Quand j'étais petit, à
Paris, dans les années 1950, existaient de très nombreux petits
commerces notamment alimentaires. Il y avait, par exemple, un
crèmerie rue des Plantes, presque à l'intersection avec la rue
d'Alésia, en se dirigeant vers la sortie de Paris. Dans le
quatorzième arrondissement de Paris le marché de la rue Daguerre
était réputé « le moins cher de Paris ». La rue de
l'Ouest regorgeait de détaillants en fruits et légumes très
vivants. Bien plus tard, dans les années 1980, il y avait encore rue
Raymond Losserand des « cours des halles » aux prix
attractifs.
Dans les années 1950 et
1960 le cri du cœur du client revendicatif était : « si la
vie est chère, c'est la faute aux épiciers ! » J'ai entendu
plus d'une fois ce propos prononcé dans ma famille.
Aujourd'hui, les petits
épiciers d'antan ont pratiquement tous disparu et la vie n'a jamais
été si chère. C'est simple : les cerises en saison affichent à
présent couramment le prix de 10 euros le kilo ! Et même on ose
parfois indiquer avec ce prix que c'est : « en réclame »
!
Quelle est la raison de
ces prix excessifs si les petits épiciers n'y sont pour rien,
puisqu'ils n'existent pratiquement plus ?
Quand l'euro est arrivé,
en janvier 2002, les prix des fruits et légumes étaient les prix
d'hiver, chers. D'habitude, vers le printemps, ceux-ci baissaient et
atteignaient des montants infiniment plus légers.
Le printemps 2002 arriva... et les prix ne baissèrent pas.
Le printemps 2002 arriva... et les prix ne baissèrent pas.
Au contraire, ils ont
continué à monter jusqu'à atteindre les montants actuels ! Quelle
est la source de ce mystère ?
La source, c'est la
centralisation de l'organisation de la distribution. Les prix sont
programmés en fonction des dividendes à verser aux actionnaires.
Pour obtenir le maximum de rentabilité, les prix sont modulés en
fonction de la richesse locale. Ainsi, un jour, à la radio, un
responsable de l'établissement des prix de vente d'une chaîne de
supermarchés expliquait : « nous vendons plus cher le même
produit à Strasbourg ou Paris qu'à Albi. Car à Albi les acheteurs
ont moins d'argent. »
Le but, c'est l'argent.
Quel est le résultat ? Un article paru dans l'Humanité le 29 avril
2016 indiquait que sur 100 euros payés pour acheter des produits
alimentaires, 8,2 % revenait au producteur. Ce qui signifie que, par
exemple, sur un kilo de cerises à 10 euros, l'arboriculteur ramasse
82 centimes ! Le reste part aux organisateurs du transport et de la
distribution. Les transporteurs s'il s'agit des employés chargés du
transport ou les vendeurs, s'il s'agit des employés des magasins,
sont très peu payés... alors, où va l'argent ? Le transport et la
distribution reviennent-ils si chers ? 91,8 % du prix de vente ? Il y
a quelque chose qui cloche.
Se pose ici le problème
suivant : l'organisation du transport et de la distribution rend
insuffisante la rémunération des producteurs, trop chers les prix de
vente et rémunère mal les employés de la chaîne. Ceci à propos
de quelque chose d'essentiel : la nourriture. C'est une situation
classique pour légitimer la création d'un service public au service
de tous, rémunérant suffisamment les producteurs, payant
correctement les employés et vendant à des prix abordables les
produits aux clients. Un tel mode de distribution a déjà été
proposé rien que pour Paris par Édouard Vaillant en 1884 ! Il a
reparlé d'une telle initiative durant la Grande Guerre de 1914-1918.
Aujourd'hui plus que jamais existe la nécessité de créer un
service public national de l'alimentation et de l'eau. Qui prendra et
quand cette initiative d'intérêt général pour la vie et la santé
de la population ?
Basile, philosophe
naïf, Paris le 12 juin 2016
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