mardi 8 décembre 2015

484 Qu'appelle-t-on « la Nature » ?

On vante la Nature. Ceci est naturel, c'est donc bien. Ceci ne l'est pas. C'est à proscrire. Mais qu'appelle-t-on « la Nature » ?

Une amie me disait : « il ne faut pas boire du lait. C'est mauvais. L'homme est le seul animal qui boit le lait d'une autre espèce animale que lui. C'est pourquoi c'est à éviter. »

L'homme est aussi le seul animal qui mange des aliments cuits, porte des vêtements et se retient de pisser et chier devant les autres, pour aller se vider aux toilettes, ou dans un coin tranquille et isolé si c'est en pleine campagne. Donc : ne buvons pas de lait, refusons de le faire ! Ne mangeons que des aliments crus. Vivons nus. Et pissons et chions dès que nous en avons envie, y compris devant les autres et au milieu du salon.

La « Nature » est une vue de l'esprit. En revanche existe un ordre général de l'univers. Qui fait, par exemple, de l'amour une force fondamentale qui régit les êtres et les choses. Deux atomes s'attirent. Deux amoureux s'attirent. C'est une même loi, un même phénomène. Mais ça ne signifie pas qu'il faut forcément ajouter : « c'est bien » ou « c'est mal », parce que c'est naturel. Un tsunami, un tremblement de terre, une épidémie de peste, une piqure de moustique, un coup de soleil, c'est naturel. Ce n'est pas « bien » pour autant.

On dirait parfois que, plutôt que se servir de sa réflexion, l'homme cherche des sortes de « lois » supérieures qui lui permettraient d'éviter de réfléchir. Il trouverait alors très commode de se soumettre à elles. Il en est ainsi, par exemple, des « lois naturelles ». On a vu les mêmes hommes condamner l'adultère, qui peut être condamné, si on veut, mais qui est une chose naturelle. Et condamner l'homosexualité comme « contre-nature », alors qu'elle existe dans la Nature chez diverses espèces animales. Le mot « Nature » se décline à toutes sortes de sauces, pas toujours objectives, loin s'en faut.

Et si on revenait aux fondamentaux ? « C'est bien », c'est-à-dire : ça me paraît bien. Ou : « c'est mal », c'est-à-dire, ça me paraît mal. Ne serait-ce pas déjà beaucoup plus simple? La Nature n'est plus là, dès que j'utilise la lumière artificielle ou prends un cachet contre la migraine. Arrêtons de l'invoquer !

Ce qui est drôle, c'est voir se disputer des gens qui sont en fait d'accord. On voit les partisans de « la Science » invectiver les partisans de « Dieu ». Mais que disent-ils les uns les autres ? Les premiers disent : « il existe un ordre général de l'univers, régis par les lois de la Science. » Les seconds disent : « il existe un ordre général de l'univers, régis par les lois de Dieu. » Sur l'essentiel, ils se rejoignent : « il existe un ordre général de l'univers. » La seule divergence est le nom donné à la source de cet ordre. Les uns l'appellent « la Science », les autres « Dieu ». Mais il n'y a pas de divergence fondamentale.

Certes, ensuite on trouve des divergences. Par exemple, les uns ne croient pas en l'existence de l'au-delà. Les autres y croient. Mais, bien malin celui qui pourrait prouver scientifiquement que l'au-delà existe ou n'existe pas. Pour étayer ici la négation, j'entends dire : « c'est évident que l'au-delà n'existe pas, car cette pensée nous arrange. » Piètre démonstration, si je dis : « c'est évident que demain n'existe pas, puisque la nuit venue, le retour du soleil m'arrange », ou « c'est évident que le printemps n'existe pas, puisque l'hiver étant là, l'arrivée du printemps m'arrange », que trouvera-t-on à me répondre ? D'autres disent : « l'âme n'existe pas, on ne l'a jamais vu. » Et alors, la radioactivité existait depuis toujours, avant qu'on la découvre !

Basile, philosophe naïf, Paris le 8 décembre 2015

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