Comme toutes les sociétés
primitives, la nôtre est fortement articulée et comprimée par
toute une quantité de rituels. Ceux-ci ont en commun de
prétendre à l'inévitabilité et avoir une origine qui les rendrait
invincibles, indiscutables, impossible à remettre en cause. Ils sont
présentés comme « allant de soi », « logique »,
« de bon sens ». Ou bien alors ils seraient à suivre
obligatoirement car « naturels », soumis à « la
loi », ou encore émanant de « la divinité ». A
l'inverse, quand des rituels autres touchent des sociétés
étrangères, ils sont identifiés comme tels, remis en question,
moqués, condamnés... Ainsi, par exemple, si on parle du Papou qui
prend pour oreiller le crâne d'un ancêtre très savant pour
acquérir son intelligence, le Français et Parisien, blanc,
Occidental, chrétien, a le droit de rire. Si on lui raconte qu'en
Birmanie il est exclu de mettre la main sur la tête d'un enfant, car
ce serait là que se loge l'âme, le même qui se moque du Papou
pourra trouver cette coutume folklorique...
Mais si on traite des
rituels bien vivants en France et à Paris, ce sera une toute autre
histoire. Ainsi, dans la société française et parisienne il est
considéré que l'érection et son équivalant féminin du sexe
humide et « en fleur » appellent l'acte sexuel. C'est une
monumentale ânerie, car ces réactions surviennent en quantité
d'occasions où l'acte sexuel n'est pas du tout à l'ordre du jour.
S'il s'agit d'un nouveau né ou d'un petit garçon qui a une
érection, il sera évident pour l'entourage qu'il n'est pas question
pour lui de s'accoupler. Mais si le garçon a quinze, dix-huit ans et
plus. Que pensera-t-il faire, lui qui s'abreuve de pornographie sur
Internet depuis l'âge de douze ans voire moins ?
Notre société ritualise
lourdement la sexualité humaine. Ainsi, elle prétend que laisser
voir le sexe, le toucher, implique l'acte sexuel. Cette prodigieuse
ânerie qui trouble la vie des gens se voit étendue à d'autres
zones de l'épiderme ou des muqueuses. Les cuisses, le cul, la
poitrine, voire dans certaines cultures les cheveux des femmes, et
aussi la nudité en général et certains regards sont assimilés
d'office à l'antichambre de l'acte sexuel qui devrait arriver
impérativement.
Le caractère absurde, artificiel et dévastateur de cette ritualisation la fait-elle remettre en question ? Si ça arrive, celui ou celle qui critique sera considéré par nombre de personnes comme « original », « bizarre », « malade » ou « criminel ». Il sera interdit de facto de soulever certaines questions, émettre certains doutes, proposer d'autres façons d'agir.
Le caractère absurde, artificiel et dévastateur de cette ritualisation la fait-elle remettre en question ? Si ça arrive, celui ou celle qui critique sera considéré par nombre de personnes comme « original », « bizarre », « malade » ou « criminel ». Il sera interdit de facto de soulever certaines questions, émettre certains doutes, proposer d'autres façons d'agir.
Un touriste occidental a
visité Bali il y a quelques dizaines d'années. Il m'a rapporté un
phénomène qu'il a trouvé curieux. Traditionnellement, la poitrine
féminine n'était pas considérée là-bas comme une zone sexuelle à
cacher. Ce qui fait que des dames âgées se retrouvaient en public
seins nus. Cependant que les jeunes Balinaises influencées par la
culture occidentale portaient systématiquement ces caches-nichons
que nous appelons hypocritement « soutiens-gorge ».
La ritualisation est
partout présente dans notre société. Cependant il n'est pas besoin
nécessairement de s'y opposer pour faire avancer les choses. Ainsi,
le toucher a été arbitrairement rattaché au sexe. Plutôt
qu'imaginer de nouvelles normes, de nouveaux rituels, pourquoi ne pas
imaginer suivre « l'esprit de la coccolazione » : sont
prescrites des caresses gratuites exclusivement sur la tête, les
bras, le haut du dos et les jambes en dessous des genoux. Comme ça,
on évite les zones proclamées « sexuelles » dans notre
société. Et on peut donner de l'amour sans tomber dans l'ambiguïté.
Ces caresses se faisant sous le contrôle de tierces personnes
présentes garantissant d'éviter des dérapages. Étant également
entendu que les éventuels réactions à ces caresses au niveau
génital n'ont aucune importance. Si ce n'est d'être le signe d'une
bonne santé. Une telle manière de faire pourrait aider moralement
quantité de gens confrontés à la « prise en otages »
des caresses par la sexualité ritualisée institutionnelle. Il y a
là une piste à explorer pour améliorer notre société.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 2 juin 2016
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