lundi 22 juin 2020

1342 Chasse aux dames

Elle a passé comme une caresse
Près de moi
Des dizaines de fois.
À chaque fois
Ses beaux yeux me regardaient
Par dessus son masque décoré.
Semblable à une déesse nourricière,
Elle portait les plats,
Aussi belle que Cybèle
Ou une nymphe des bois,
J'admirais sa grâce et sa beauté,
Ses longues jambes dénudées
Avançant ou s'éloignant
À grandes enjambées,
Et en général
La symphonie des formes de sa plastique
Hymne à la gloire de la féminité.
Bénévole, cette jolie fleur printanière
Faisait le service de table
Au Moulin à Café.
Quand elle était venue
Porter à moi
La commande de mon repas,
Je lui avais offert une poésie.
Plus tard,
L'ayant longuement admiré
Du même regard neutre
Avec lequel,
Dans ma jeunesse,
J'appréciais la plastique
Des modèles nus des Beaux-Arts,
J'ai voulu offrir à cette femme
Un autre poème.
Elle a refusé sêchement
Et mes voisins de table
Ont ri de ma déconvenue.
Mais le refus de cette femme
Ne s'adressait pas à moi en particulier,
Mais aux hommes malotrus en général
Qui font la chasse aux dames.
Je voulais lui faire plaisir
En retour du plaisir
D'avoir eu le regard caressé
Par sa grâce et sa beauté.
Elle a cru
Que je lui faisais la cour.
Comment pouvait-elle deviner
Que j'étais différent
De la masse des hommes
Qui prennent les femmes
Pour des trous à boucher ?
Ce qui crée un conflit permanent
Entre les orgueilleux machos patriarcaux
Et leurs proies et victimes désignées.
J'ai fait partie ce jour-là
Des victimes innocentes
De ce conflit généralisé
Permanent et inavoué,
Qui rend vénéneuses,
Décevantes et douloureuses
Les flèches de Cupidon
Dans bien des situations.
Je voulais lui faire plaisir
Elle a cru que je l'attaquais.
Tout dialogue était impossible,
Il ne me restait plus
Qu'à tirer de cet incident
Une poésie.

Basile
Paris, le 22 juin 2020

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