Dans l'expression de son
amour pour l'autre, chaque humain occupe plus ou moins un espace
autour de lui : le champ amoureux. À
nos débuts nous occupons ce champ tout entier, dans le ventre
de notre mère, puis juste après notre naissance. Avec le temps, les
règles imposées par la société, les idées dominantes et
envahissantes, notre champ amoureux se réduit de plus en plus.
Parfois nous finissons par ne plus en occuper qu'une portion congrue.
Par exemple si âgé nous ne sortons plus de chez nous et évitons
pratiquement totalement les contacts avec les autres. J'ai vu ainsi
faire des personnes âgées à Paris dans les années 1970 qui
évitaient même d'ouvrir leur porte si on sonnait.
Occuper le champ amoureux
signifie aussi accepter l'autre. Et l'accepter c'est lui accorder son
espace, son droit à la différence, à l'originalité, au mystère.
Par définition l'autre reste et restera toujours et de manière
enrichissante et heureuse en partie étranger à nous. De plus, un
homme ne peut par définition tout connaître d'une femme et
réciproquement. La rencontre n'est jamais fusionnelle. L'amour
fusionnel est une illusion.
La différence entre les
humains est fondamentale et indissociable de l'amour. Pour aimer il
faut au minimum être deux et accepter cette différence. Deux ne
font et ne feront jamais un, quoiqu'en disent les poètes inspirés
ou les démagogues. Et aussi jamais un humain ne peut prétendre
« appartenir » à un autre humain ou le « posséder ».
Les petits enfants vivent
la différence de l'autre, quand ils l'aiment, sur un mode léger et
joyeux. Les adultes, échaudés par de mauvaises expériences et
abreuvés d'idées inquiétantes vivent la différence de l'autre
avec crainte. Ils rêvent de tout comprendre et contrôler, dominer,
vaines prétentions !
L'amour est une science
que la plupart des hommes ignorent. Déjà si les hommes faisaient
aux femmes ce qu'elles attendent d'eux et non pas ce qu'ils ont envie
de leur faire, ça changerait beaucoup de choses. Ça rouvrirait
pleinement le champ amoureux. Si la femme qu'il rencontre est
vraiment femme, l'homme peut la prendre pour guide. Elle connaît
mieux les chemins du cœur que lui. Mais combien d'hommes savent et
osent le faire, plutôt qu'exiger l'impossible et se lamenter de ne
pas l'obtenir ?
La plupart des hommes, au
lieu de chercher à aimer l'autre cherche à se masturber dedans, au
sens figuré comme au sens propre. Ce qui interdit à la relation
d'amour de naître et s'épanouir. Ce comportement explique aussi
l'origine de la violence homophobe de la part d'hommes. Ils
rencontrent chez les gays à leur égard l'attitude qu'ils ont
vis-à-vis des femmes. Et ils la trouvent insupportable, sans
remettre en question leur manière d'agir identique avec les femmes.
Plus les hommes hétérosexuels sont violents avec les femmes, plus
ils sont violents avec les gays. L'homophobie est un parent proche du
machisme.
Il faut oser s'ouvrir à
notre champ amoureux et oublier nos idées fausses et nos expériences
décourageantes. C'est possible, car la vie est comme un jardin qui
attend d'être semé pour se charger de fleurs. Mais il faut pour
cela patience, délicatesse, bienveillance, insouciance et
générosité. Et surtout cesser de croire que nous savons ce que
nous ignorons. Si nos échecs sont nombreux, c'est que notre
ignorance est grande. Il nous faut apprendre. Et ce que nous avons à
apprendre n'est pas écrit dans les livres de papier, mais dans le
livre de la vie.
Pas plus qu'on ne saurait
décrire la couleur rouge ou le goût du sucre on ne saurait décrire
l'amour. Et il ne faut surtout pas écouter les pessimistes. Ce sont
des ignorants qui veulent que nous partagions leur ignorance.
Ignorons-les. Et libres d'eux laissons la vie et l'amour nous
émerveiller.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 2 décembre 2016
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