dimanche 26 juin 2016

572 La peur des pigeons ou des chiens, des araignées, des humains

J'ai rencontré une jeune fille que terrorisent les pigeons. Cette peur la submerge quand elle observe un de ces inoffensifs volatiles. Elle est comme paralysée et n'arrive pas à avancer, les yeux fixés sur l'animal. Elle voudrait bien se débarrasser de cette peur. Renseignements pris, elle n'est pas la seule a souffrir de ce trouble. Mais d'où peut-il bien provenir ? Quand un homme a peur, par exemple, des chiens, on dit : « il a certainement été mordu dans son enfance par un chien ! » Pourtant, parmi ceux qui souffrent d'une telle peur on trouve des personnes qui ont beau se creuser la tête, fouiller au maximum leur mémoire, questionner leur entourage. Il ne semble absolument pas qu'ils ont été mordus par un chien au cours de leur enfance. Alors, quelle est la cause de cette appréhension ?

Il y a des personnes qui ont peur des araignées. Certes, une grosse araignée qui peut faire mal... Mais on voit des personnes adultes pétrifiées d'horreur à la vue d'araignées minuscules et totalement inoffensives pour elles.

Pigeons, chiens, araignées... Le bouquet est qu'on voit des humains avoir peur... des humains ! Sans pour autant en avoir apparemment spécialement souffert. Quand on effleure involontairement un inconnu ou une inconnue dans le métro parisien, on s'empresse de s'excuser. Le contact fait peur.

Là se trouve la clé des frayeurs absurdes énumérées au début de ce texte. L'être humain nait avec son instinct intact. Il va être contrarié par le conditionnement reçu avec l'éducation. Mais, au fond de lui-même l'instinct sera toujours présent et « à la manœuvre ». Or, que demandera cet instinct : « des câlins, des caresses, des contacts épidermiques... » et l'éducation répondra : « pas question ! C'est sexuel, réservé au coït et ses abords ! »

Alors, l'être humain sera épouvantablement frustré mais n'en aura pas une claire conscience. Cette frustration créera un trouble qui se manifestera dans des conditions rappelant le manque terrible et non reconnu. Que fait un petit enfant qui aperçoit un chien ? Il se précipite pour le caresser. Son pelage est doux. Quel contact offre un pigeon ? Un contact très doux également. Une petite araignée qui court sur votre bras... vous chatouille comme une caresse. Un contact furtif avec un inconnu ou une inconnue frôlé involontairement dans le métro parisien rappelle aussi toutes les caresses, tous les câlins refusés, interdits, prohibés par notre culture et notre éducation.

Ce continent de câlins ignoré est comme une pression générale. Et comme elle vous étreint, vous malmène, ne vous offre pas de porte de sortie, elle peut se traduire par des peurs de ce qui rappelle ce qui vous manque.

Le doux pelage du chien, la douceur du pigeon, la douceur des pattes de la minuscule araignée courant sur votre bras, l'effleurage d'un inconnu ou une inconnue... vous plongent dans l'horreur du vide, du manque de câlins. Sans comprendre la raison on pourra se retrouver terrorisé par un chien, un pigeon, une araignée, un inconnu ou une inconnue involontairement approché de très près.

Le déséquilibre causé par l'absence quasi totale de caresses et câlins chez les humains conduit à des troubles innombrables et multiples. Que dire par exemple du trouble consistant à vouloir se faire remarquer ? Il se décline de multiples façons, des plus anodines au plus graves.

Et le trouble consistant à chercher dans les drogues, l'alcool, les tranquillisants, la satisfaction impossible d'un besoin vital de câlins ? Il y aurait infiniment de choses à dire à propos du manque de câlins. Mais, bien plus encore, il est absolument nécessaire de trouver des solutions pour sortir de cet impasse la Civilisation humaine.

Basile, philosophe naïf, Paris le 26 juin 2016

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