Je n'ai jamais entendu
parler du patriarcat, sauf dans des cercles féministes très
politisés, jusqu'à ce que je commence à diffuser depuis avril
dernier des écrits personnels contre lui. Voilà que les femmes
auxquelles je les donne à lire m'approuvent, donnent leur opinion,
alors que jusqu'à présent elles ne m'ont rien dit à ce propos.
Pourquoi un tel silence règne ?
Des souvenirs d'enfance :
la mort ne me fait pas peur. Elle est si terriblement lointaine !
Quand je prends le métro parisien, de vieilles et bruyantes rames de
type Sprague-Thomson, il m'arrive trois ou quatre fois au moins à me
dire : « comme c'est curieux, toutes les personnes ici
présentes que je vois ou sais être dans cette rame, dans cent ans,
elles seront toutes mortes ! » Il ne me vient pas à
l'idée « et moi aussi ». Je me vois comme un spectateur.
Un soir dans mon lit, je
ne dois pas avoir bien plus de sept ans... Une pensée me traverse
l'esprit : « mais si nous changeons en permanence, nous
mourons en permanence. Et donc la mort si lointaine est en fait toute
proche. Le moi de cet instant dans un instant d'après sera mort. Je
vais mourir !!! Et à l'instant !! Quelle horreur !! »
Affolé par cette pensée,
je me lève aussitôt de mon lit, descend l'escalier de la loggia où
je me trouve et rejoins mon père, dans la cuisine. Je lui explique
comme je peux le motif de ma frayeur. Je ne me souviens pas ce qu'il
m'a répondu. Il est resté calme et a du noyer le poisson, je
suppose. Rassuré, je remonte me coucher. La mort, il m'en parlera
par la suite en évoquant les croyances des théosophes qui disent
que les âmes des morts vont dans l'espace tourner autour de la
Terre... Je l'écoute comme on écoute des fables ou des contes. Une
fois de plus je considère ces idées en qualité de spectateur. Je
ne suis pas concerné.
Tout se passe bien et
tranquille pour moi jusqu'au sept janvier 1968, durant ma
dix-septième année, où une pensée terrorisante vient me paralyser
de peur : « je vais mourir, n'existerai plus, ne penserai
plus !! » Je n'ose en parler à personne. Cette pensée me
hante, seul enfermé dans la salle de bains familiale. Finalement,
j'en conclus que je deviens fou ! Cherche dans une Matière
médicale homéopathique un remède à la folie. Trouve un nom :
« Stramonium ». Et demande à ma mère de me l'acheter
sans dire pourquoi. Prends ce médicament, et suite à ça ou pas, ma
frayeur passe. Elle reviendra.
Durant des années quand
cette peur me hante par périodes d'environ une semaine, je n'en
parle à personne. Jusqu'à un soir, ça devait être en 1977, où
n'en tenant plus je dis à ma mère : « j'ai peur. »
« Peur de quoi ? » me demande-t-elle. « Peur
de la mort », je réponds. Elle s'est esclaffé et a dit :
« que veux-tu, le Bon Dieu a mal fait les choses. »
Précision : elle n'était ni croyante ni à fortiori
pratiquante. Pour me répondre elle s'est senti obligée d'utiliser
un concept religieux. J'avais espéré quelque chose de rassurant de
la part de ma mère.
La mort est la petite
sœur du patriarcat. On évite d'en parler. Ce que la plupart des
hommes reprochent à la femme, c'est de les avoir engendré mortels.
Elle faillit ici à son devoir de protection et les abandonne face à
la mort grimaçante et sans pitié. La femme, de son côté,
culpabilise de cet abandon. Ce qui fait qu'elle a souvent du mal à
dénoncer le patriarcat et ses innombrables abus et exactions. Si on
parle si peu du patriarcat, c'est aussi parce qu'on croit souvent à
une partie de ses fables, des femmes « coupables » de
provoquer qui sont violées, par exemple. Bien des gens répugnent à
dénoncer les crimes et agressions sexuelles, car ils ont
l'impression en le faisant de soulever le couvercle d'un cercueil où
quelque chose pourrit depuis très longtemps... Le patriarcat pue la
mort. Débarrassons nous-en !!!
Basile, philosophe
naïf, Paris le 3 juin 2017
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