Quand la pluie tombe, la Nature s'endort. Les
oiseaux des bois, des champs et des forêts restent silencieux.
Personne n'aime être mouillé ! Ah si, on voit des bêtes qui
sortent en masse dès le matin, qu'il pleuve ou pas : ce sont des
humains. Qui partent à l'école ou travailler. Ils n'en ont pas
envie, quand ils voient la pluie dégouliner. Mais ils y vont quand
même ! Et après ça, vous en voyez invoquer la Nature pour
justifier leur sexualité ! Ils sont incapables de suivre la Nature
dans ce geste élémentaire consistant à boycotter la pluie en
restant au lit. Et s'agissant de la sexualité, ils invoquent la
Nature pour justifier leurs agissements ! Quelle belle absurdité !
Beaucoup de nos désirs, souhaits, rêves,
sensations de besoins sont formatés par notre Culture, notre
éducation. Si, à la fin d'un repas, nous avons envie de manger
quelque chose de sucré, c'est uniquement le résultat d'un
conditionnement qui nous a habitué au dessert. Un ami, qui avait un
très bon coup de fourchette, me disait : « si dans un repas il
n'y a pas au moins une viande, j'ai encore faim après. Je sais que
c'est une habitude culturel, un conditionnement ».
J'ai longtemps cherché « la femme de ma
vie ». Et cela me paraissait tout à fait naturel. Je me suis
aussi dit que si j'avais été un pieux musulman, j'aurais cherché
« les quatre femmes de ma vie » et cela m'aurait
probablement aussi paru tout à fait naturel.
Si on ne connaissait que la choucroute garnie comme
nourriture, à chaque fois qu'on aurait faim, on aurait envie de
manger de la choucroute garnie. Or, dans notre société, les
caresses et bisous entre adultes sont systématiquement et
abusivement associés à l'acte sexuel. Donc, si on a envie de
caresses et bisous entre adultes, on a l'impression d'avoir envie de
baiser.
Cette erreur, cette confusion, est aggravée par
l'interprétation erronée de la physiologie humaine. Une érection
masculine, son équivalent complémentaire féminin, sont assimilés
à l'envie de baiser. Or cela peut arriver pour quantité d'autres
raisons.
La pénétration anal d'un godemiché provoque chez
l'homme le fonctionnement de ses glandes de Cowper. C'est une
réaction automatique qui ne signifie pas qu'il soit en attente de
rapports homosexuels. De même que s'il se réveille en érection
près de son amie au lit, il n'a pas du tout de raisons justifiées
pour lui sauter dessus. Il s'agit encore là d'automatismes
physiologiques.
Notre Culture a prohibé à un point invraisemblable
le toucher, la caresse. Je remarque l'autre jour deux jeunes filles
et un jeune homme dans le métro parisien. Ils descendent à la même
station que moi. Je me lève et me retrouve près d'une des deux
jeunes filles, derrière elle. Derrière moi est l'autre jeune fille
et le jeune homme.
Devant moi je vois la chevelure magnifique, longue
et ondulée de la jeune fille qui me précède. J'ai ressenti l'envie
de toucher ses cheveux. Mais, impossible, les deux autres derrière
moi l'auraient vu et n'auraient pas accepté mon geste. Pourtant la
jeune fille à la chevelure n'aurait rien senti. Mais c'est ainsi.
Même un geste de toucher qui n'est pas senti est ici interdit. On
confine à un sommet d'absurdité. Et c'est notre Culture.
Autre moment absurde : je suis dans l'escalator
d'une station de métro parisien, un jeune couple est juste devant
moi. J'ai eu envie de caresser le dos de la jeune fille. Le dos, pas
les seins, les fesses ou l'entrejambe, bref un endroit classé
« sexuel » dans notre société ; eh bien, là aussi ce
geste était impossible. Pourquoi ? Parce qu'il serait assimilé à
une agression ! Et une agression à caractère sexuel alors qu'il
s'agissait du dos. C'est aussi là notre Culture.
Et elle n'empêche pas les viols et les agressions.
Dernier exemple que je pense avoir déjà évoqué :
J'étais récemment assis dans une rame bondée du
métro parisien. Arrive un couple accompagné par trois fillettes
d'environ huit ou neuf ans d'âge, qui restent debout. Deux places se
libèrent pas loin de moi et deux fillettes s'asseyent. La troisième
reste debout. Elle a l'air fatiguée. Et la pensée suivante me vient
: « si je propose à cette fillette inconnue de s'asseoir sur
mes genoux, on va me regarder comme un pervers. Parce que je suis un
homme. En revanche, si j'étais une femme, on trouverait ça normal
et généreux ».
Ces bizarreries culturelles se retrouvent avec le
traumatisme psychologique et culturel de « la pudeur ».
On doit, par exemple sur les plages, dissimuler quelques endroits de
notre personne avec des « vêtements de bains ». C'est
ainsi en France. Tandis que sur les plages du nord de l'Allemagne ou
de la Scandinavie tout le monde est tout nu. En France, les partisans
du naturisme noircissent des pages entières de leurs revues pour
justifier leur choix. Alors que ce discours justificateur n'a pas
lieu d'être. Ce serait aux « textiles » adeptes du
« maillot de bain » de se justifier et avoir leurs enclos
réservés.
Quand on est nu en public, on peut ou bien penser
qu'on se montre aux autres, ou simplement qu'on est soi-même en
présence des autres. En 1992, sur une plage naturiste près de
Toulon, j'observais comment différentes étaient les attitudes de
ceux qui se sentaient « déshabillés », pas vraiment à
leur aise. Par rapport à ceux qui assumaient pleinement leur nudité
comme quelque chose de naturel et allant de soi. Faisant partie de
cette dernière catégorie, il y avait en particulier deux vieux
papys provençaux, bronzés comme des biscuits, qui bavardaient
paisiblement l'un avec l'autre.
Le seul casse-tête anatomique chez les naturistes
hommes c'est la terreur érectophobe : la frousse de se retrouver
subitement en érection publique. Et, chez les naturistes dames, la
gêne de laisser voir leur fente pubienne. Toutes ces peurs ne sont
mises par écrit nulle part dans aucun règlements affichés dans les
sites naturistes.
L'assimilation systématique de l'érection à la
sexualité relève d'un abus. Celle-ci peut intervenir sans qu'aucun
coït ne soit à l'ordre du jour. Dans le domaine des réactions
génitales classées « sexuelles » existe également
l'émission du liquide des glandes de Cowper chez l'homme. Ce liquide
a été baptisé très abusivement « liquide pré-coïtal »,
alors qu'il suffit de peu de choses guère coïtales pour susciter son
éventuelle émission. J'en ai moi-même fait l'expérience il y a
une trentaine d'années de cela, en Auvergne. J'étais en vacances
chez des amis qui possédait une superbe chienne lévrier russe.
C'était un animal très voluptueux. Or, l'ayant juste caressé sans
aucune arrières-pensées, j'ai été fort troublé de constater chez
moi une réaction de mise en route des glandes de Cowper.
J'ai d'abord été mal à l'aise. Puis, en y
réfléchissant, j'ai réalisé très clairement que je n'avais
éprouvé aucun désir sexuel pour cet animal. Simplement le plaisir
de le caresser m'avait fait cet effet.
Je relève le ridicule de la pornographie et la
stupidité de la sexualité dont elle fait étalage sans réserve.
Pour un observateur attentif il est évident que la plupart du temps
les « acteurs » qui s'adonnent à des galipettes
sexuelles devant les caméras ne ressentent rien. Leur comportement
est des plus ridicules. Ainsi, il est classique de voir le sujet
d'une fellation conserver sagement les mains le long du corps et ne
rien faire avec. Il est aussi rempli d'initiatives que le client d'un
coiffeur en train de se faire couper les cheveux. Pourtant la peau de
la créature magnifique qui travaille son engin appellerait les
caresses... Il ne fait rien.
Quand on voit les codes développés par la société,
on croirait que le seul fait de toucher le sexe de l'autre implique
l'accouplement. Et pourquoi donc cet organe de format réduit
déciderait à notre place ? On me dira que c'est spontané. C'est
« la Nature ». C'est en fait aussi naturel que
l'évanouissement de ce prince indien quand il a vu arriver une tête
de vache à table sur un plateau. Cette réaction relève de la
Culture et pas de la Nature.
Si on veut vraiment améliorer notre sort, il est
nécessaire de rejeter la sexualité perturbée qu'on nous a inculqué
et qui règne présentement et régit nos vies. Il faut parvenir à
réformer notre comportement. Pour nous libérer de contraintes
pénibles, superflues et reposant sur des idées fausses et une
vision déformée de la réalité du monde. C'est seulement au prix
de cet effort indispensable et nécessaire que les mots « changer
la vie » prendront un sens.
Basile, philosophe naïf, Paris le 4 septembre
2014 et le 23 décembre 2015
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