jeudi 23 juin 2016

568 La tendresse qui vit en nous

J'étais il y a peu dans un train et observais deux voyageurs. L'un était une jeune fille, l'autre, qui l'accompagnait, un homme nettement plus âgé. La jeune fille avait eu son attention attirée par moi et à plusieurs reprises a jeté un coup d'œil dans ma direction. Ces deux personnes étaient à une certaine distance. Quand je devais descendre du train, elles se sont rapprochées, car elles descendaient également. J'ai supposé que l'homme était un parent de la jeune fille. Le bref instant où nous avons été proches, j'ai parlé à l'homme, qui paraissait sympathique et lui ai donné un tract du prochain Carnaval de Paris. Il m'a très aimablement remercié. La jeune fille n'a rien dit. Et nous nous sommes séparés. Rien de négatif en soi. Deux inconnus, un tract du Carnaval de Paris remis pour information, il n'y avait visiblement rien à ajouter de plus dans l'anonymat de la très grande cité de Paris. Pourtant j'étais triste et me suis demandé pourquoi. J'ai compris la raison ; au fond, le tract du Carnaval n'était qu'un prétexte de rapprochement. Et le sentiment qui me dérangeait à présent était que sans me l'être formulé ainsi, j'avais eu envie de câlins avec la jeune fille. Rêve totalement imaginaire dans le contexte présent. Ayant réalisé ce cheminement de ma pensée, je me suis senti bien à nouveau. Ce bref épisode insignifiant ou mal interprétable par beaucoup m'a fait réfléchir. Au fond de nous la tendresse vit toujours. Notre monde a beau être divisé, atomisé, étrangéifié, rendant les relations dures, les « inconnus » inaccessibles, le désir, le besoin de contacts existent toujours. Quelquefois on les voit s'exprimer chez des personnes ayant un peu bu. Généralement cette tendresse est verrouillée, cadenassée au fond de nous. Mais elle existe toujours. Les humains n'ont pas la capacité de décréter qu'ils sont autre chose que ce qu'ils sont. Je me suis posé la question : quels symptômes provoquent ce rejet sociétal de la tendresse ? J'en énoncerais ici quatre :

Les humains connaissent un sentiment permanent de crainte diffuse. Cette crainte demande à trouver sa justification intellectuelle. Ce qui fait que les humain,s sont prompts à adhérer à une peur qu'ils voient énoncée. Bizarrement ils vont par exemple souscrire à un discours paniquard distillé par les médias. Ils chercheront et trouveront d'horribles ennemis qui souvent ne les concernent pas du tout directement. « La fin du monde » est très à la mode dans les médias. La crainte diffuse régnante explique la séduction que rencontre très fréquemment la masse délirante de propos annonçant des catastrophes. L'être humain largement privé de câlins se sent mal et construit ainsi sa peur. Les humains connaissent également un sentiment de soif aveugle. Elle cherche la source de sa satisfaction. D'où des comportements des plus bizarres, absurdes. Un humain va collectionner avec fanatisme des timbres-poste, par exemple. Car la complétude de sa collection lui apparaîtra comme un but énorme en soi. Un autre humain accumulera de l'argent, du pouvoir, des géraniums en pots, n'importe quoi. Mais n'importe quoi qui lui semblera un moment combler sa soif inextinguible. Qui est en fait une soif de câlins dont il n'a pas une claire conscience. Les humains ont aussi le sentiment qu'il manque une très grande chose. N'arrivant pas à l'identifier, ils l'assimileront à un idéal quelconque, qu'ils nommeront : « liberté », « amour », « harmonie », « Europe », etc.

Enfin, les humains auront une sexualité complètement dérangée. Beaucoup pratiqueront la drague, qui consiste à réduire les partenaires possible et soi-même à de la viande à baiser. Niant ainsi la richesse, l'originalité et la complexité des individus. La baise consistera à consommer cette viande imaginaire qui nie la réalité des humains. Si les humains, surtout masculins, pratiquent intensivement la masturbation, qui est une activité anodine, celle-ci s'accompagne chez les adultes de frustrations et fantasmes perturbant et troublant leur contact avec la réalité. La visualisation de la pornographie qui met en scène ces fantasmes, matérialise ces frustrations, aggrave ce trouble. Renoncer à cette sexualité perturbée n'est pas évident, d'autant plus que ce renoncement est souvent prôné par des malades obsédés par le rejet global de toute sexualité. L'important reste encore et toujours pour chacun de chercher à reconnaître et vivre son authenticité.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 juin 2016

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