vendredi 26 juin 2020

1345 Le bel Allemand du square du Vert Galant

C'était au début des années mil neuf cent soixante,
Mon amie Charlotte, une jolie jeune fille
Que je ne connaissais pas encore
Était desserveuse à « La Source »,
Un grand restaurant self service
Du quartier latin parisien.
Elle gagnait sa liberté toute nouvelle
En ramassant en salle, pour quelques sous
La vaisselle utilisée, petites cuillères et tasses de cafés.
Carafes et verres des étudiants assoiffés.
Tous ces galopins venant boire l'après-midi
Une tasse de café avec un verre d'eau ou une bière
Connaissaient et idolâtraient la jolie Charlotte.
Ils aimaient bien plaisanter avec la belle desserveuse.
Parmi ces étudiants souvent entreprenants,
La merveilleuse jeune fille avait remarqué
L'originalité d'un grand et bel Allemand blond,
Aux yeux bleus comme un ciel d'été,
Toujours élégant et bien habillé,
Avec une jolie veste, une chemise repassée,
Mais des chaussures éculées.
Le bel Helmuth n'était pas riche.
Il préparait avec dévotion une thèse de musique.
Et invita Charlotte, que sa passion devait ravir
A passer une inoubliable soirée à l'Opéra Comique
Où était donnée une opérette : « Le pays du sourire ».
Après s'être régalé de musique et de chant lyrique
Charlotte et son nouvel ami passèrent la nuit
A se promener dans Paris endormi.
Les voilà, les yeux un peu fatigués, errants le matin
Dans le joli et verdoyant square du Vert Galant,
A la pointe de l'Île de la Cité,
Vers là où péri brûlé sur un bûcher
Trahi, sali et assassiné Jacques de Molay
Dernier Grand Maître des Templiers.
Souvenirs anciens, durs et révoltants !
Mais infiniment plus doux
Est le souvenir
De la balade matinale
De notre Charlotte et de son cher Helmuth,
Les deux presque amoureux !
C'est à peine s'ils se tenaient la main
Du bout des doigts en racontant leur vie.
Vous les voyez ?
Ce grand et beau,
Intelligent et sensible
Allemand élégant
Et la petite brunette niçoise
Montée à Paris
Pour s'émanciper de sa famille autoritaire
Et sortir de sous la cloche
Où elle était élevée ?
Le parfum de Charlotte
Flotte toujours
Dans le square du Vert Galant,
Et si vous regardez bien
Vous remarquerez en haut des escaliers
Que la statue de Henri IV sourit
En regardant un ou deux cheveux blonds
Restés pris comme un hommage
Dans le troisième grand anneau à droite
Auquel on accroche les bateaux fluviaux.
Helmuth, tu as dit en partant :
« Zouzouki, le Rhin t'attends. »
Charlotte t'a entendu
Puis perdu de vue.
Aujourd'hui mère et grand mère
Veuve depuis vingt ans d'un mari adoré
Elle se souvient de toi.
Loin du bois de Boulogne, dans la ville de Cologne,
Fameuse pour sa cathédrale et son Carnaval,
Si tu te souviens de Charlotte,
Dis-toi qu'elle t'attends.
Et si tu es parti
Au Paradis, jouer du gamelan, de la vielle à chenilles,
Du tambour, du balafon et de l'accordéon,
Dis-toi
Qu'elle pense toujours à toi.

Basile
Paris, le 26 juin 2020

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