Notre société est
ruinée et minée en permanence par un phénomène culturel tellement
ancien et ancré dans les traditions régnantes qu'on n'a même pas
le plus souvent conscience de son existence. La relation entre
adultes est régie par la règle des trous sur abonnements.
Chaque femme est sensée à un moment-donné connaître un homme
auquel son vagin sera fourni à discrétion et qu'il devra
régulièrement honorer de sa semence. Ce sera littéralement la mise
sous abonnement du trou ad hoc. Il y aura l'abonné, l'homme,
et le trou sur abonnement. Le drame est que si l'acte sexuel par
lui-même relève de la nature, la prétention de le régir ainsi est
parfaitement arbitraire. Et comme la Nature n'aime jamais être
maltraitée, elle se venge en faisant du désordre. Le trouble
engendré sera et est présentement dévastateur.
Comme la planification de
l'abonnement, sa jouissance, sa gestion, ses obligations
concomitantes sont artificiels et arbitraires, ça va donner par
exemple :
Une dame veuve et en
manque de câlins : impossible de la caresser, même juste un peu.
Pourquoi ? Parce que dès la première caresse va être posé la
problématique de l'abonnement. Or, il n'y a pas désir. Et le désir
permanent n'existe pas. D'où raisonnable évitement du câlinage de
la veuve.
Une jolie jeune fille vit
seule. Elle est adorable. Ses formes appellent des caresses... Elles
sont hors de question. Car la première caresse posera d'emblée la
question de l'abonnement. Or cette jeune fille n'a pas d'attirance
sexuelle, de désir existant. D'où pas de câlins, impossibilité
d'en échanger.
Une jeune femme jolie et
très sympathique déclare à un homme qu'elle va partir en vacances
« avec son amoureux ». Cet aimable propos, dans le
contexte du règne des TSA (trous sur abonnements) va prendre le sens
de : « tes caresses, je n'en veux pas ! » Même si elles
ne sont pas à l'ordre du jour, c'est violent et vexant. Je
m'explique : imaginons que vous fassiez de la cuisine régulièrement.
Si vous croisez quelqu'un que vous ne faites nullement profiter de
vos plats, qui va s'exclamer : « ta cuisine ? Il est hors de
question que j'y goûte ! » ce sera agressif et vexant
quand-même.
Un jeune homme qui se
déclare en couple arrange avec douceur la frange d'une collègue de
travail. Ce geste aimable et doux, dans le contexte du règne des TSA
signifiera : il la drague. Il veut frauder et mettre sa queue dans
son trou.
Une dame en couple
apprécie visiblement les câlins d'un ami. Celui-ci les évite, car
il sait que suivant le règne des TSA, la dame finirait par envisager
un ménage à trois. L'ami n'est pas intéressé. Alors, il évite de
faire des câlins à la dame.
Une très jolie fille,
rigoureusement impossible à caresser, littéralement intouchable.
Car elle est partisane à fond du principe des TSA. Elle se trouve un
abonné, puis le surveille avec une jalousie terrifiante. Et au
premier soupçon le largue aussitôt. Elle a un « compagnon »
en ce moment. Ce n'est ni le premier, ni le dernier. Combien de temps
l'abonnement va durer ? Nul ne le sait, très probablement ça ne
durera pas longtemps.
Deux très jeunes filles
rêvent de câlins. Mais ne voient et connaissent que le règne des
TSA. Comme elles ne ressentent pas un désir concomitant et aspirent
aux caresses, elles pratiquent une valse hésitation. Quand un homme
leur plaît, elles cherchent à lui plaire. L'allument à mort et le
jettent avant de « conclure ». Tout en rêvant de
rencontrer « le bon » qui n'existe que dans leurs rêves.
Une fillette dans le
métro parisien bondé est restée debout. Un homme qui est assis
voit qu'elle voudrait bien s'asseoir. Mais évite de lui proposer de
la prendre sur ses genoux. Motif : dans la culture des TSA régnante
ça signifierait... l'initiative douteuse d'un pervers qui cherche à
gouter sexuellement un fruit vert. Il existe d'ailleurs hélas des
détraqués qui traduisent ainsi le règne des TSA et s'en prennent à
des enfants. Ils sont incapables de voir le monde relationnel sans
les lunettes déformantes des TSA.
Certains hommes qui
manquent de câlins vont apprécier d'autres hommes. Et, comme ils
voient le monde avec des lunettes TSA, ils en concluront qu'il s'agit
d'une attirance « homosexuelle ».
Un homme et une femme
s'entendent à merveille. Voilà qu'un jour l'entente spirituelle
amène quelques caresses. La dictature tragique du règne des TSA va
inter-agir et progressivement ronger et détruire la très bonne
entente de départ. Car s'il y a câlins, la dictature du règne des
TSA exigera d'aller au trou et le remplir. En bons petits soldats du
cul et aux applaudissements de l'entourage qui ne voit de câlins que
mâtinés de cul, les deux amis vont se mettre à l'ouvrage. Sans
grand résultat. Leur accord est humain et affectif et pas
l'expression d'un accord avec l'artificiel règne des TSA. Les
efforts pour se conformer à l'abonnement amèneront des éléments
perturbants. La jalousie et également l'angoisse pour l'avenir des
enfants à venir, bien sûr ! Finalement, c'est à la veille du
mariage que la femme partira en courant, laissant un terrain affectif
dévasté. La belle amitié du début a succombé au règne des TSA !
Si on prend conscience du
règne aberrant et dévastateur des TSA, reste qu'il apparaît des
plus ardus de s'extraire de la gangue de celui-ci. Ne serait-ce
qu'exprimer un désir de câlins ne conduisant pas à la mise en
place à terme de TSA paraît extrêmement difficile. Ce n'est
vraiment pas du tout évident.
Certains croiront éviter
le problème des TSA en prétendant s'abonner ouvertement et
simultanément à plusieurs trous à la fois. Ils baptiseront parfois
cette démarche le « polyamour ». D'autres chercheront à
s'abonner à un centre de trous sur abonnements : club libertin ou
plage libertine. Mais le problème n'est pas l'exclusivité, mais le
principe de l'abonnement. Sur quelle base peut-on décréter que si
on s'aime on a forcément envie de baiser et recommencer à baiser ?
C'est proclamer un arbitraire relationnel qui ne corresponds
pratiquement jamais à la réalité des sens et des sentiments. Si
j'ai vraiment envie de faire l'amour avec une personne donnée, au
nom de quoi puis-je prétendre que j'en aurais toujours envie dans
six mois ou cinq ans ?
Alors, on s'arrange, on
ment souvent. Et on souscrit à des théories aberrantes et à la
mode, comme celles des zones érogènes. Il y aurait des zones
précises qui appelleraient nécessairement le coït si on les
sollicite par la caresse. Si on y croit, c'est facile de se suggérer
un appétit artificiel pour une chose dont on n'a pas envie. Et
baiser sans en avoir vraiment et authentiquement envie. C'est comme
manger sans avoir faim. Ça nuit souvent à la santé. Et ça rend au
bout du compte la nourriture insipide et écœurante.
Mais, au nom de toutes
sortes de théories plus ou moins tirées par les cheveux, on
continue à encenser le mythe de l'authenticité du règne des TSA.
On verra même faire appel à la psychologie ou aux médicaments pour
soigner « les troubles de la libido ». Si vous n'avez pas
envie de baiser, ce n'est pas normal, on va vous soigner ! On invente
ainsi de nouveaux traitements pour des maladies imaginaires. Ils sont
réglé auprès des spécialistes avec des espèces sonnantes et
trébuchantes et pas du tout imaginaires. Ce qui fait que ces heureux
« thérapeutes » ne s'aviseront généralement pas de
vous dire que vous n'avez rien, mais que c'est la société qui est
malade du règne des TSA. De toutes façons, comment pourraient-ils
identifier un trouble dont ils souffrent eux-mêmes et qu'ils ne
croient pas être un trouble ? S'émanciper du règne des TSA c'est
aussi s'émanciper du règne d'un certain nombre de charlatans qui
prétendent vous apprendre à gérer correctement votre cul.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 23 décembre 2015
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