Qu'est-ce que beaucoup de
gens croient être « l'amour » ? C'est quelque chose
qu'on peut définir comme composé de six éléments : pour commencer
une excitation plus ou moins grande et une impatience de connaître
la suite. Ce sentiment n'est pas de l'amour.
Ensuite et d'emblée la
mise en place de la jalousie comme des sortes de barrières
douanières. Dorénavant on n'est plus libre de faire ce qu'on veut,
c'est-à-dire voir ailleurs. On est ligoté l'un à l'autre. Et, dans
les premiers temps au moins, on s'en trouve très bien. Un peu comme
un gamin gourmand à qui on vient de porter un énorme gâteau
crémeux très appétissant à manger tout seul.
Preuve de la réalité de
ce nouvel amour, croit-on, est le partage de l'intimité. Alors qu'on
ne va pas tout nu dans la rue ou devant les autres en général, là
c'est possible. C'est même la preuve supplémentaire que « quelque
chose a changé ». Certains poussent l'intimité un peu loin :
ne pas se raser ni faire attention à soi pour l'autre, etc. Bref,
être sale et négligé.
Le « Sésame
ouvre-toi » pour entrer dans « l'amour », c'est
« le sexe ». C'est-à-dire qu'on croit que certains
exercices physiques et certains contacts en général attestent de la
qualité amoureuse de la relation, puisqu'on ne les fait ou les a avec
personne d'autre. On ne voit pas en quoi cette exclusivité
attesterait de quelque qualité intrinsèque que ce soit. Mais on y
croit, à défaut que ce soit vrai.
Autre élément important
et rassurant : la reconnaissance sociale. Avant les fiançailles puis
le mariage étaient les étapes obligées. A présent il faut
annoncer la nouvelle à tous les proches : « on est ensemble ».
On croit ainsi consolider quelque chose.
Enfin, sixième et
dernier élément essentiel : l'institutionnalisation. Hier les
fiançailles et le mariage, aujourd'hui quelquefois encore le
mariage, mais surtout le fait de vivre à deux. Partager un logement
commun et les factures d'électricité prouverait notre amour... A
tel point que j'ai connu des femmes qui voulaient à tous prix voir
leur nouvel amant liquider son logement et venir vivre chez elle. Par
la suite celui-ci largué par elle se retrouvait ou aurait pu se
retrouver aussi à la rue.
A l'institutionnalisation
corresponds aussi des cadeaux rituels : bague de fiançailles,
bijoux, etc.
Quelle évolution suivent
ces six éléments ? On l'a vu pour le sixième. Pour les autres le
cours suivi est aisément passable en revue :
L'excitation retombe. La
jalousie n'est pas l'amour. A l'intimité on s'habitue. Elle se
banalise et progressivement n'évoque plus rien de particulier.,
S'agissant du sexe, c'est très souvent pire. Car il ne s'agit pas le
plus souvent de personnes qui « font l'amour », exprimant
ainsi un désir authentique, véritable et réciproque. Mais d'une masturbation intromissive réciproque et simultanée. Qui devient
ensuite une masturbation intromissive d'une seule des deux personnes
concernées. L'acte sexuel simulé devient écœurant, ennuyeux,
boiteux, sans intérêt. Alors on se replie sur soi ou on cherche
ailleurs. On peut aussi chercher sur des chemins tortueux un « plus »
dans des pratiques sexuelles plus ou moins bizarres. Quant à la
reconnaissance sociale du « couple », on s'y habitue.
Tout ceci fait qu'au bout
d'un certain temps, la belle relation « d'amour » qui
avait si bien commencé se défait, se dissout. On ne comprend pas
pourquoi. En fait, si elle semble ainsi se défaire, ce sont
seulement les illusions accompagnées d'agitation qui s'effacent. La
relation « d'amour » n'avait jamais été effective.
C'était un mirage auquel on avait cru. Et dont la disparition laisse
apparaître le vide qu'on refusait de voir. L'amour, qui est autre
chose, reste à trouver.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 15 décembre 2016
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