dimanche 18 juin 2017

787 La conception bordelienne de la sexualité

Un article dans un grand journal parisien traitait, sur un ton qui se voulait léger et spirituel, de la sexualité de nos contemporains. Une affirmation là a retenu mon attention. Elle prétendait que les humains autour de nous « font l'amour » une fois par semaine et que c'est suffisant pour assurer « leur bonheur ». L'article prétendait nous éclairer, décomplexer, aider à mieux vivre...

C'était en réalité le contraire en dépit du ton et des apparences. En effet, tout d'abord si pour assurer notre bonheur il faut « faire l'amour » une fois par semaine, ça signifie que ceux qui n'ont pas cette opportunité sont des malheureux, des ratés, des minables, des qui n'ont rien compris, qui sont au dessous de tout. Bref, il ne leur reste plus qu'à se faire interner en hôpital psychiatrique ou aller voir un psy.

Ensuite « faire l'amour » qu'est-ce à dire ? Est-ce que droguer, saouler et sodomiser dans une piscine une jeune fille de treize ans, comme l'a paraît-il fait un jour une de nos célébrités, c'est faire l'amour ? Est-ce qu'aller voir les prostituées et en être client c'est « faire l'amour » ? Mystère, il semblerait qu'il suffit de mettre le truc dans le machin, secouer, décharger... et hop ! On a « fait l'amour ».

Et cet acte délicieux assurerait notre bonheur. Il existerait donc un bonheur standard à portée d'éjaculation. Les dames devant bien sûr se plier à la carotte masculine pour avoir accès elles aussi au bonheur...

Mais là où une interrogation est soulevée par cet article, c'est quand il affirme la périodicité de l'acte sexuel assurant le bonheur. Ce n'est pas une fois tous les quatre jours ou tous les cinq jours, mais très exactement selon un rythme hebdomadaire. D'où provient cette étrange précision ? A quoi correspond-t-elle ?

Elle correspond très exactement au rythme de la fréquentation habituelle des bordels d'antan. Le paysan allait au marché une fois par semaine. Quatre-vingt-dix pour cent des hommes étaient jusqu'à une époque pas si ancienne des paysans. Une fois vendus ses produits, l'argent empoché, le paysan allait au bordel et rentrait ensuite à la maison.

Le propos donnant comme rythme sexuel satisfaisant celui d'un rapport hebdomadaire relève très simplement d'une conception bordelienne de la sexualité.

Par delà les discours « modernes et décomplexant », voilà en fait quelle est la vérité.

En analysant toutes sortes de discours sexuels écrits ou exprimés avec des images, dans la pornographie, en particulier, on retrouvera le même discours. Le sexe est un produit de consommation pour hommes, consistant essentiellement à se masturber en remplaçant sa main par un orifice naturel de quelqu'un d'autre. Le tout étant présenté comme une jouissance extraordinaire et automatique, qui correspondrait au fait de « faire l'amour ».

Une jeune fille influencée par les scénarios pornographiques m'ayant proposé de m'y inscrire avec elle un matin, j'ai décliné l'offre. Une amie qui par la suite commentait ma réaction m'a demandé : « mais tu n'as pas voulu en profiter ? » Sans réaliser l'horreur du concept : profiter de quelqu'un... On peut réaliser diverses choses avec d'autres personnes, mais profiter de quelqu'un est ici bien peu civil. Mon amie commentatrice ne s'était pas rendu compte de ce que pouvait signifier d'incongru sa question.

Basile, philosophe naïf, Paris le 18 juin 2017

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