
qu'avec les femmes ou les hommes. Ce progrès est plus grand avec les
hommes qu'avec les femmes.
Le paluchisme et le
pornographisme détruisent l'amitié, l'amour et... le sexe. On ne
saurait les interdire. On ne peut pas par exemple empêcher
l'inondation pornographique d'Internet. Par contre on peut
s'interdire à soi-même de la consulter. C'est affaire de conscience
et de volonté. La branlette étant largement pratiquée par les
hommes pour des raisons pas seulement sexuelles, mais comme
tranquillisant, y renoncer est un effort important. Mais c'est aussi
se débarrasser des deux tiers de ses soucis dans la tête. Il n'y a
pas que dans le domaine de la psychologie individuelle que le
paluchisme et la pornographie ont tant d'influence. Le monde
aujourd'hui est dirigé très majoritairement par des hommes. Ils
sont avides de richesses personnelles, de pouvoir, de croissance.
Tout un jargon ésotérique qui traduit leur mal-être, car ils sont
comme la quasi totalité des hommes esclaves du paluchisme et du
pornographisme. Ainsi, par exemple, être riche c'est séduire toute
les femmes, avoir le pouvoir c'est les posséder toutes. Et le mythe
absurde de la croissance infinie à rechercher dans un monde fini
dissimule un avatar très simple de l'érection.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 17 septembre 2016
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