Pour un homme adulte, le
fait d'arrêter la masturbation et son complément pornographique est
pas mal perturbant. Car les hommes, qui sont pour la plupart amateurs
de cette drogue, en usent pour de nombreux motifs. Quand ils sont
énervés, s'ennuient, se sentent seuls, ou simplement tristes, et
pas seulement pour des raisons dites « sexuelles ». Ce
qui signifie que quand on arrête cette drogue, quand on se retrouve
dans des situations où on avait l'habitude d'en consommer elle vous
manque. Il y a déséquilibre. Le moral chancelle un peu. C'est ce
que je vis en ce moment. Je parle aussi de ce sevrage et de sa raison
avec des hommes, des femmes.
Une ou deux fois, une
femme avec laquelle je parlais de l'orientation que j'avais prise
paraissait impressionnée d'une certaine façon. Il lui semblait
visiblement qu'un homme peut difficilement se passer des pratiques
que j'ai abandonné. Elle me questionnait pour savoir si j'y
arrivais.
Je crois que la plupart
des femmes sont résignées à l'idée que les hommes se comportent
mal avec elles. Elles ne voient pas de perspective de changement pour
ce qui concerne le comportement sexuel habituel masculin. Pourtant
j'ai l'impression que beaucoup d'hommes ne seraient pas insensibles à
l'idée de pouvoir changer. Mais le débat n'est pas ouvert. La
plupart des hommes ne racontent jamais leur vie sexuelle et parlent
encore moins de leur pratique masturbationnelle et leur fringale de
pornographie. C'est un sujet tabou. Ou alors on l'évoque en passant
et c'est plutôt très rare. J'ai deux frères plus âgés que moi,
la question de la masturbation n'a jamais été évoquée entre nous.
Avec mon père c'est arrivé deux fois en quelques mots. Petit, je
lui ai demandé le sens du mot « masturbation » que
j'avais trouvé dans un livre. Il m'a répondu que c'était un garçon
qui se frotte le zizi. Et pourquoi ? Lui ai-je demandé. « Parce
qu'il est fou, » m'a-t-il répondu. Ma mère était présente
et n'a rien dit. Des dizaines d'années plus tard, j'ai demandé à
mon père – qui avait été prisonnier de guerre en Allemagne de
1940 à 1943, – si le manque de femmes au camp ce n'était pas trop
dur. Il m'a répondu : « il y avait la masturbation ». Ce
sont les seuls fois où mon père a évoqué le sujet avec moi. Je
relève aussi à présent que mon père paraissait ignorer ou nier
l'existence de la masturbation féminine, vue la façon dont il a
répondu à ma question quand j'étais enfant.
Sur Internet et dans les
médias règne à présent un ordre moral qui veut nous imposer des
règles d'« épanouissement sexuel » et de bonheur
obligatoire qui font penser à un discours inverse de celui de jadis.
Il y a un demi siècle c'était plutôt les mises en garde contre
l'épuisement causé par l'activité sexuelle qui dominaient.
Yves
Dalpé, dans Le Soleil, journal québécois, écrit le 16 mars
2014, que la masturbation « est non seulement inoffensive, mais
salutaire tout au long de la vie à moins de devenir compulsive ou
encore d'être prioritaire chez les gens mariés. »
« Compulsive », c'est-à-dire « qui est réalisé
irrésistiblement même si le sujet désapprouve cette action. »
On appréciera ici la précision sur le statut matrimonial impliquant
l'usage prioritaire des vases sexuels adaptés. Dans un magazine
féminin français célèbre et à gros tirage, je lis parlant de
l'acte sexuel : « Il faut un minimum de préliminaires pour
qu’il y ait une lubrification suffisante. » On dirait un
conseil technique pour mettre en route une bagnole. Bonjour la poésie
et bienvenue au garage des sentiments et de la gymnastique en chambre
!
La
baise obligatoire et la masturbation à gogo paraissent être des
normes aujourd'hui à la mode. Dire que je considérais d'un œil
critique les drogués au tabac ou à l'alcool, sans réaliser que je
faisais partie de la famille des toxicomanes. Sauf que ma drogue
c'était l'endorphine masturbationnelle aidée par la pornographie.
Toutes choses dont je suis à présent complétement sevré, même si
c'est parfois un peu pénible de me retrouver en rupture avec cette
addiction.
Basile,
philosophe naïf, Paris le 9 septembre 2016
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire