Notre société, notre
culture, nos traditions, théories, idéologies et habitudes
exaltent, soutiennent, justifient et confortent, voire officialisent
et donnent force de loi juridique ou naturelle à un très bizarre
phénomène : la Grande Confusion. En quoi consiste ce phénomène ?
Il consiste à confondre et associer impérativement ensemble l'état
naturel, baptisé « nudité », la tendresse, l'érection
et l'acte sexuel. L'un n'irait pas sans l'autre. On nous apprend dès
l'enfance à nous méfier de la nudité, la nôtre et celle des
autres. Il n'y a guère que quelques décennies on allait encore plus
loin. Dans les pensionnats religieux on devait se laver habillé !
Ainsi, dans les pensionnats de jeunes filles elles devaient prendre
leur bain avec une longue chemise pour ne pas, oh horreur ! Se voir
nues !
On nous met également en
garde dès l'enfance contre le fait de toucher ou laisser toucher nos
parties génitales. Jadis on faisait mieux encore : on invitait à ne
jamais les laver pour ne pas nous auto-suggérer des pensées
lascives et coupables... C'est ce qui est rapporté par un médecin
italien lors de sa visite de pensionnats de jeunes filles aisées
d'Italie vers 1840-1850. La crasse pour défendre la vertu. Il
fallait l'inventer !
La tendresse est
condamnée sans appel ou réduite au rôle de « préliminaires »
de l'acte sexuel. Dès que l'érection arrive, le mâle est invité
de se mettre au travail, qu'il ait envie de baiser ou pas. Ce n'est
plus sa tête mais son zizi qui doit commander !
Baiser, ce sont
soi-disant « les choses sérieuses ». Une petite amie me
refusait ses bisous un jour, au motif que « elle n'avait plus
quinze ans ». Il fallait donc penser à autre chose. Que j'en
ai envie ou non. Cette petite amie est partie par la suite vers
d'autres horizons. C'est bien mieux ainsi, en tous cas pour moi.
Notre société a fait
jadis de la virginité des jeunes filles un trésor à garder intact
pour le jour du mariage. Elle en a fait aujourd'hui une formalité à
remplir en la perdant. Une très jeune fille m'expliquait récemment
qu'elle s'interrogeait pour savoir avec quel jeune homme elle allait
passer cette sorte d'examen d'entrée dans je suppose ce qu'elle
croit plus ou moins être l'âge adulte. Je comprend que ce qui lui
apparaît inconnu puisse l'intéresser et qu'elle se pose des
questions.
Comme elle s'inquiétait
de savoir si cet acte donnait nécessairement un plaisir inoubliable
et extraordinaire, je lui ai répondu que non. Ce qui est la stricte
vérité. Vouloir savoir si l'acte sexuel est beaucoup ou peu
jouissif, c'est comme vouloir savoir si manger est peu ou beaucoup
jouissif. Ça dépend.
Ce qui manque le plus
dans notre société, ce n'est pas le sexe, ni même la tendresse,
c'est la vie débarrassée de la Grande Confusion, enfin libérée
des préjugés et comportements qu'elle entraine. Cette Grande
Confusion qui rend les rapports humains rigoureusement impigeables ou
presque. Qui transforme la vie en concours ou sauts d'obstacles. Qui
fait de la beauté et la jeunesse un piège doré.
J'ose espérer qu'y voir
plus clair permet de vraiment bien mieux vivre. Mais combien plutôt que chercher
la vérité des sentiments cherchent à trouver la justification de
leur vérité ? Celle qu'ils ont décidés être la vérité
et dont ils ne cherchent que la confirmation et rien d'autre ? Ça
n'est pas en agissant ainsi qu'il risque d'avancer et faire avancer
les autres !
Ce qui est certain, c'est
que plus on comprend bien les choses, moins les ennuis ont de prises
sur nous. Et plus on préserve ainsi ce trésor que représentent la
liberté et la tranquillité. Les autres s'agitent stupidement ?
Laissons-les s'agiter !
Basile, philosophe
naïf, Paris le 30 décembre 2015
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